Deux ans après la publication remarquée en 2022 du premier opus de « 1629 : l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta » (1), voici la seconde partie : laquelle devrait combler ceux qui se sont passionnés pour ce formidable thriller maritime. Un huis clos éprouvant — inspiré aux auteurs par une histoire vraie déjà adaptée en BD par Jean-Denis Pendanx et Christophe Dabitch (2) — qui renoue avec les grandes séries d’aventures exotiques…
Lire la suite...Pascal Rabaté et Simon Hureau, à propos de « Crève Saucisse »
Appréciés par leur clientèle, Didier et sa femme Sandrine sont les propriétaires d’une boucherie dans une petite ville. Mais dès qu’il est seul Didier montre un caractère ombrageux. La cause de ce tourment apparaît lors d’une soirée avec Éric et Laurence, un couple d’amis. Autour de photos prises lors de vacances communes au bord de la mer, Didier se souvient avoir surpris sa femme le trompant avec Éric. Suite à cette soirée, il découvre que la relation adultérine entre Laurence et Éric continue. C’est en relisant l’une de ses bandes dessinées, que Didier imagine un stratagème pour éliminer son rival…
Le scénario de Pascal Rabaté et les dessins de Simon Hureau nous font partager de manière sensible et naturelle le désarroi de leur personnage principal.
Sans être démonstratif dans leurs regards, les deux auteurs nous suggèrent aussi bien ses colères, son espoir lorsqu’il croit la liaison de sa femme terminée, que son désarroi lorsqu’il se rend compte que non.
La manière dont est localisée l’intrigue peut faire penser aux polars tournés par Claude Chabrol. En effet la région des bords de Loire est très bien décrite par les maisons et quartiers où évoluent les personnages. De plus le lieu du dénouement entre Éric et Didier, qui se déroule dans un haut lieu vendéen sera reconnu par tous.
Quelle a été l’idée de départ de cette histoire ?
Pascal Rabaté : L’idée, pas très jeune, est née au milieu des années 90 et laissée en jachère jusqu’à ce que je retombe dessus dans les années 2000. L’envie était de raconter un policier avec des gens simples, je n’ai pas dit simplistes. Pas de profiler, de tueur en série, juste un boucher et ses bédés. L’idée était aussi de rendre un hommage à la bande dessinée. La bande dessinée de Maurice Tillieux, « La Voiture immergée », avait inspiré un roman de Boileau et Narcejac(1) qui a lui même était adapté pour la télé ; c’était une façon de boucler la boucle et de rendre à César ce qui appartient à César (César, un des personnages créés par Tillieux).
Á propos de vos « gens simples », on sent que vous vous attachez à vos personnages. Cet attachement est sensible aussi bien dans vos bandes dessinées que dans vos films : « Les Petits ruisseaux » adapté de votre album éponyme et « Ni à vendre, ni à louer ». Vous préparez vos histoires de la même façon ?
P. R. : Je les prépare de la même façon. Enfin, je crois : j’ai une idée que je pense forte et je développe, je m’identifie au personnage, je leur donne mes questions et mes interrogations. Ensuite, j’espère que mes personnages m’échappent et trouvent leur propres cheminements.
Un cheminement qui amène certains protagonistes de votre deuxième film a faire une apparition dans « Crève saucisse ». Votre collaboration avec Simon est née de quelle manière ?
P. R. : Simon et sa petite famille sont venus s’installer à Langeais et sont devenu voisins avec ma mère. Quand j’allais la voir on se faisait signe, on parlait boutique, ma mère parlait avec Simon de graines, de potager, moi de bédé. Je connaissais le travail de Simon et l’appréciai, l’idée est venue naturellement, je lui ai proposé, il a accepté. On a un peu parlé de la façon de bosser. Il m’arrive de faire des story-board, ici, Simon préférait s’occuper de la mise en scène, ce qu’il fait très bien.
Simon Hureau : Concrètement, le scénario, intégralement dialogué avec juste les indications de lieu d’action, d’ambiance et de sentiments, tout en étant parfaitement clair, me laissait une totale liberté sur la mise en scène. Le tout fut d’une grande fluidité.
Il vous a été naturel de situer une partie de l’action dans une ville ligérienne ?
S.H. : C’est moi qui ai proposé les décors. Rien n’était exigé dans le scénario de ce côté-là à part le chapitre « vendéen », et l’histoire n’était pas géographiquement très typée. J’ai donc pris ce que j’avais sous la main, et comme j’étais sans voiture le jour où je voulais faire mon repérage, je ne suis pas allé très loin, mon vélo est passablement poussif… Le bourg auquel j’avais pensé s’est trouvé correspondre plutôt bien à ce que je cherchais. Un village français assez neutre, sans caractéristique touristique ou régionale criante et trop identifiable.Quant à la boucherie, c’est celle du bout de ma rue ! Elle était parfaite.
Votre héros Didier possède une impressionnante collection de bande dessinée. On peut y voir des titres de Robert Crumb, Benoît Sokal, Laurent Lolmède, Chloé Cruchaudet, Edmond Baudouin, Dominique Roques et Alexis Dormal …, au milieu de classiques franco-belges. Ce sont aussi vos lectures ?
S.H. : J’avais demandé à Pascal, pour le contenu des bibliothèques. Il m’a répondu : « Carte blanche ! Fais toi plaisir ». Ainsi fut-il fait. Plutôt que de chercher à coller au personnage en le définissant par ses lectures (périlleux exercice, duquel peut découler une foule de sous-entendus et de malentendus…), j’ai donc mis là un raccourci de quelques unes de mes lectures appréciées, voire des amis, dans un joyeux éclectisme, sans cohérence aucune.
Vous avez tous les deux une actualité supplémentaire, la réédition de « Bienvenue à Jobourg » pour Pascal et un deuxième récit de Limul Goma « Le Massacre »(2) pour Simon, vous avez déjà d’autres projets en cours ?
P.R. : J’ai un album avec Bibeurlu, « Biscotte dans le vent », une comédie douce sur un employé des postes, un autre projet sur le parcours de Yannick Alleno, un livre hommage à « Fenêtre sur cour », et enfin un nouveau film « Du goudron et des plumes », tournage en avril.
S. H. : Un certain nombre. Surtout des collectifs, en ce moment, mais aussi un carnet de dessins sur la région d’Amboise, un projet de reportage au Nigéria, des récits de voyages… La pile des chantiers en cours ne désemplit pas. Un autre livre sort également, en ce même mois de janvier, mais celui-ci est pour les enfants : « Ronde de Nuit », chez Didier jeunesse. Si je peux, j’aimerais également continuer à creuser cette veine là.
Brigh BARBER, avec un tout petit peu de Gilles Ratier pour la mise en page
(1) « Maléfices » est paru en 1961, l’adaptation fut réalisée l’année suivante par Henri Decoin.
(2) Vous pouvez lire un article de Didier Quella-Guyot au sujet de l’album « Le Massacre » de Simon Hureau dans la rubrique « BD voyages » : http://bdzoom.com/58245/bd-voyages/%c2%ab-le-massacre-%c2%bb-par-simon-hureau/
« Crève Saucisse » par Simon Hureau et Pascal Rabaté
Un peu déçu par ce livre. Un boucher peut-être cocu, je ne vois pas ce que cela a d’étonnant ou de risible.