Même quand on est adulte, on aime lire les albums jeunesse scénarisés par Loïc Clément. Le récit est toujours surprenant, avec de l’action ou des thématiques traitées toujours profondes et intéressantes… Et pour agréger actions, personnages attachants et émotions, le scénariste n’oublie jamais d’ajouter une bonne dose d’humour. On retrouve tous ces ingrédients dans « Les Larmes du yôkaï » : une enquête policière amusée et amusante dans un Japon médiéval revisité.
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Notre sélection de la semaine? : ? Mauvais garçons : Solea T.1 et 2 ? par Benjamin Flao et Christophe Dabitch, ? Blessure d’amour-propre ? par Martin Veyron et ? Ivanhoé T.1 : Le grand tournoi d’Ashby ? par Elias Sanchez et Yann.
- ? Mauvais garçons : Solea T.1 et 2 ? par Benjamin Flao et Christophe Dabitch – Éditions Futuropolis (17 Euros)
En novembre 2007, l’illustrateur voyageur Benjamin Flao se faisait remarquer avec sa première bande dessinée : « La Ligne de fuite », paru chez Futuropolis sur un scénario du journaliste bordelais Christophe Dabitch (le partenaire de Jean-Denis Pendanx sur les somptueux « Abdallahi » et « Jeronimus »). Avec le même compère, deux ans plus tard, il remet ça avec deux livres de plus de 100 pages chacun qui paraissent coup sur coup (le premier ce mois-ci et l’autre le mois prochain). Après avoir évoqué la poésie de Rimbaud dans « La Ligne de fuite », place à une autre forme poétique, essentiellement orale cette fois-ci : la solea, l’un de ces chants flamenco qu’apprécie particulièrement Christophe Dabitch. Pour ce faire, les deux complices mettent en scène, quelque part en Andalousie, deux amis inséparables (l’un est gitan, l’autre pas) qui partagent un amour inconditionnel pour cet art dont les histoires tristes sont portées par la danse, par le chant et par l’accompagnement de la guitare. Ils ont l’espoir d’en faire leur gagne-pain mais comme ils ne veulent pas se compromettre en faisant du « flamenco-rock », nos deux puristes traînent les poches vides et la tête pleine d’illusions… Et on s’y croit vraiment car on vibre à chaque trait nerveux et puissant de Benjamin Flao et à chaque dialogue sensible et émotionnel ciselé par son scénariste. Les pages musicales, où les artistes chantent et dansent, sont particulièrement réussies et nous proposent un subtil voyage intérieur : les auteurs ayant très bien capté l’esprit du flamenco en retranscrivant le désespoir provoqué par ses chansons qui parlent d’amitiés et d’amours perdues, sur un rythme saccadé où se glissent des silences et des non-dits qui peuvent laisser la place à l’imaginaire du lecteur !
- ? Blessure d’amour-propre ? par Martin Veyron – Éditions Dargaud (14,50 Euros)
Après le succès de « L’amour propre… » (paru, dès 1982, dans L’Écho des Savanes), l’auteur des sociologiques mais très amusantes mésaventures de « Bernard Lermite » bifurqua vers d’autres horizons comme la télé, la presse, le cinéma, la littérature…, pour toucher un autre public. Puis, Martin Veyron, même s’il se demande encore régulièrement s’il est bien dans le bon médium pour créer des personnages qui ne sont pas très différents de ceux de la vie réelle, est revenu à ses premières amours : ce qui nous valut quelques petits chefs-d’œuvre drolatiques, qui épinglait habilement notre civilisation, mais qui sont passés, hélas, trop inaperçus ; tels « Donc Jean » (1990), « Cru bourgeois » (1998), « Caca rente » (2000) ou le plus récent « Papy plouf » (2006). Et, vingt-sept ans après, voilà qu’il nous donne une suite vraiment réussie (et peut-être meilleure que l’original) à son ode au point G : zone géographique féminine susceptible de déclencher des orgasmes effarants ! Se représentant lui-même avec sa cinquantaine bien tassée et ses problèmes de prostate, Martin Veyron est, dans cet album, en panne d’inspiration ; désabusé au possible et toujours mal embouché, il est obligé d’arrondir ses fins de mois avec des petits boulots alimentaires pour des boîtes publicitaires. Or, une jeune journaliste-santé, qui prépare un documentaire pour Arte, le contacte pour en savoir plus sur cette fameuse zone érogène qui était le principal sujet de « L’amour propre… »… Et cette quête effrénée du plaisir absolu est carrément… jouissante : sans nombrilisme ni pornographie, cette fausse auto-biographie, qui lorgne vers les comédies de mœurs hollywoodiennes (à la Capra ou à la Lubitch), parle de nos contemporains avec élégance et humour, le tout teinté d’un cynisme de bon aloi. De plus, son dessin semi-réaliste, de plus en plus fonctionnel, est ici totalement au service d’une narration épatante (et remarquablement dialoguée) qui témoigne d’une sensibilité à fleur de peau et d’un esprit désespérément drôle !
- ? Ivanhoé T.1 : Le grand tournoi d’Ashby ? par Elias Sanchez et Yann – Éditions Delcourt (12,90 Euros)
Décidément, la collection « Histoire & histoires » des éditions Delcourt nous révèle régulièrement des petites pépites dans le registre de la bande dessinée d’aventure historique et de divertissement. Cette adaptation du roman médiéval de l’écossais Walter Scott (qui date de 1819) est de celles-là ! Certes, d’autres artisans bédéistes se sont déjà penchés sur ce retour de croisade du jeune Ivanhoé, lequel est bien décidé à se venger, dans une Angleterre où Saxons et Normands se disputent le pouvoir en cette troublante fin du XIIe siècle ; on pourrait citer Claude-Henri Juillard (en 1948 pour Zorro), Auguste Liquois (en 1951 dans L’Humanité), l’Espagnol Francisco Blanes Aracil (en 1959), Antonio Parras (en 1960 dans Pilote), Angelo Di Marco (en 1960 dans Télé 7 Jours), Jean Ollivier (encore en 1960 pour les petits formats des éditions Aventures et Voyages, ceci jusqu’en 1986 avec le concours des dessinateurs Otello Scarpelli ou J. Riera), les Italiens Fernando Fusco et Dino Battaglia (toujours en 1960)… Il faut dire aussi que, dans les années 1960, le mythe de ce chevalier saxon banni par son père pour avoir prêté allégeance au roi Richard Cœur de Lion, était amplifié par le succès d’un populaire feuilleton télévisé. Ici, le trait très manga et comics du Catalan Elias Miguel Sanchez Lopez (qui signe Elias Sanchez et que l’on a déjà pu apprécier sur certains albums publiés chez Paquet comme « Naüja » avec Toni Termens ou « Les Royaumes engloutis » avec Roke) permet de donner un aspect plus moderne à ce récit chevaleresque un peu éculé… Mais c’est surtout le souffle épique amené par le scénariste Yann, que l’on n’attendait pas dans ce domaine, qui dynamise cette adaptation menée tambour battant.
Gilles RATIER