On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...Hommages à Philippe Delaby…
Une superbe exposition supervisée par Daniel Couvreur à Ottignies-Louvain-la-Neuve, un prix de la meilleure série ainsi qu’un hommage émouvant de son scénariste Jean Dufaux à la cérémonie de remise des prix Diagonales-Le Soir et, en prime pour les lecteurs de BDzoom.com, la dernière interview du dessinateur de « Murena » : elle a été réalisée par Lionel Flips le 12 janvier dernier, soit seize jours avant son décès…
Depuis le 17 mai, et ceci jusqu’au 15 juin, on peut visiter au Cinescope d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, une mise en scène raisonnée des planches originales de Philippe Delaby intitulée « Murena, la Rome noire » et supervisée par le journaliste Daniel Couvreur : il s’agit d’une mise en scène réussie des images hyperréalistes de cette série qui scrute les jeux de pouvoir dans la Rome antique et que ce dessinateur a créée avec l’immense scénariste Jean Dufaux, en 1997, pour les éditions Dargaud (pour en savoir plus sur Philippe Delaby, voir « Murena » pleure son dessinateur…).
Pour rendre hommage à ce talentueux dessinateur réaliste parti trop tôt, son complice narratif a, une première fois, évoqué l’homme et son parcours lors du vernissage pour les journalistes, ce jeudi 22 mai, et recommença en soirée avec d’autres mots tout aussi émouvants, en compagnie de la veuve de Philippe Delaby, sur la grande scène de la cérémonie des prix Diagonale-Le Soir : « Murena » ayant été justement distingué par celui de la meilleure série.
En effet, la ville d’Ottignies-Louvain-La-Neuve, décidément très active dans le domaine de la bande dessinée — n’oublions pas qu’elle héberge aussi le magnifique Musée Hergé (1) — décernait, le soir même, les Prix Diagonale et le Prix Raymond Leblanc, prix parmi les plus importants du 9e art en Belgique.
Ceci au cours d’une cérémonie aussi déjantée que bon enfant qui récompensait et consacrait donc Philippe Delaby et Jean Dufaux pour « Murena », mais aussi Romain Renard pour « Melvile » aux éditions Le Lombard (prix du meilleur album pour cette histoire d’un romancier, quelque peu en manque d’inspiration, venu prendre du recul dans la ville de son enfance ; voir « Melvile » par Romain Renard) et surtout l’auteur de bande dessinée Bernard Yslaire pour l’ensemble de son œuvre.
Ce dernier étant connu, entre autres, pour être le dessinateur de la série « Sambre » aux éditions Glénat, pour ses collaborations qui s’étendent au cinéma ou au théâtre et pour être l’un des pionniers de la BD numérique.
Chaque prix Diagonale est doté de 2 000 euros, montant conditionné par un cours adressé par le lauréat à des étudiants en bande dessinée.
Notons également qu’un jeune talent prometteur a été récompensé, au cours de cette cérémonie, par le Prix Raymond Leblanc doté d’une bourse de création de 10 000 euros et d’un contrat d’édition pour un premier album. Il s’agit d’Hélène Vandenbussche, vingt-sept ans et originaire du nord de la France, pour son projet « La Fille cendrier ».
Cette soirée formidable, conviviale et drôle (à cent lieues du sérieux, voire de l’ennui et de la prétention, qui se dégage lors de manifestations du même acabit, pourtant bien plus réputées, dans notre pays) offre une véritable visibilité à des prix significatifs de la diversité et de la qualité de la bande dessinée d’outre-Quiévrain : un événement fort bien mis en avant, auquel il ne manque plus, peut-être, qu’un lien plus affirmé avec la population (avec une journée supplémentaire proposant des conférences et quelques dédicaces, par exemple)…
Gilles RATIER
Ce fut aussi pour nous l’occasion de nombreuses rencontres fructueuses, comme celle avec le bourlingueur du net Lionel Flips, responsable d’un très généraliste site culturel du même nom : http://www.lebourlingueurdu.net.
Il nous a proposé de relayer une interview particulière de Philippe Delaby, puisqu’elle fut la dernière qu’accorda ce talentueux dessinateur avant son décès prématuré : et nous nous sommes empressés d’accepter !
- Bonjour Philippe, pour nos lecteurs qui ne te connaîtraient pas encore, pourrais-tu nous dire qui es-tu et que fais-tu dans la vie ?
- Je m’appelle Philippe Delaby, je suis belge et j’habite près de Tournai. J’ai cinquante-deux ans et cela fait vingt-huit ans que j’exerce le métier de dessinateur professionnellement. J’ai fait mes premières armes dans le journal Tintinà l’époque où cet hebdomadaire existait encore. En effet comme la plupart des dessinateurs de mon âge, j’ai eu la chance de réaliser des histoires courtes avec principalement Yves Duval, alors spécialiste des récits à caractères historiques. Ma toute première histoire parue dans ce journal s’intitulait « La Dernière Sortie des gladiateurs », en 1987.
- Tu es également le dessinateur de la fameuse série « Murena » aux éditions Dargaud, une série qui ne cesse de déchaîner les foules si l’on en croit les différents articles de presse élogieux à ton encontre ?
- En effet, cette série que nous avons commencée fin des années 1990, Jean Dufaux et moi, connaît un succès actuel que l’on n’imaginait pas au départ. Il est vrai que rien n’est calculé quand on commence une série, on la fait par désir, par choix. D’ailleurs, il faut le dire, au départ, certains trouvaient ça risqué d’aborder le genre péplum en BD, y compris notre éditeur. Pourtant, il y avait bien « Alix », depuis 1948, mais c’était un sujet passé en désuétude dans tous les domaines : ciné, BD… Nous ne sommes pas peu fiers, maintenant, d’avoir rouvert la porte à ce genre. Nous ne sommes pas historiens, mais nous avons réalisé « Murena » avec la plus grande sincérité. Et je pense que le public y a été sensible. À ce propos, même si je fais toujours attention aux choix de ma documentation pour être le plus authentique possible, le but n’est pas de faire de « Murena » une série documentaire ; mais plutôt de se sentir au cœur de Rome, d’avoir l’illusion d’y vivre et de partager les heurts et les malheurs de tous ces personnages qu’ils soient connus ou non.
- Depuis 2004, tu as également repris la série « Complainte des landes perdues » qui était jusqu’alors le fief de Rosinski, un style qui te réussit bien. Pourrons-nous un jour te voir aux manœuvres de « Thorgal » ?
- Ce n’est pas dans mes projets ; même si « Complainte des landes perdues » — qui se termine — est un univers que j’affectionne, d’autres horizons s’ouvrent à moi par la suite. Toujours avec mon vieux compagnon, Jean Dufaux. Mais ce nouveau projet ne verra pas le jour avant d’avoir réalisé trois « Murena » d’affilé (les tomes 10, 11 et 12) qui bouclent ainsi le troisième cycle. Un suivant et dernier suivra. Entre-temps, je commencerai à installer un autre univers pour mon futur projet avec Jean. Mais il faudra être patient. Quoi qu’il en soit, nous ne serons plus dans les deux mêmes domaines, à savoir l’Antiquité et le Moyen-Âge fantastique.
- Comment se passe justement ta collaboration avec Jean Dufaux, vous vous voyez régulièrement pour vous mettre d’accord sur la suite de l’histoire où bien te laisse-t-il totale liberté quant à ton interprétation de son scénario ?
- Il faut savoir que nous nous voyons beaucoup afin d’échanger nos points de vue. Ces rencontres sont toujours un plaisir et très souvent se déroulent autour d’une table. C’est devenu d’ailleurs un rituel, sacré pour nous. Jean est un auteur très ouvert qui soumet son scénario sans s’imposer, en laissant toujours le dessinateur exprimer ses suggestions et ses désirs éventuels. Par exemple, si tel ou tel décor me donne envie de le dessiner, il trouvera toujours un moyen de l’inclure dans le récit. C’est un réel échange, une communion et nourrit d’un respect mutuel. Et je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Nous travaillons en binôme. Je souhaite à chaque dessinateur de trouver cette osmose qui permet de faire de bonnes choses et de s’exprimer pleinement.
- Tournaisien dans l’âme, tu as à une époque publié des planches pour le club de foot de Mouscron, une aventure qui s’est achevée vu le succès que prenait ton « Murena ». Nous avons beau chercher sur internet, aucune trace de ces planches, jamais eu envie de continuer ?
- Non pas du tout. C’était pour faire plaisir à un ami à l’époque fan du club l’Excelsior de Mouscron.
- Merci à toi Philippe pour toutes ces précieuses informations, alors que tu termines actuellement un album que nous nous empresserons de lire dès sa sortie !
Lionel FLIPS
(1) À l’occasion de son cinquième anniversaire, le Musée Hergé inaugurait le jour même une exposition mettant à l’honneur Nat Neujean et qui se poursuivra jusqu’au 26 septembre.
Ce sculpteur, cher à Hergé puisqu’il a réalisé notamment différents bustes et statues à l’effigie du jeune reporter, était même présent pour l’occasion, alors qu’il est aujourd’hui âgé de 91 ans.
D’après les organisateurs, c’est la première fois que toutes ses œuvres réalisées autour des personnages d’ Hergé sont réunies en une seule et même exposition.
Une quinzaine de pièces sont présentées, notamment un buste d’André Malraux, précisément à l’origine de la rencontre, au départ fortuite, entre Nat Neujean et Hergé en 1947.
Le sculpteur s’était en effet rendu à Bruxelles là où travaillait Hergé pour se procurer un album « Tintin » à offrir à l’homme de lettres français.