Le 3 décembre dernier à Strasbourg, le Conseil de l’Union européenne a approuvé le déclassement du loup dans l’échelle des espèces animales à protéger. Il est ainsi passé d’espèce « strictement protégée » à « protégée », ce qui a pour conséquence de faciliter son abattage. La raison invoquée pour cette modification est une mesure de protection du bétail face à une augmentation de la population lupine. Invité sur le plateau de Millevaches durant une année, le dessinateur Troubs s’est penché sur la question de la cohabitation entre le loup et l’homme… et rend compte de ce travail.
Lire la suite...SERGIO TOPPI
Les éditions Mosquito viennent de publier deux ouvrages in-dis-pen-sa-bles de Sergio Toppi : « Bestiaire », et « Le Collectionneur » que l’éditeur viendra présenter ? expo à l’appui ? à la librairie Aaapoum Bapoum ce jeudi 16 décembre (14 rue Serpente, 75006 Paris, à partir de 18h30). En attendant une exposition Toppi à la galerie Maghen fin janvier ; nous en reparlerons? Une belle actualité pour un artiste merveilleux?
« Le Collectionneur » : l’intégrale
Je ne vais pas attendre ne serait-ce qu’un paragraphe pour vous affirmer ici que cet album est l’une des œuvres les plus indispensables à toute bibliothèque digne de ce nom, de l’importance d’un « Mort Cinder ». Sergio Toppi est assurément l’un des plus beaux artistes de la bande dessinée mondiale, toutes périodes et géographies confondues. Et « Le Collectionneur » est certainement l’une des plus belles œuvres de ce monumental et discret Italien. Une pure merveille. Un chef-d’œuvre. Intelligente, efficace, culottée, prenante, iconoclaste, névrotique et humaniste, sublimement dessinée, cette création est pour tout dire fascinante… C’est en fait la seule série créée par Toppi, et donc son seul personnage récurrent, se déployant sur cinq albums remarquablement structurés et ajustés. Cette édition intégrale permet une vision et une lecture globales de l’œuvre qui révèlent plus que jamais que « Le Collectionneur » n’est pas réellement une série, du moins pas une série telle que nous l’entendons, puisque Toppi ne fait rien comme tout le monde. Chacun des cinq albums, axé sur une quête spécifique du héros, constitue en fait une facette d’un ensemble ouvert mais n’appelant pas de suite. « Le Collectionneur », comme son héros éponyme, n’est pas linéaire malgré le défilement des paysages et de l’action : elle creuse. La chronologie est peu importante dans l’appréhension du concept, alors qu’elle représente pourtant un point primordial de sa logique ; c’est l’une des bizarreries de cette création suintant l’absolu et le définitif. Les cinq aventures du Collectionneur ne sont finalement rien d’autre que le portrait d’un homme, d’un gentilhomme aux accents nietzschéens.
Le Collectionneur est un dandy aventurier aux faux airs de cow-boy et à la personnalité bien trempée. Le cheveu argenté, arborant une paire de bacchantes noires espacées et bouclées, dégainant des regards cinglants, il promène sa silhouette reconnaissable entre toutes (costume, gilet, cravate, chapeau et chaussures pointues) aux quatre coins du monde, bravant tous les dangers mortels pour compléter sa collection. Mais que collectionne donc le Collectionneur, pour qu’il risque ainsi sa vie sur tous les continents ? Non pas des tableaux ou des animaux exotiques, mais des objets à la frontière du réel, ayant souvent une fonction magique : calumet, obélisque, larme pétrifiée, sceptre et collier. C’est l’aspect presque mythologique de cette collection qui instaure une dimension fantastique au récit, faisant basculer l’aventure dans l’étrange et le surnaturel ; mais ce fantastique n’est pas une finalité pour Toppi, car tous ces objets doivent être vus et considérés comme des objets de pouvoir. Le calumet indien de pierre rouge permet de lire l’avenir, l’obélisque abyssin transforme en roi celui qui le touche, la larme pétrifiée mongole est une porte sur le surnaturel, le sceptre irlandais soulève et déplace les pierres, et le collier tibétain transmet les pouvoirs magiques d’un puissant lama. Il est fondamental de considérer ce paramètre pour bien comprendre le personnage du Collectionneur. Car on dit souvent que c’est un personnage trouble, ambigu, à la fois bandit et redresseur de torts, mais il me semble au contraire que c’est un personnage entier et très cohérent. Certes, il n’hésite pas à tuer, s’avère souvent cynique, et prend ce qu’il veut : « ce que je veux, je l’obtiens » dit-il lui-même plusieurs fois, comme un leitmotiv. Mais au-delà de son amour de l’esthétique et des arts, ce qui intéresse le Collectionneur est de substituer ces objets du pouvoir à la convoitise souvent assassine des êtres humains. Car qu’arriverait-il si l’un de ces réceptacles magiques venait à atterrir entre les mains d’un dictateur ou d’un fou meurtrier ? L’humanité serait sûrement en grand danger. Enlever ces trésors de la circulation est un acte humaniste ultime, et le Collectionneur le confirme : une fois à lui, ces objets ne reparaîtront jamais, et il est prêt à tuer pour cela. Heureusement pour le reste de la planète, étant en possession de tels objets, le Collectionneur n’est pas un bandit ou un psychopathe, pas plus que ne le serait Robin de Bois lorsqu’il décoche une flèche dans le cœur d’un soldat impitoyable. Le Collectionneur est en effet un homme ayant une éthique et un vrai sens de la justice ; tout au long de ses aventures, il croise les destinées d’hommes et de femmes subissant le joug de la violence, et le Collectionneur se met alors toujours du côté des justes pour défendre l’opprimé contre la barbarie. Tout ceci participe à donner à cette œuvre son caractère profond, riche, complexe, contrasté et plein de ramifications très excitantes pour nos neurones.
Les aventures du Collectionneur sont autant de quêtes spirituelles, et Toppi découpe ses histoires avec une belle fluidité, dans des mises en pages toujours fortes et inventives. Car au-delà du fond, impeccable et jouissif, il y a bien sûr le dessin de Toppi. Et dans « Le Collectionneur », celui-ci atteint des sommets. Chaque planche est un modèle de narration, et chaque case est une véritable gravure sur laquelle on peut passer des heures à admirer le travail d’orfèvre du maître. C’est époustouflant. Un summum dans l’art de la hachure, du contraste entre masses noires au pinceau et modelés aux motifs infinis. L’illustration ci-dessus est l’un des grands moments de l’œuvre, où Toppi engendre une vision fantastique digne des plus beaux comics, et l’on se prend à rêver à ce qu’aurait pu donner un épisode des X-Men de la grande époque dessiné par Toppi (on pense ici aux Sentinelles, évidemment !)… Tout au long de ses périples, le Collectionneur traverse de nombreuses contrées sauvages et désertiques, et ces paysages sont l’occasion pour Toppi d’exprimer toutes les subtilités de son travail de hachures. Droites, obliques, courbes, entremêlées, plus ou moins espacées, se détachant de l’ombre ou bien découpées par d’épaisses lignes, les hachures de Toppi sont un spectacle permanent, fascinant. Il y a une belle et terrible liberté de trait, dans le traité graphique de cette œuvre. Loin de se scléroser, le trait reste vif et plein de caractère, alternant finesse et densité pour créer des images superbes, magnifiques, où les blancs et les noirs cognent sans absorber les nuances alentours. Ci-dessous, quelques exemples des paysages rencontrés dans « Le Collectionneur », pour le plaisir des yeux, tout simplement…
Je crois avoir été assez dithyrambique pour que vous ayez compris le message : ne passez pas à côté du « Collectionneur », ou vous contourneriez une œuvre incontournable !!!
« Bestiaire »
« Le thème de l’évolution, le passage de l’animalité à l’humanité est quelque chose qui m’a toujours profondément fasciné. »
Sergio Toppi
Quatrième volume de la collection « Raconteur d’images » consacré au grand Sergio Toppi, ce « Bestiaire » est l’un des plus réjouissants recueils d’illustrations édités par Mosquito. Dans son introduction, Toppi lui-même nous explique son rapport au dessin animalier : un intérêt plus que certain pour les formes extraordinaires de la faune qui peuple notre planète, mais aussi une fascination pour les liens qui existent entre animalité et humanité. Ce regard particulier empêche naturellement l’ouvrage d’être un simple recueil de belles images animalières, l’optique de Toppi rendant cette lecture iconique tout à fait passionnante, aussi philosophique qu’artistique. Car au fil des pages, les visions de Toppi nous offrent un véritable panorama de ce qu’est l’animal : son essence, sa beauté, ses relations domestiques avec l’homme, sa symbolisation dans nos croyances, sa représentation dans nos fantasmes, son existence littéraire et artistique, son rôle dans notre évolution et notre histoire, son aspect étrange et fantastique…
En noir et blanc ou en couleurs, les dessins de Toppi explorent les formes de la nature pour les inclure dans ses fameuses compositions géométriques, trouvant là matière à pousser son amour de la structure dans des directions sauvages, parfois mystiques. Son travail des hachures, des matières, trouve évidemment dans le dessin animalier un terrain digne de ses encrages alambiqués : poils, plumes, anatomies étonnantes ou motifs sont autant d’occasions de creuser son style, de multiplier les expériences de traits, de couleurs. La fantaisie et le fantasme sont récurrents, dans la représentation et l’interprétation de la faune que dessine Toppi, les animaux étant depuis toujours une source incroyable d’inspiration pour les artistes férus de fantastique. L’illustration du cygne et de Léda est un magnifique exemple de ce que peut devenir le bestiaire de Sergio Toppi, accédant à d’autres strates que celles généralement exprimées dans ce genre d’ouvrages. Entre zoologie, mysticisme et shamanisme, il met en scène la réalité ou l’imaginaire, mêlant parfois les deux pour faire de ses compositions des sortes de totems. La présence de nombreux croquis et esquisses est une excellente surprise, car c’est véritablement formidable de pouvoir admirer les recherches de formes du maître, et d’apprécier son implication en amont. Certaines ébauches sont extraordinaires de beauté et de concision, et l’ouvrage en son entier mérite réellement un regard attentif. Un très bel imagier qu’on ne se lasse pas de compulser…
Cecil McKINLEY
« Le Collectionneur » par Sergio Toppi Éditions Mosquito (35,00€)
« Bestiaire » par Sergio Toppi Éditions Mosquito (20,00€)
Voir aussi » Le Coin du patrimoine » consacré à Sergio Toppi : http://bdzoom.com/spip.php?article3807
Bonjour à tous,
J’espère que ce message n’apparaîtra pas trop déplacé, mais je voulais vous faire part de notre exposition Sergio Toppi, à l’occasion de la parution du Collectionneur en intégrale.
30 planches et dessins originaux seront exposés dans notre librairie du 14 de la rue Serpente, dans le 6 eme arrondissement de Paris, à partir du jeudi 16 décembre. Ce jeudi là, nous organisons une soirée durant laquelle l’éditeur et un spécialiste vous parleront du travail de Sergio Toppi. Les originaux ne sont pas à vendre. Mais ils méritent que l’on s’y attarde longuement.
N’hésitez pas à passer, vous êtes tous bienvenus.
Bonjour cher Aaapoum Bapoum,
Votre message n’est pas déplacé, puisque j’annonce l’événement dont vous parlez en introduction de mon article, en donnant le jour, l’adresse, l’horaire et tout et tout (bah, z’avez pas lu mon bel article, alors, ou quoué?). Mais vous faites bien re réagir, car vous apportez quelques informations supplémentaires sur le nombre de planches et leur non-vente. Bravo pour votre initiative et votre intérêt pour les excellents albums que sortent nos amis de chez Mosquito: c’est un éditeur de qualité!!!
Bien à vous,
Cecil McKinley
Ah bien crotte, je ne lis jamais les chapeaux et vais immédiatement dans l’article.
Ca m’apprendra.
Merci en tous cas.
A jeudi.
S.