La nouvelle année est à peine commencée que les tintinophiles ne savent déjà plus où donner de la tête ! À l’instar de précédentes et récentes périodes, un flot de publications touchant de plus ou moins près l’univers d’Hergé (1) s’amoncelle sur les étals de nos librairies : colorisation de la version d’origine du « Lotus bleu », ouvrage consacré à Tchang Tchong-Jen (l’ami chinois d’Hergé) par le spécialiste Dominique Maricq, suite de la collection Les Coulisses d’une œuvre sous l’égide de l’érudit Philippe Goddin (avec « Tintin en Amérique »),souvenirs de jeunesse de l’écrivain adepte de la ligne claire qu’est François Rivière… De quoi combler les connaissances des plus aguerris de l’œuvre hergéenne et, peut-être, de quoi intéresser de nouveaux publics : même au grand dam de certains gardiens du temple !
Lire la suite...« Les Larmes de l’assassin » par Thierry Murat
Dans Patagonie, il y a « agonie », ce qu’on comprend bien en lisant » Les larmes de l’assassin « , la BD adaptée du roman éponyme d’Anne-Laure Bondoux. Là, dans les années Trente, à l’extrême sud du Chili, à plus de 3000 kms de sa capitale, Santiago, non loin de Punta Arenas (et d’Ushuaia, l’Argentine) survit une famille miséreuse. Déjà brutalisée par le destin, voilà qu’arrive pour la détruire presque totalement Angel Allegria?
Sous ce nom d’ »ange joyeux » se cache un assassin en cavale, un monstre de cruauté, qui tue les parents et épargne leur enfant Paolo. Il s’installe et, parce qu’il n’a pas osé achever son « œuvre », décide de l’élever comme son fils (c’est ce dernier, le narrateur). Ce face à face imprévu l’amène à ressentir l’impensable : de bons sentiments ! Mais tout est à nouveau chamboulé avec l’arrivée de Luis Secunda, un trentenaire désabusé au ban de sa famille comme Angel l’est de la société et qui cherche lui aussi le dénuement et l’enracinement.
Un tel récit porté par les silences et les tensions, sur paysages désertiques et ventés, supposait des dessins dépouillés au graphisme âpre et rustique, ce que réalise avec brio Thierry Murat. L’économie de moyens graphiques n’a d’égal que la puissance de ses couleurs granuleuses qui confère à ses décors une atmosphère pesante et angoissante. Entre l’illustration de textes off et les séquences réellement BD, l’ensemble constitue un récit émouvant, poignant, qui tire aussi sa force du récit initial paru chez Bayard en 2003 (pour les adolescents !) et qui reçut de nombreux prix.
Alors, bon voyage !
Didier QUELLA-GUYOT (L@BD et blog)
» Les Larmes de l’assassin » par Thierry Murat,
Éditions Futuropolis (18 €)