Par les temps qui courent, il est rare qu’un éditeur se lance dans une saga aux allures classiques prévue en plusieurs volumes. Pourtant, Futuropolis a déjà financé les scénarii des six ouvrages nécessaires à l’épopée de « L’Ange corse », lesquels sont d’ores et déjà écrits, et les trois premiers opus sortiront en l’espace d’une seule année… Rien que pour cela — mais pas que… —, saluons la parution du premier tome de « L’Ange corse » : l’histoire d’un orphelin corse qui doit s’expatrier dans l’Indochine des années 1930, pour échapper à une vendetta. Le jeune insulaire est recueilli, à Saigon, par un riche commerçant et propriétaire terrien natif d’Ajaccio : mais sous sa façade respectable, cet homme, bien installé, trempe dans le proxénétisme et le trafic de stupéfiants…
Lire la suite...« Chroniques outremers : intégrale » par Bruno Le Floc’h

Après avoir fait prendre la mer à ses personnages, Bruno Le Floc’h a pris le large, à son corps défendant, le 5 octobre 2012, de sorte que l’intégrale de ses « Chroniques Outremers » est non seulement la réunion de ce qu’il a toujours conçu comme un tout, mais surtout un hommage posthume à une œuvre presque tout entière vouée au voyage et à la mer.
Voyager c’est souvent prendre la mer, mais quand on prend la mer, ce n’est pas toujours pour voyager. Ainsi en est-il des personnages de « Chroniques outremers », des militaires et des commerçants, ou des militaires commerçants puisqu’ils semblent pratiquer le trafic d’armes. Pendant la Première Guerre mondiale, le cargo du capitaine Tana est en effet censé acheminer des armes vers la Turquie qui combat du côté allemand. Mais qui, du capitaine Tana plutôt avare de paroles, de l’officier britannique assez pervers, ou des révolutionnaires mexicains également à bord, sait où le chargement finira sa course ? Toujours est-il que le bateau ne restera pas en Méditerranée, qu’il fait bientôt route vers Gibraltar, rejoint Saint-Nazaire et, enfin, sous couvert d’un pavillon norvégien, se jette en plein Océan Atlantique. Peut-être pour aller aider la révolution mexicaine, peut-être pas car il y a dans ses cales, semble-t-il, une cargaison d’armes. Cela dit, on ne l’a toujours pas vue cette cargaison, pas plus nous que les révolutionnaires et commanditaires mexicains qui se trouvent à bord et qui en arrivent à douter.
Faut dire qu’ils ont à faire face à un capitaine énigmatique, très avare de paroles, amoureux, et surtout très malade, secondé par un Bjornson omniprésent qui protège efficacement son patron. La révolution mexicaine semble pourtant grandement dépendre de ces hommes et de ces munitions. En tout cas, Sonrisa, le client bedonnant à lunettes noires, l’assure, s’appropriant volontiers « ses » hommes et leur futur coup d’état. La tension monte, mais pour l’heure, s’il y a affrontement, c’est avec l’océan qui se gonfle, fait le gros dos, multiplie les intimidations. Le Saroya finit par charbonner du côté des Açores avant de découvrir un mystérieux sous-marin allemand et d’atteindre Caleta Nueva, un petit port du Mexique…
Répétons-le, Bruno Le Floc’h atteint souvent l’excellence illustrative et narrative avec une économie de moyens déconcertante : montage de planches sans esbroufe, contours simplifiés, visages esquissés… Il économise son trait comme d’autres leur souffle : quelques taches, quelques points suffisent à contourer un bateau ou à représenter l’immensité maritime. Les visages eux-mêmes se creusent de petits bâtons noirs. Les yeux sont le plus souvent plissés ou invisibles. Seule une jolie danseuse lors du bal du Maine ouvre grand les siens et éclate de rire à gorge déployée. Ailleurs, on se referme, on se replie, on se retient. Oui, ici tout est retenue. On parle peu, on bouge peu, car la mer s’en charge. Ce qui donne du volume et de la matière à ces pages quelquefois ascétiques, c’est le talent de coloriste de Bruno le Floc’h, incomparable pour rehausser des dessins épurés à l’extrême. Là, en pleine mer, quasiment sans décors, la performance est encore plus étonnante.
Cette superbe réédition est complétée d’un dossier de 22 pages consacré à l’auteur, agrémenté de 45 dessins inédits, réalisé par Brieg Haslé- Le Gall qui lui consacre également un site : http://auborddumonde.org .
Alors, bon voyage !
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook) http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Chroniques outremers : intégrale » par Bruno Le Floc’h
Éditions Dargaud (24, 95 €) – ISBN :978-2-2050-7309-6
Merci pour cette belle chronique… Une précision : « Trois éclats blancs » et « Une après-midi d’été » sont toujours disponibles (éd. Delcourt). En revanche, nous préparons les rééditions de deux autres titres actuellement épuisés : « Au bord du monde » et « Paysage au chien rouge ».
Cordialement, BHLG