Aviez-vous, jusque-là, entendu parler d’Eadweard Muybridge ? Certainement pas, ou si peu ! Grâce à Guy Delisle — auteur québécois célèbre pour ses bandes dessinées autobiographiques (dont « Pyongyang », « Chroniques birmanes », « Chroniques de Jérusalem » et « Le Guide du mauvais père ») —, vous allez pouvoir en savoir plus sur ce personnage, injustement oublié par l’histoire, qui fut le premier homme à dompter le mouvement et à projeter un film. À travers cette chronique d’une passion obsessionnelle, Guy Delisle va, avec beaucoup d’humour et avec son caricatural trait stylisé, reconnaissable au premier coup d’œil, vous expliquer comment un type complexe, au sale caractère, voire misanthrope dans l’âme, va réussir à d’arrêter le temps.
Lire la suite...Le Tarzan d’après-guerre (1ère et 2ème série) : deuxième partie
Dans le cadre de nos études des revues éditées par Cino Del Duca après-guerre (voir Cino Del Duca : de la presse du cœur à la BD…), voici la suite de la reprise réactualisée — et réadaptée en trois parties pour BDzoom.com — d’un article de Michel Denni publié dans les n° 91 et 92 du Collectionneur de bandes dessinées, datés de l’été et de l’hiver 2000. Pour consulter la première partie, cliquez ici : Le Tarzan d’après-guerre (1ère et 2ème série) : première partie !
« Tarzan à Paris », Thomen au « Cirque Tintamarre » et Giffey en « Quatre-vingt-treize »
Nous avions laissé « Tarzan » sous le crayon d’Harold Foster au n° 126. L’épisode s’intitule « Tarzan à Paris » et conte l’enfance de notre héros. Il s’agit de l’histoire en images diffusée dans cinquante-quatre quotidiens américains, à partir de janvier 1929, comme illustration du roman d’Edgar Rice Burrough avec un texte en légende placé sous l’image.
Pour justifier pleinement le titre parisien, une fausse aventure est rajoutée, aux n° 138 et 139, dessinée par René Brantonne, afin de permettre à l’homme-singe de grimper à la tour Eiffel.
Les dernières images de Foster sont ensuite supprimées et John Letti revient, continuant, en page 8 du n° 140, l’épisode « L’Invincible Tarzan », là où il avait été interrompu au n° 125. Selon Pierre Pascal et François Pierre (1), cet intermède Foster s’expliquerait par le fait que le journal Tarzan ne possédait plus de bandes quotidiennes d’avance début 1949 : la cadence de dix strips en moyenne par numéro ayant rendu à peu près contemporaine la publication aux États-Unis avec la parution française.
Paul Reinman remplace John Letti au n° 147, au strip 2959, et au n° 153 d’août 1949 s’interpose à nouveau Burne Hogarth avec sa planche du dimanche remontée. Sous le titre « Tarzan justicier », il s’agit de la suite de l’épisode arrêté au n° 4 de L’Intrépide 1ère série (2) ; voir L’Intrépide, un hebdomadaire classique [première partie].
Hélas, ce bonheur dure peu, car Reinman est de retour avec sa bande quotidienne au n° 159, dans un style fait d’emprunts maladroits à Hogarth. Poursuite de trafiquants d’esclaves, hommes primitifs et hommes-léopards se succèdent jusqu’au n° 178.
Puis, à nouveau, on a droit à une brève réapparition de la planche du dimanche d’Hogarth avec l’épisode des Ononoes, sorte de pygmées à grosses têtes que la censure de l’époque a forcé à redessiner. Nous les quittons au n° 184 pour retrouver la bande quotidienne de Reinman avec l’adaptation du roman « Tarzan et la cité de l’or », où de nombreux personnages semblent avoir été passés à la peinture verte.
Nouveau changement de dessinateur au n° 193 avec Nick Cardy qui donne à Tarzan une allure de lutteur de foire.
Entre-temps, d’autres bandes ont fait leur entrée dans l’hebdomadaire.
Fin février 1949, au n° 127, sur deux strips en troisième page, débute « Le Cirque Tintamarre » : la seule bande comique du journal.
Son auteur, Thomen, publie là sa dernière histoire (il décédera l’année suivante à Saint-Cloud). Créateur de « Charlot » dans Cri-Cri en 1921, il a débuté comme illustrateur humoristique dès 1899 dans Le Sourire (3). Par la suite, il se fait remarquer par les bédéphiles avec « Blanche-Neige » (1939) dans Fillette, par des albums aux éditions belges Gordinne-Chagor (« Marius » en 1933, « Docteur Marabout » en 1935, etc.) et une bande fort pittoresque, « Matilin an Dall », parue pendant la guerre dans le journal breton Ololé (4).
Il met en scène ici deux clowns, Ocarina et Mirliton, dans des aventures extravagantes où tous les personnages, y compris les animaux, semblent déguisés.
Au n° 133, en avril 1949, commence « L’Épervier », une bande italienne qui va durer près de trois ans.
Il s’agit de « Capitan Sarviero » dessiné par Vittorio Cossio, lequel proposait déjà, dans Tarzan, « Sacrifices inconnus » sous le pseudonyme de Miloc.
Pour cette histoire de corsaire, il s’est adjoint Guido Fantoni comme scénariste.
La bande a été créée dans L’Intrepido, le 10 janvier 1941, et a commencé à paraître en France dans L’Audacieux, en 1942, sous le titre « Le Capitaine Épervier ».
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Vittorio Cossio, en sept ans, a considérablement amélioré son graphisme.
Certaines planches en couleurs où souffle le vent de l’aventure sont d’ailleurs remarquables, tant par la virtuosité du trait que par le découpage nerveux qui varie les angles de vue en utilisant notamment à bon escient le champ-contrechamp.
Le 29 mai 1949, René Giffey termine « Les Misérables » qui duraient depuis le premier numéro, soit cent quarante semaines.
Bien que continuant toujours « Buffalo Bill », Giffey enchaîne aussitôt, la semaine suivante, avec l’adaptation d’un nouveau chef-d’œuvre de Victor Hugo : « Quatre-vingt-treize ».
L’histoire est remplie de cas de conscience avec le marquis de Lantenac qui se livre aux républicains afin de sauver des enfants d’un incendie, avec Cimourdain l’incorruptible faisant guillotiner son fils adoptif Gauvain trop indulgent, avant de se suicider.
Comme pour « Les Misérables », la symbiose se réalise entre le graphiste et le romancier, sans même qu’un adaptateur comme Martial Bouin ait cette fois à intervenir.
Le souci de reconstitution historique et la façon inimitable de planter un décor ou de mettre en scène les personnages dynamisent le récit, intègrent le jeune lecteur de l’époque à l’évocation lyrique de cette tragédie à laquelle participent chouans et républicains.
« Le Chevalier idéal », « Dick Rivers » et René la Riposte
En mars 1950, au n° 182, le journal passe à douze pages avec une nouvelle bande bien longue (89 semaines de parution) : « Le Chevalier idéal », mésaventures guerrières et sentimentales d’un jeune prince hindou dessinées au lavis par Alvaro Mairani.
Il s’agit d’« Il Cavaliere idéale », bande d’origine italienne créée en 1949 dans L’Intrepido : des scénarios signés Zulian (pseudonyme collectif pour Cesare Zucca, LuIgi Grecchi et Antonino Mancuso) dans la lignée de « Chandra prince royal » (« Chiomadoro, Il Principe del Sogno », voir Le Hurrah ! d’après-guerre… [première partie]), « Prince charmant » (« Il Principe Azuro ») et autre « Prince Nero ».
Mi-avril 1950, c’est autour de « Dick River » (« Casey Ruggles ») d’apparaître dans Tarzan. Il est né sous le crayon de Warren Tufts, en mai de l’année précédente aux États-Unis, en demi-planche du dimanche distribuée par l’United Feature Syndicate. C’est la parution quotidienne, créée en septembre 1949, qui nous est proposée ici. Il s’agit des prouesses d’un ex-sergent de la cavalerie américaine, de sa fiancée, de son beau-père et d’un jeune indien pendant la ruée vers l’or en Californie, en 1849. Le dessin semble très inspiré d’Alex Raymond, le visage de Casey Ruggles étant d’ailleurs le même que celui de Flash Gordon. Cela n’empêche pas que certaines planches soient superbes avec un travail minutieux sur les hachures et un emploi original du noir et blanc. À noter des retouches malencontreuses pour la publication en France : les ballons sont remplacés par une bande horizontale, les bouches d’où sortent les paroles se retrouvent signalées par une sorte de queue qui part en pointe et les héroïnes, censure oblige, ont droit à un rhabillage intempestif. Malheureusement, la publication de cette excellente bande ne dure que quelques mois dans Tarzan. Mais on la retrouvera, plus tard, notamment dans Garry (en 1955), Big Horn (1957-1960), Long Rifle (1979-1980) et en albums chez l’éditeur Deligne (1978-1980).
À la même époque, débute aussi une nouvelle histoire de guerre et de résistance : « Pour l’honneur », avec comme héros René la Riposte. Son auteur, Rémy Bourlès, dessine « Bob Mallard » dans Vaillant depuis juillet 1946 et vient juste de terminer « L’Aigle des mers » dans L’Intrépide 1ère série. Dessinateur réaliste de talent, au style efficace, empreint de finesse et d’élégance, Bourlès signe l’une des plus belles histoires de Résistance, mais aussi l’une des plus longues puisqu’elle va se continuer dans L’Intrépide 2ème série (voir L’Intrépide, un hebdomadaire classique [deuxième partie]), revenir dans Tarzan 2ème série et finir dans Hurrah ! à la fin de 1957 (voir Le Hurrah ! d’après-guerre… [première partie]).
« Tarzan vainqueur », avec Bob Lubbers et Burne Hogarth
Pendant ce temps, « Tarzan », que nous avions laissé sous le crayon de Cardy a continué à prendre du ventre jusqu’au n° 201.
L’alternance bandes quotidiennes et planches du dimanche reprenant, Hogarth revient du n° 202 au n° 212, puis Cardy est de retour au n° 213 avec un vieil escroc devenu ami de l’homme-singe. Au n° 218, fin novembre 1950, en dernière page, Cardy laisse la place à Bob Lubbers (voir : « Robin Malone » de Bob Lubbers) et le lecteur n’y perd pas au change. Depuis le 30 juillet 1950, Lubbers, assisté du scénariste Dick Van Buren, a repris aux États-Unis, avec beaucoup de talent, les bandes quotidiennes et dominicales diffusées par l’United Feature Syndicate en France sous le titre générique « Tarzan vainqueur ». L’influence d’Hogarth, notamment pour les cadrages, est patente : les décors sont travaillés, une certaine grâce aérienne dédramatise sans doute l’histoire, mais quand on vient de subir le Tarzan hercule et rigolard de Cardy, on est prêt à beaucoup pardonner. Notre héros se retrouve d’abord chez ses amis les grands singes avec lesquels il combat de méchants chasseurs blancs, avant de poursuivre de vilains Arabes trafiquants d’esclaves noirs.
Hogarth est de retour pour la dernière fois au n° 227 (strip 678), pendant deux semaines, puis Lubbers prend à nouveau le relais au n° 229 en planche du dimanche avant de revenir au n° 252 en bande quotidienne.
À partir du n° 278 (strip 956), Tarzan est d’ailleurs signé conjointement par Bob Lubbers et Dick Van Buren, extraordinaire privilège pour un scénariste à cette époque.
Puis, la bande s’arrête brutalement au n° 290 (strip 1062) et l’homme-singe, qui venait de se lier d’amitié avec un lion, disparaît de son propre journal pendant les trois derniers numéros, victime d’une entreprise de démolition visant à éliminer la bande dessinée américaine de la presse enfantine française. Nous y reviendrons.
Au n° 238, « Nat de Santa-Cruz » conte les aventures d’un mousse à bord de l’un des derniers trois-mâts : La Sorcière de Santa-Cruz. Cette longue saga maritime a été créée en fascicules en Italie aux éditions Torelli, en 1951. Le dessinateur Fernandino Tacconi, qui produit « Sciuscia » chez le même éditeur depuis 1949, est un spécialiste de la bande populaire. Plus tard, il se fera connaître par la série policière humoristique « Les Gentlemen » (1973). « Nat de Santa Cruz », au graphisme réaliste et précis, sur un scénario captivant de Gian Giacomo Dalmasso, obtient un certain succès auprès de la jeunesse de l’époque. Il se continuera dans L’Intrépide 2ème série jusqu’en octobre 1952 (voir L’Intrépide, un hebdomadaire classique [deuxième partie]) et réapparaîtra sous un nouveau titre, « Yann, mousse du Goëland », dans la seconde série de Tarzan, en mars 1953, pour finir dans Hurrah ! d’octobre 1953 à octobre 1955 (voir : Le Hurrah ! d’après-guerre… [première partie]). Un récit complet, Nat le petit mousse, sera par ailleurs publié par la S.A.G.E. d’avril 1952 à juin 1954.
Fin juin 1951, au n° 249 : nouvelle bande de science-fiction. Il s’agit d’« Alain Météor », dessiné par Jacques Souriau sur scénario de Maurice Limat mettant en scène, en 2027, une guerre entre Terriens et Saturniens. Toujours aussi talentueux, Souriau multiplie les angles de vision (voir la planche du n° 252), adopte un découpage nerveux qui dynamise l’histoire. Mais « Alain Météor » se termine malheureusement brutalement au n° 269, un petit texte surajouté nous informant que tout n’était qu’un rêve de lycéen. Dame censure est-elle intervenue ? Probablement, car elle est là, menaçante, en ce mois de novembre 1951, plus de deux ans après l’adoption de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse et l’instauration d’une Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la jeunesse, installée au ministère de la Justice et dont la séance inaugurale a eu lieu le 2 mars 1950 (5).
Insultes et calomnies
Dans un pamphlet publié en 1963 dans la revue Bizarre, Francis Lacassin a raconté les mésaventures subies par l’homme-singe, notamment de la part « des milieux de l’enseignement dépositaires d’une culture fossilisée et insupportable ». (6) Tous les moyens vont être bons pour abattre l’hebdomadaire Tarzan, objet d’une haine imbécile, mais aussi jalousé parce que tirant à 250 000 exemplaires.
Le patron des éditions Mondiales est accusé de complicité avec le fascisme italien. Alors, qu’au contraire, c’est strictement l’inverse. (7) On reproche à Tarzan son attitude asociale, de ne pas rire, mais de ricaner ; un certain Gabriel Soumille lui fait même grief de posséder une tête trop petite par rapport à son corps et se moque des décors qui transforment la jungle africaine en féérie orientale. (8) L’écrivain Armand Lanoux, dans un article de la revue L’Éducation nationale, en date du 27 avril 1950, analyse le mythe de Tarzan comme « une nostalgie de l’animalité primitive » et conclue que les éducateurs ont « de bonnes raisons de tenir pour suspect Tarzan, l’homme-singe ».
Face à cette offensive, la direction de l’hebdomadaire fait paraître, au n° 188 du 29 avril 1950, en page 2, un encadré intitulé « À bon entendeur… », où elle précise que Tarzan, parce qu’il est et reste le premier et le plus important des journaux pour enfants, a été, à plusieurs reprises, directement attaqué. Elle proteste en assurant que « le personnage Tarzan ainsi que Buffalo Bill incarnent et manifestent les plus belles qualités d’un héros moderne : la droiture, la franchise, la défense généreuse des faibles et des opprimés ». Elle ajoute que faire de l’hebdomadaire Tarzan le prototype des journaux dangereux pour l’enfance « constitue une concurrence déloyale de la part des uns, et, de la part des autres, une preuve d’ignorance et de malignité », et conclue par « nous sommes désormais décidés à défendre notre honneur et nos droits, partout où cela sera nécessaire ».
Pour prouver sa bonne volonté, les responsables de la publication rallongent les habits féminins, gomment les poignards, coupent les images où la mort intervient. Les censeurs possédant une aversion manifeste pour tout ce qui se rapproche du fantastique et de la science-fiction, on transforme en pygmées les Ononoes, coupables d’être pourvus d’une grosse tête en forme de boules qui leur donne un aspect extra-terrestre.
Il reste à Tarzan encore cinq mois à vivre, alors qu’« Alain Météor » se termine en queue de poisson. Au n° 272, début décembre 1951, une nouvelle bande américaine paraît. Il s’agit du strip quotidien « Don Winslow » créé en mars 1934 dans le New York Sun par Leon A. Beroth pour le dessin et Frank V. Martinek pour le scénario, afin d’encourager les vocations militaires des jeunes lecteurs de l’époque.
Officier dans l’US Navy, Don Winslow traque les espions et est chargé de surveiller et d’expérimenter des avions à réaction. La bande est parue en France dans L’Aventureux, dès mars 1936, dans Le Journal de Mickey sous le nom de « Bernard Tempête » (1938), puis dans L’Audacieux (1941). La science-fiction est plus ou moins omniprésente dans les épisodes publiés ici qui ne possèdent malheureusement pas la fantaisie de ceux du Journal de Mickey d’avant-guerre ; voir 80 bougies pour Le Journal de Mickey (première partie).
Don Winslow se continuera dans L’Intrépide 2ème série jusqu’en mai 1952 ; voir L’Intrépide, un hebdomadaire classique (première partie) et L’Intrépide, un hebdomadaire classique (deuxième partie).
L’année 1951 s’achève avec la parution de la dernière bande italienne de cette première série de Tarzan : « Rocky Rider », dessinée par Mario Uggeri sur scénario de Marco Baratelli. Ce western des plus classiques, entrecoupé de séquences au sentimentalisme appuyé, a été créé en Italie en 1949 dans l’hebdomadaire Albo Intrepido. Il se poursuivra en France dans L’Intrépide 2ème série, jusqu’en 1955 (voir encore L’Intrépide, un hebdomadaire classique [deuxième partie]). On le retrouvera aussi dans les pockets Tom Nickson, Super J, Tom Berry et Rocky Rider, de 1957 à 1982.
Enfin, le journal se termine par « Pavillon noir » de René Giffey, passionnante histoire de flibuste déjà publiée en partie pendant la guerre parallèlement dans L’Aventureux et L’Audacieux (1941-1942) sous le titre « Le Corsaire de la mort ». Elle continuera dans L’Intrépide 2ème série, jusqu’à la fin 1952 (voir toujours L’Intrépide, un hebdomadaire classique [deuxième partie]).
Cependant, les pressions et menaces de la Commission persistent. La campagne de dénigrements est menée par des enseignants bourrés d’a priori à l’égard de la bande dessinée, d’éditeurs et de parlementaires de sensibilité chrétienne ou stalinienne intéressés surtout par l’éviction des productions américaines de la presse enfantine française.
En fait, le journal ne sera jamais l’objet d’une interdiction, mais d’une mesure beaucoup plus hypocrite : le retrait par la Commission paritaire des papiers de presse du certificat d’inscription permettant d’obtenir des détaxes fiscales et postales. Privé de ces avantages financiers, Cino Del Duca préfère interrompre cette première série du Tarzan d’après-guerre en la faisant fusionner avec L’Intrépide 2ème série.
Le dernier numéro (n° 293) sort sur quatre pages le 3 mai 1952. La première avec « Buffalo Bill », la seconde avec « Pour l’honneur, l’insaisissable » ; la 3ème avec, sous un énorme titre en gras : ADIEU À TARZAN !…, un long plaidoyer de la direction se défendant de vouloir corrompre la jeunesse et défiant quiconque de trouver une attitude de Tarzan qui soit contraire à la réglementation institué par la loi du 16 juillet 1949 ; la dernière page, enfin, avec à nouveau une planche de « Buffalo Bill ». À l’intérieur de ce n° 293, se trouve glissé le n° 131 de L’Intrépide 2ème série qui, pour l’occasion, est passé de 24 à 32 pages afin d’inclure les autres bandes issues de Tarzan (voir le tableau synoptique).
À noter l’existence d’une édition belge du n° 293, vendue, elle aussi, avec le n° 131 de L’Intrépide 2ème série, dont elle possède le format. Évidemment, la page de plaidoyer destinée au lecteur français n’est pas reproduite et, à la place, on retrouve l’épisode de « Tarzan vainqueur » qui continue ici comme si de rien n’était. Car en 1952, en Belgique, la hargne anti-Tarzan n’existe pas, la Revue des auteurs et des livres de Bruxelles, destinée aux directeurs de bibliothèque, recommandant même la lecture de ses aventures.
À suivre, dans trois semaines…
Michel DENNI
Mise en pages et mise à jour du texte : Gilles Ratier
(1) Voir « L’Hebdomadaire Tarzan », in Le Chercheur de publications d’autrefois n° 2.
(2) Voir l’étude sur L’Intrépide 1ère série, in Le Collectionneur de bandes dessinées n° 21.
(3) Voir l’article de René Gaulard, in Hop ! n° 81 et le dossier dans Le Collectionneur de bandes dessinées n° 91.
(4) Voir notre étude sur Ololé, in C.B.D. n° 83.
(5) Voir l’étude de Thierry Crépin sur cette commission, in 9e Art n° 4.
(6) Voir les études de Francis Lacassin : Tarzan mythe triomphant et mythe humilié, in Bizarre n° 29-30 spécial Tarzan, aux éditions Pauvert, en 1963, et aussi le chapitre XII : « L’Insulté », in « Tarzan », aux éditions Henri Veyrier, en 1982.
(7) Sur l’antifascisme de Cino Del Duca, voir l’étude sur L’Audacieux in Le Collectionneur de bandes dessinées n° 89 et « Des éditeurs dans la tourmente » de Thierry Crépin, in Le Collectionneur de bandes dessinées n° 86.
(8) In Éducateurs de juillet-août 1953.
TABLEAU SYNOPTIQUE
TITRE | DURÉE | AUTEURS | GENRE | PAYS |
Capitaine Risquetout | n° 119 (02-01-49) à 163 (06-11-49) | Willy et Yves Groux (sc. Prado) | aventures maritimes | FRANCE |
Le Cirque Tintamarre | n° 127 (27-02-49) à 142 (12-06-49) | Thomen | aventures comiques | FRANCE |
L’Épervier(Capitan Sparviero) | n° 133 (10-04-49) à 278 (19-01-52) | Vittorio Cossio (sc. Guido Fantoni) | aventures maritimes | ITALIE |
Quatre-vingt-treize | n° 141 (05-06-49) à 204 (19-08-50) | René Giffey (d’après Victor Hugo) | aventures historiques | FRANCE |
Le Chevalier idéal | n° 182 (19-03-50) à 270 (24-11-51) | ? | aventures exotiques | ITALIE (?) |
Dick River (Casey Ruggle) | n° 186 (15-04-50) à 202 (05-08-50) | Warren Tuft | western | U.S.A. |
Pour l’Honneur ! | n° 187 (22-04-50) à 293 (03-05-52) | Rémy Bourlès(suite dans L’Intrépide 2ème série) | aventures militaires | FRANCE |
Nat de Santa-Cruz (Nat del Santa Cruz) | n° 238 (14-04-51) à 292 (26-04-52) | Ferdinando Tacconi (sc. Giacomo Dalmasso)(suite dans L’Intrépide 2ème série) | aventures maritimes | ITALIE |
Alain Météor | n° 249 (30-06-51) à 269 (17-11-51) | Jacques Souriau (sc. Maurice Limat) | science-fiction | FRANCE |
Don Winslow | n° 272 (08-12-51) à 292 (26-04-52)(inachevé) | Leon A. Beroth (sc. Frank V. Martinek)(suite dans L’Intrépide 2ème série) | aventures militaires, maritimes et de science-fiction | U.S.A. |
Rocky Rider | n° 275 (29-12-51) à 292 (26-04-52) | Mario Uggeri (sc. Mario Bartatelli)(suite dans L’Intrépide 2ème série) | western | ITALIE |
Pavillon noir | n° 280 (02-02-52) à 292(26-04-52) | René Giffey(suite dans L’Intrépide 2ème série) | aventures maritimes | FRANCE |
Romans à suivre parus dans Tarzan
« Le Mousse de la Belle Hortense » par René Rennes – Ill. d’André Galland – n° 186 à 212
« Quand l’idole flambera » par Lucien Bornert – Ill. d’André Galland — n° 213 à 242
Romans-photos parus dans Tarzan
« Guy, l’enfant du fleuve » – n° 160 à 225
« Dann, fils de la Pampa » – n° 226 à 257
« Arizona-Bill » – n° 230 à 292 (à suivre dans L’Intrépide 2ème série)
« Alante, fils de la forêt » – n° 250 à 292 (à suivre dans L’Intrépide 2ème série)
Formidable article! merci mille fois, votre site est vraiment la mémoire de la BD!!!! et c’est tellement mieux de pouvoir voir des beaux scans en couleurs que des petites repros en noir et blanc!!
Merci Michel pour tes compliments ! Tu as exactement énoncé notre ambition : « être la mémoire de la BD » ! Du moins, on essaye…
Bien cordialement
Gilles Ratier