« Les Aventures de Gérard Crétin » est une bande dessinée en une page proposée dans le mensuel Mikado des éditions jeunesse Milan, entre 1989 et 1994, et c’est la première série de gags que l’immense Florence Cestac (1) a créée spécifiquement pour la presse ! Son antihéros a tendance à être vantard et gaffeur : il croit souvent savoir tout faire mieux que les autres et être le meilleur en tout… Mais il est quand même attachant, car terriblement naïf ! Ainsi, il enchaîne les situations hilarantes et embarrassantes, incarnant, avec une tendre absurdité, certains travers humains. Le trait de la reine du gros nez en BD y est déjà unique, même si elle juge avoir fait quelques progrès depuis. Mais comme le dit elle-même : « un petit coup de nostalgie, ça ne peut pas faire de mal ! »
Lire la suite...« Golden Kamui » T1 par Satoru Noda

1904, soit l’an 37 de l’ère Meiji, Saichi Sugimoto combat sur le front russe. L’armée japonaise participe à sa Première Guerre moderne. Les soldats, armés de fusils à baïonnette, luttent sans relâche. Sugimoto sait que s’il ne veut pas mourir, il doit décimer ses ennemis sans faiblir. Son acharnement a guerroyer fait qu’il survit et devient le légendaire Sugimoto l’immortel. Lui ne rêve pourtant que d’une vie simple et paisible. Aujourd’hui, il est orpailleur sur l’île d’Hokkaido. Mais le temps de la ruée vers l’or est bien passé et son maigre butin ne lui permet pas d’espérer une retraite bien tranquille. Pourtant, le secret d’une montagne d’or volée par un taulard à une tribu d’Hokkaido va titiller sa curiosité. Il va donc se mettre en chasse de ce trésor, mais son parcours va être semé d’embûches, entre les ours inhospitaliers et brigands peu aptes à partager l’hypothétique magot.
L’histoire de « Golden Kamui » se situe à l’extrême nord du Japon, sur l’île d’Hokaido. Un territoire presque sauvage, peuplé à l’origine par les Aïnous, une population plus proche des Inuits du Grand Nord canadien que des Japonais du sud. Adaptés à la vie sur cette île, le froid et la neige baignant cette terre ingrate annexée par le Japon en 1869, les Aïnous ont depuis longtemps été colonisés et relégués au simple statut de curiosité comme des barbares d’un autre âge. Plus grands, plus poilus, vivant en clans, plutôt pacifiques, ils n’ont pas pu lutter contre la suprématie guerrière japonaise. Ils vivaient principalement de la pêche et de la cueillette, ces enseignements se transmettant oralement de génération en génération, les Aïnous n’ayant pas d’écriture propre. Ce sont tous ces adages qui sont aujourd’hui retranscrits dans « Golden Kamui ». Satoru Noda, enfant du pays, a su, au travers de son manga d’aventure, distiller les coutumes, les valeurs et les enseignements du peuple Aïnou. Dès le premier chapitre, Saichi Sugimoto va faire la connaissance de la jeune Ashirpa : une indigène qui va grandement l’aider dans sa quête. Son père ayant été assassiné le jour où fut dérobé le stock d’or convoité. C’est à travers elle que le lecteur va apprendre à connaître les rudiments de ces indigènes encore décriés aujourd’hui.
Satoru Noda est lui même originaire d’Hokkaido. C’est en découvrant l’histoire de son grand-père lors de la campagne de Russie qu’il a décidé d’en faire le point de départ de son prochain manga. Il a même donné le nom de son ascendant à son héros : Saichi Sugimoto. Au départ, il avait imaginé un simple récit sur la chasse dans cette contrée reculée, objet de tous les fantasmes. Mais, cette quête d’un trésor d’or dérobé et caché s’est vite imposée comme fil conducteur. Cela permettait d’évoquer facilement de nombreux sujets annexes : la chasse, les préparations culinaires locales, la faune et la flore sauvage… Ainsi, grâce à Ashirpa, le lecteur peut apprendre, entre autres, comment capturer, dépecer et manger, cru, un écureuil sauvage. Sujet étrange, à la fois instructif et amusant qui démontre pourtant la rudesse de la vie et les conditions de survie parfois extrême qui règnent sur cette île.
Véritable succès au Japon, « Golden Kamui » en est déjà à son huitième tome là-bas. Dessiné dans un style semi-réaliste, on sent bien que l’accent a été mis sur les détails, que ce soit dans les représentations vestimentaires des soldats ou des autochtones, mais également dans celle des paysages sauvages et de sa faune qui le peuple. C’est ce parti-pris réaliste et éducatif qui fait l’attrait du récit. La chasse au trésor n’étant qu’un prétexte à voyager en compagnie de cet ancien soldat et de cette jeune autochtone. Les techniques de chasse, les descriptions, les animaux qui peuple cette région, la langue des Aïnous, rien n’est dû au hasard, Satoru Noda s’est longuement documenté pour réaliser un récit qui sonne vrai. Le lecteur est embarqué dans un voyage plein de surprise, découvrant à la fois une culture et des paysages inhabituels et méconnus. Même pour les Japonais, la culture Aïnou, reste un mystère et, de l’île d’Hokkaido, ils ne connaissent souvent que la bière de Sapporo aujourd’hui popularisée par la fabrique du même nom. Mélange d’ultra-violence, de grands moments paisibles et de découverte, cette quête s’annonce longue et risque bien de tenir en haleine le lecteur.
Gwenaël JACQUET
« Golden Kamui » T1 par Satoru Noda
Éditions Ki-oon (7,90 €) – ISBN : 979-10-327-0036-5