Avec « Le Tombeau des chasseurs », le talentueux Victor Lepointe évoque la tragédie collective d’une bataille vosgienne en 1915 et, plus encore — par le regard de l’un d’eux, Victor Granet —, scrute l’intimité des sentiments de ces chasseurs alpins sacrifiés. Plongée dans la si mal nommée Der des ders…
Lire la suite...Des vampires chez Delcourt…
Ah, les vampires… Depuis le « Dracula » de Bram Stoker, combien de films, bandes dessinées, romans et autres créations artistiques ont-ils été réalisés d’après ce personnage et ses déclinaisons en 120 ans ? Pléthore. Mais parmi les innombrables expressions de ce mythe, peu ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Deux albums récemment parus chez Delcourt font la part belle à cette icône du fantastique, de belle manière il faut le dire. « Bad Blood » nous offre une exploration de ce thème aussi simple qu’originale et efficace, tandis que le deuxième tome de « B.P.R.D. Origines » rend un bel hommage à la mythologie des vampires… Alors, si vous êtes munis de pieux, de croix en argent et d’ail, n’hésitez pas et ouvrez ces pages !
« Bad Blood » par Tyler Crook et Jonathan Maberry
C’est presque devenu un cliché : les idées géniales sont souvent les plus simples… mais encore faut-il savoir s’en saisir et les développer avec talent ! C’est exactement le cas de ce « Bad Blood » qui part d’un postulat aussi évident que peu ou pas exploré : la nature du sang dont les vampires ont besoin pour se nourrir. Par le passé, la question ne se posait pas, le sang était du sang, point barre. Mais avec l’avènement de notre monde moderne, la donne a changé, et la nourriture des vampires aussi, dans le même temps. En effet, avec le XXe siècle sont apparues les drogues chimiques, les maladies, la pollution, et le sang des hommes est devenu bien moins sain qu’auparavant, vicié par les effets secondaires de notre civilisation industrialisée. L’hémoglobine d’aujourd’hui n’est donc plus ce qu’elle était auparavant, ma bonne dame ! Il en va ainsi de Trick Croft, atteint d’une leucémie et subissant les effets de la chimiothérapie, et de Lolly, jolie junky accro à l’héroïne. Mordre le cou de ces deux-là peut s’avérer mortelle… pour ceux qui le sont pourtant déjà !
L’un s’est fait mordre par inadvertance, rendant malade le vampire qui l’a agressé à cause du traitement contre la leucémie qu’il se doit de suivre pour survivre ; l’autre s’est réfugiée dans la mode gothique et fantasme sur les vampires, traversant une vie sordide entre drogue et strip-tease. Trick et Lolly vont voir leurs chemins se croiser via l’incursion des vampires dans notre monde moderne tristement cartésien, et vont devoir faire face à l’impensable : combattre une horde de suceurs de sang qui ne comprennent pas pourquoi le sang de ce couple improbable les rend malades jusqu’à les faire mourir au lieu de leur redonner de la force… Le duo va rencontrer un certain Jonas Vale, aguerri au combat contre les vampires, mais l’aventure va prendre un tournant plutôt inattendu en sa compagnie… Chut ! Je ne vous en dirai pas plus ! Le récit de Maberry sonne juste dès les premières pages, nous entraînant dans l’action avec une belle efficacité, et le dessin souple et sauvage de Crook épouse parfaitement le propos. On notera une allusion discrète à « Hellboy » au détour d’une case, ce qui nous mène directement au second album de cette chronique puisque Tyler Crook est l’un des dessinateurs remarqués de la série « B.P.R.D. » !
« B.P.R.D. Origines T2 : 1948/Vampire » par Mike Mignola & co
Comme je l’ai déjà signalé ici même, l’univers d’« Hellboy » n’en finit pas de s’épandre en beauté à travers de toujours plus nombreux titres, dont évidemment l’un des plus symptomatiques : « B.P.R.D. ». Comme son titre l’indique, « B.P.R.D. Origines » revient sur la genèse de cette organisation du surnaturel, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Le premier tome était consacré aux années 1946-47, et ce deuxième volume couvre l’année 1948 – avec un arc spécifiquement consacré au thème du vampire. Mais avant d’aborder ce thème dont il est question cette semaine dans cette chronique, un petit mot sur le premier récit qui vaut néanmoins le coup d’œil et dont le protagoniste principal partage la vedette des deux histoires. Car 1948, c’est avant tout l’année où l’un des tout premiers agents du B.P.R.D., Anders, tient un rôle majeur. Sous la houlette du Professeur Bruttenholm, Anders est une forte tête – qui plus est possédé par les vampires – qui va donner du fil à retordre à l’organisation. Il semblerait que les essais nucléaires américains aient ouvert une brèche avec un monde parallèle dont s’échappent des monstruosités sans nom. L’occasion pour Mignola d’étendre toujours plus l’éventail d’événements humains pouvant relayer une réalité surnaturelle au sein de son univers hellboyen. Le spectacle est beau, entre sentiments humains et fantastique, porté par les dessins d’un Max Fiumara très en forme.
Le second récit, intitulé sobrement « Vampire », est illustré avec talent par les frères Bá et Moon (la séquence d’ouverture, muette et nocturne, sous l’eau et dans les bois, est l’une des plus belles que j’aie vues depuis belle lurette sur ce thème). Anders, taraudé par ce qui le possède, va en Tchécoslovaquie afin de trouver des réponses à ses tourments. Ce qu’il va trouver là-bas va le mener bien au-delà de ce qu’il pensait, plongé en plein cœur d’une lignée ancestrale de vampires liés à Hécate, déesse de la Lune mais aussi ici reine des vampires. Entre souterrains maléfiques et château oublié, Anders va être confronté à des entités vampiriques dont il ne sortira pas indemne, soyez-en sûrs. Déjà présents lors du premier volume, les frères Bá et Moon épousent parfaitement le style de l’univers de Mignola, confirmant combien leur graphisme duettiste peut convenir à ce genre de récit sombre qui nécessite plus d’efficacité stylistique directe que de fioritures superflues. Il faut dire que – épaulés par l’excellentissime Dave Stewart qui n’a pas son pareil pour développer des ambiances chromatiques hors pair – les frérots ont pu déployer une atmosphère à la fois onirique et horrifique qui fait mouche. Et les mouches, avec Hellboy & co, ça ne trompe pas. Non ?
Cecil McKINLEY
« Bad Blood » par Tyler Crook et Jonathan Maberry
Éditions Delcourt (15,95€) – ISBN : 978-2-7560-6173-3
« B.P.R.D. Origines T2 : 1948/Vampire » par Mike Mignola & co
Éditions Delcourt (29,95€) – ISBN : 978-2-7560-8099-4