Même quand on est adulte, on aime lire les albums jeunesse scénarisés par Loïc Clément. Le récit est toujours surprenant, avec de l’action ou des thématiques traitées toujours profondes et intéressantes… Et pour agréger actions, personnages attachants et émotions, le scénariste n’oublie jamais d’ajouter une bonne dose d’humour. On retrouve tous ces ingrédients dans « Les Larmes du yôkaï » : une enquête policière amusée et amusante dans un Japon médiéval revisité.
Lire la suite...« After Comics Comes Black Music » : entretien avec Hervé Bourhis et Brüno…
Voici deux auteurs qui, cette année, ont décidé de nous rendre moins bêtes. Après avoir participé à la collection de La Petite Bédéthèque des Savoirs avec un album sur le Heavy Metal pour Hervé Bourhis (scénarisé par Jacques De Pierpont) et une présentation du Nouvel Hollywood pour Brüno (écrit par Jean-Baptiste Thoret), ces deux auteurs s’associent pour nous faire partager leur amour de la musique noire américaine avec « Le Petit Livre Black Music ».
Il s’agit du cinquième volume de la collection Le Petit Livre initiée par Hervé Bourhis. Le premier tome, paru en 2007, concernait l’histoire du rock puis vint « Le Petit Livre des Beatles » (2010), « Le Petit Livre de la Cinquième République » (2011) et « Le Petit Livre de la bande dessinée » (2014) coréalisé avec Terreur Graphique.
Nous retrouvons, pour « Le Petit Livre Black Music », le joyeux encyclopédisme d’Hervé Bourhis et l’intérêt de Brüno pour la culture afro-américaine qui nous avait donné la trilogie « Inner City Blues » chez Glénat. Après nous avoir expliqué leur démarche, ils nous présentent de manière chronologique les jalons de 70 ans de musique noire américaine sur plus de 170 pages.
De 1945 à 2015, chaque année nous est exposée sur une double page (quelquefois plus) réalisée à quatre mains. La page de gauche est illustrée d’une pochette de disque reprise par Brüno, enrichie d’informations sur l’album choisi. La page de droite est dessinée par Hervé Bourhis : on y retrouve une sélection de cinq disques publiés dans l’année en question, une éphéméride des naissances et décès intégrés à un ensemble de dessins illustrant des anecdotes autour de la culture noire américaine. Car les auteurs profitent de l’évolution de la musique noire pour nous parler aussi de l’histoire politique et culturelle de la population afro-américaine.
Racisme et luttes pour les droits civiques, blaxploitation et naissance du rap, graff et hip-hop nous permettent de côtoyer les figures mythiques de Joe Liggins, Rosa Parks, Gil Scott-Heron, RZA, Michelle Nichols, Mississippi John Hurt, The Cunninlynguists… parmi les près de 560 noms d’artistes ou de groupes que l’on trouve dans l’index final. Sous couvert de musique, Hervé Bourhis et Brüno nous dressent, de manière ludique et universelle, 70 ans d’évolution sociale et culturelle considérable.
Hervé, pouvez-vous nous dire comment est née l’idée de cette collection ?
Ce n’était pas du tout une collection à l’origine : c’était un simple livre qui avait du mal à trouver son éditeur, vu le caractère inhabituel du projet. Je voulais parler du rock, mais après avoir essayé par la fiction avec « Le Stéréo Club » (avec Rudy Spiessert), j’étais frustré.
Il a fallu que je retombe sur « L’Histoire du théâtre dessinée », d’André Degaine, pour comprendre que j’avais besoin d’éclater la narration et de faire un patchwork graphique et chronologique.
« Le Petit Livre Rock » a bien marché et j’ai proposé, trois ans après, le même principe sur les Beatles à Dargaud ; et, livre après livre, c’est devenu une collection.
Comment choisissez-vous les thématiques ?
Il s’agit uniquement de sujets qui m’obsèdent depuis l’adolescence. Sur lesquels j’ai acheté et lu énormément de bouquins. Et écouté des disques, quand il s’agit de musique. Quand j’attaque l’un de ces livres, j’ai déjà une bonne base. Je dois être passionné par le sujet. Je ne pourrai pas faire un livre sur n’importe quel thème. Donc ça veut dire que le concept va bientôt se tarir !
Bouzard voulait qu’on fasse un « Petit Livre football ». Je déteste le foot, mais avec lui ça m’aurait plu. Malheureusement, il voulait que je dessine tout, et moi qu’on dessine ça à quatre mains. Au bout du compte, j’ai laissé passer l’occasion de faire un livre avec Bouzard, c’est foutrement bête… Mais je n’aime pas assez le foot, j’aurai souffert !
Avec « Le Petit Livre de la bande dessinée » (voir Une chronologie du 9e art tout en esthétique !) et avec « Le Petit Livre Black Music », vous avez travaillé à quatre mains. Est-il plus facile de travailler à deux ?
Oh oui ! Concevoir un gros bouquin comme ça tout seul, c’est pesant. À deux, on peut partager nos joies, nos peines, nos doutes, se motiver quand on a fait 100 pages et qu’on n’en peut plus ! Après, il faut trouver quelqu’un avec qui l’on peut partager la même vision du sujet. C’est une grosse discussion en amont. Et il faut que nos personnalités se marient bien. Terreur et Brüno sont de gros bosseurs, et moi aussi. C’est le genre de projet dans lequel on s’investit totalement pendant des mois. Il faut pouvoir se libérer pour ça !
Brüno, après « 50 Portraits of Jazz » (portfolio paru en 2000 chez Treize Étrange) et « Reggae Spirit » (écrit par Crespy, co-illustré avec Pascal Jousselin édité en 2004 chez Vents d’Ouest), vous retrouvez le thème de la musique noire pour la troisième fois. Est-ce une musique qui vous tient à cœur ?
« Reggae Spirit » était plus un travail de commande, car à part un peu de Rock Steady, je n’écoute pas beaucoup de musique jamaïcaine. Pour le reste, ce sont des disques de soul et de jazz qui tournent sur ma platine.
Comment vous êtes-vous partagé le travail pour « Le Petit Livre Black Music » ? Avez-vous des styles musicaux de prédilections ?
H.B. : Je laisse Brüno répondre !
B : Avec Hervé, on s’est rapidement mis d’accord sur la répartition des dessins. À moi les BD et les pochettes d’albums principales, à Hervé tout le reste !!! On s’est souvent concerté sur le contenu, sur le choix des disques, des artistes, etc. L’éditorial et la mise en page ont été réalisés par Hervé.
D’autre part, heureusement qu’Hervé (qui est plus éclectique que moi) était là pour défricher le hip-hop, par exemple. Mais le plus important, est que ce livre nous a aussi permis de découvrir et d’écouter plein de choses que nous ne connaissions pas ou peu !
On trouve dans vos bibliographies respectives des albums de genre avec, par exemple, la blaxploitaion pour vous Brüno avec « Inner City Blues », et les super-héros pour vous Hervé avec « Comix Remix »… À quel moment ou comment décidez-vous de vous frotter à ces styles de fiction ?
B : J’ai toujours adoré le genre sous toutes ses formes, polar, western, SF, etc. En grand fan de soul et de jazz, la blaxploitation, mélange de polar et de culture afro-américaine, s’est naturellement imposée à moi.
H.B. : Moi, pour « Comix Remix », c’est parce que je lisais Strange quand j’étais enfant, et que j’adorais ça. J’ai voulu me confronter à ce genre d’univers, et essayer de retrouver l’esprit des comics de super-héros Marvel des années 1960. Avec une sensibilité plus européenne, et un ton plus mélancolique, sans doute.
Un grand nombre de titres de bandes dessinées ont pour thème la musique et les musiciens. Beaucoup de dessinateurs jouent dans des groupes. Avez-vous une explication pour cet intérêt à la musique dans vos professions ?
H.B. : Parce qu’on met des mois à concevoir un livre. Qu’il met ensuite des mois à être fabriqué et diffusé. Et que finalement on rencontre peu les lecteurs. La musique est un art instantané, qui donne immédiatement des émotions, et des sensations. J’imagine que c’est un équilibre.
B : Et sans doute parce que notre boulot nous permet d’écouter de la musique en travaillant.
Lorsque « Le Petit Livre Rock » a été réédité, il a été augmenté de pages consacrées aux années écoulées depuis l’édition originale. Avez-vous pensé à une future page consacrée à l’année 2016 ? Et pour « Le Petit Livre Black Music » ?
H.B. : Non, aucune idée ! C’est parce que j’ai l’impression que c’est dans le rap que ça innove le plus depuis quelques années que je serais bien embêté pour remettre à jour « Le Petit Livre Rock ». Mais le rock revient toujours à la mode, ce sont des cycles… On verra bien.
Pour « Le Petit Livre Black Music », il est justement judicieux de s’arrêter en 2015, à la fin de l’ère Obama. 2016 étant le début d’une nouvelle ère dont nous ne savons pas grand-chose !
Mille mercis groovy (année 1946) à Hervé et Brüno pour leur coopération.
« Le Petit Livre Black Music » par Hervé Bourhis et Brüno
Éditions Dargaud (22,50 €) – ISBN : 978-2-205-07608-0
Un tirage de tête est disponible dans le réseau des libraires Canal BD. Un peu plus grand, il bénéficie d’une couverture différente et de deux ex-libris numérotés et signés (48 €).
ISBNÂ : 978-2-355-74296-5