Même quand on est adulte, on aime lire les albums jeunesse scénarisés par Loïc Clément. Le récit est toujours surprenant, avec de l’action ou des thématiques traitées toujours profondes et intéressantes… Et pour agréger actions, personnages attachants et émotions, le scénariste n’oublie jamais d’ajouter une bonne dose d’humour. On retrouve tous ces ingrédients dans « Les Larmes du yôkaï » : une enquête policière amusée et amusante dans un Japon médiéval revisité.
Lire la suite...L’Épatant d’avant-guerre (première série 1908-1937) : sixième partie
Sixième partie d’un imposant dossier de Michel Denni sur le magazine L’Épatant publié, à l’origine (sans les illustrations et sans la mise à jour), dans la revue spécialisée Le Collectionneur de bandes dessinées, du n° 101 daté du printemps 2004 au n° 104 daté du printemps 2005. On y parle de René Garry, Henry Bernay, Tybalt, Van Straelen, Louis Forton, Aristide Perré, Gaston Callaud, E. Nicolson, Jean Ferraz, Alphonse Crozière. Pablo Roig, José Moselli, Bill Holman… Des auteurs bien oubliés aujourd’hui…
Pour consulter les premières parties, cliquez ici : L’Épatant d’avant-guerre (première série 1908-1937) : première partie, ici L’Épatant d’avant-guerre (première série 1908-1937) : deuxième partie, ici L’Épatant d’avant-guerre (première série 1908-1937) : troisième partie, ici L’Épatant d’avant-guerre (première série 1908-1937) : quatrième partie et ici L’Épatant d’avant-guerre (première série 1908-1937) : cinquième partie.
De Tambouille, Raclure et Pomolard à Gédéon Bec-de-Puce
Entre-temps, la seule bande de science-fiction parue dans L’Épatant a vu le jour en octobre 1932. Il s’agit de « La Terrible Invention » dont l’auteur, René Garry, a déjà signé « Le Démon de la haine » (1923-1925) et « La Chasse au convict » (1928-1929). Sur un texte d’Henry Bernay, un écrivain de littérature populaire qui a publié de nombreux ouvrages d’anticipation (« La Pastille mystérieuse » en 1927, « On a volé un transatlantique » en 1928, « L’Homme qui dormit cent ans » en 1929, etc.), il dessine d’un trait fin et aéré les mésaventures de l’inventeur d’une voiture qui roule sans essence grâce à un moteur électrique à « accumulateur léger ». Le savant finira fou, l’accumulateur au fond de l’océan et le milliardaire tué par son secrétaire.
Mais comme L’Épatant c’est aussi, et surtout, de l’humoristique « Les Aventures de Tambouille, Raclure et Pomolard » prennent la suite de « Dédé Pasdebile, détective », en avril 1934. Son auteur, Tybalt, dont nous avons déjà abondamment parlé dans les premières parties de cette étude, a réalisé dès les débuts de L’Épatant des planches en couleurs à thèmes. Dans le même journal, il dessine un temps, en 1919, « Les Pieds nickelés » en retouchant des dessins de Forton datant de 1915, afin de les moderniser. Il publie aussi « Les Aventures comiques de Panouille, Croguenoc et Dugomar » en 1919 et devient le spécialiste de personnages grotesques et caricaturaux pourvus de patronymes saugrenus avec « Aventures de Zigouille, Lastec et Bobinard » (1924) ou « Les Farces de Mouillepatate et Fil-de-fer » (1928). Son graphisme, où les têtes ricanantes abondent et les corps se contorsionnent, se rapproche plus du style de Thomen que de celui de Forton, notamment pour ce « Tambouille, Raclure et Pomolard » où trois copains « associés dans l’âpre lutte pour le bifteck, estiment que l’union fait la force » (sic). Ils gagnent une roulotte automobile au loto et parcourent la France des villages en accumulant des situations humoristiques qui ne font plus rire personne de nos jours, situations évidemment toutes décrites par un texte lourd et copieux sans aucun phylactère.
Autre bande comique : « Gédéon Bec-de-Puce », qui débute dans L’Épatant en juillet 1934. Elle est due à Van Straelen, auteur totalement oublié des encyclopédies de bandes dessinées, hormis la fiche que nous lui avons consacrée dans le « BD Guide » (1). Il débute comme illustrateur dans Le Dimanche illustré en 1926 et on le retrouve ensuite à La Presse (1927), Ric et Rac (1929), Marius (1930), L’Almanach national (1933), L’Almanach Vermot (1938), etc. Il s’est surtout fait connaître comme spécialiste de la bande dessinée aéronautique d’expression française en traduisant et aménageant en récits complets, aux éditions Marcel Daubin, « Will Sparrow » et « Aéroport Z » de Caesar Away (Kurt Caesar) dans Les Cahiers d’Ulysse (1941-1942), la Collection Odyssée et les Sélections Prouesses (1943-1949).
C’est la seule fois, à notre connaissance, qu’il s’essaie à l’humour avec ce « Gédéon Bec-de-Puce » qui remplace en dernière page en couleurs « Les Pieds nickelés » après le décès de Louis Forton.
Il s’agit des méfaits d’un galopin de treize ans à la bouche en forme de trompe de moustique d’où son surnom. Il passe son temps à faire des farces à son entourage, farces qui se veulent comiques et sont décrites par un texte abondant. Le dessin de Van Straelen est laid, mais les personnages qu’il met en scène le sont tout autant.
Les Pieds nickelés d’Aristide Perré
Le 1er novembre 1934, au n° 1370 de L’Épatant, les Pieds nickelés sont de retour dans un numéro vendu exceptionnellement 10 centimes au lieu de 30. Dessinés dans un style très proche de celui de Forton, ils défilent tous les trois en première page couleurs : Croquignol au centre jouant du tambour, encadré par ses deux acolytes portant une banderole où on lit « Les Nouvelles Aventures des Pieds nickelés ». Les incontournables textes d’accompagnements de quatre à cinq lignes continuent à décrire les images lesquelles ont droit, comme au temps de Forton, à quelques phylactères disséminés ici et là.
En pages centrales, on retrouve notre trio, toujours à la tête d’un crédit municipal ambulant factice, bien qu’il ne s’agisse pas d’une suite, mais d’un épisode à part entière. Comme Forton, Perré privilégie l’actualité. Les Pieds nickelés échangent la camionnette du crédit municipal contre un ballon sphérique et font croire à un savant de l’Institut qu’ils ont battu le record d’altitude du professeur Picard (2). Plus tard, ils créent la Grande Loterie astrale (n° 1377), l’état venant de fonder la Loterie nationale en 1933. Ils affrontent également des espions allemands qui veulent voler le secret de la nouvelle mitrailleuse à musique, du tank aérodynamique, etc. Toujours patriotes, mais sans oublier leur intérêt, nos trois héros donnent de faux renseignements à un agent étranger, puis le font arrêter afin de toucher une prime (n° 1389).
Puis, ils s’adonnent à la fabrication d’apéritifs à partir d’eau de mer, inventent le prix unique pour des costumes de toutes tailles (n° 1391), deviennent moniteurs d’auto-école (n° 1396), fakirs (couverture du n° 1400), employés de l’hygiène sociale, etc.
Le sport cycliste étant en pleine expansion, ils participent au Tour de France en provoquant de nombreux incidents : passage à niveau fermé, route enduite de goudron frais, emploi de soporifiques, etc. (couverture du n° 1407).
À la dernière étape, Croquignol étant entré par erreur au stade Jean Bouin, il rate l’épreuve tandis que Pélissard, Magnos, Lebucq (allusions aux célèbres, à l’époque, coureurs Pélissier, Antonin Magne et Leducq) parviennent au parc des Princes (n° 1408).
Après un passage à Deauville où ils montent des jeux truqués dans un faux casino (couverture du n° 1410), les Pieds nickelés inventent des croisières à prix réduit (n° 1412), alors que le transatlantique Normandie venait de remporter le Ruban bleu pour la traversée Le Havre-New York en quatre jours. Puis, ils dirigent un faux navire océanographique à l’image du Pourquoi pas ? de l’explorateur Jean Charcot (3).
Parvenus au pôle Nord sur le dos d’une baleine (couverture du n° 1420), les Esquimaux les prenant pour des dieux, ils participent à une fausse chasse à l’ours, volent un lot de fourrures et s’enfuient par la voie des airs. Ils se retrouvent alors à Chicago (n° 1430).
Lors d’un faux mariage entre Ribouldingue et Miss Houri (Croquignol travesti), Filochard joue les sacristains et organise une quête pour construire un nouveau temple (n° 1433). Mais ils ont le tort de tenir une station-service où la pompe distribue de l’eau au lieu d’essence. Croquignol et Filochard sont arrêtés et emprisonnés dans un pénitencier (n° 1439), tandis que Ribouldingue, resté libre, se fait passer pour un inspecteur des prisons et parvient après plusieurs tentatives à les faire évader en s’introduisant avec eux dans l’habitacle d’une baudruche gonflée au gaz (couverture du n° 1445).
Ils s’envolent alors au-dessus de l’océan, mais le gaz s’échappant ils tombent dans la mer où ils flottent avant d’être recueillis par un paquebot.
Après diverses péripéties, dont plusieurs combats entre Croquignol et un lutteur, Les Pieds nickelés versent du vieux marc dans la piscine afin d’enivrer équipage et passagers. Ils deviennent alors seuls maîtres à bord, s’enfuient en canot à moteur (n° 1461) et abordent dans l’île de Liberaturos habitée par des noirs où ils se présentent comme conseillers techniques venus aider les indigènes à moderniser leur pays.
Ils font construire un immeuble de paillotes, un métro aérien tracté par un zèbre, etc., et déclarent une guerre fictive contre un ennemi imaginaire. Alors que tous les indigènes sont munis de masques à gaz (n° 1473), ils leur dérobent leurs pépites d’or et s’éclipsent en prétendant aller négocier un armistice.
Totoche et le Professeur Trompette en phylactères
Entre-temps, Gaston Callaud continue à produire pour L’Épatant. Le voici cette fois avec « Totoche et le professeur Trompette » qui débutent en juin 1935, avec une présentation en couverture où on lit : « Débrouille ! Resquille ! Bluff ! Rire !! » Totoche, un gamin vagabond, fait la connaissance du professeur Trompette, le roi des inventeurs, dont il devient l’assistant. En planche couleurs de trois strips en fin de numéro, ô miracle ! chaque case est pourvue d’un ou deux phylactères, même si un texte allégé continue à décrire l’action. Et au n° 1417 du 26 septembre 1935, l’audace des Offenstadt va jusqu’à supprimer ledit texte, ce qui permet de passer de trois à quatre strips.
Curieusement, si Totoche et le professeur ne s’expriment plus qu’en bulles, les Pieds nickelés continuent à être accompagnés d’un descriptif de quatre à cinq lignes par cases. Mais Perré ne possède pas le pouvoir d’un Forton auprès de la direction, alors que Callaud, qui reprend à la même époque « Bibi Fricotin » dans Le Petit Illustré, a probablement posé ses conditions.
À peine terminés, « Totoche et le Professeur Trompette », en avril 1936, commencent « Les Mille et un Tours de Dumochart et Cledsol » par Nicolson, sur la dernière page en couleurs. Le musicien Cledsol et le peintre Dumochart loufoco-moderniste (sic) passent leur temps à faire des blagues aux concierges et aux propriétaires d’immeubles avec des gags plutôt désuets et un découpage assez figé qui suggère difficilement l’enchaînement entre les cases. Chaque vignette a droit à un phylactère, mais un texte allégé court encore sous les strips même si Nicolson, vieux routier des éditions Offenstadt, est, à l’époque, chef de service des dessinateurs de la S.P.E.
Nous l’avons déjà évoqué dans les premières parties de cette étude alors qu’il signait, dans L’Épatant, « Le Tour du monde de deux Mathurins » en doubles pages en couleurs (1908), « Les Aventures d’un gagnant du gros lot » (1909-1910), « Les Aventures mirobolantes de Claudius et Tétonbec au pôle Nord » (1911), suivies de « Claudius et Tétonbec capitaines » (1913-1915). Il s’est fait par ailleurs remarquer aussi dans Fillette, avec un comique plus caricatural montrant des visages d’ahuris ou de crétins souvent en médaillon et « Les Aventures du chien Brownie » sur un texte de Jean d’Agraives d’après le film paru chez Universal.
Un petit bobard hebdomadaire
Nouvelle innovation au n° 1480, du 10 décembre 1936 : en page 12, démarre Le Petit Bobard hebdomadaire, sous-titré Le Plus Menteur de tous les journaux d’information, avec cette précision : « Édition de 8 h 47 », allusion évidente au roman « Le Train de 8 h 47 » de Georges Courteline. Ce petit journal propose « des fausses nouvelles puisées aux meilleures sources, des bobards à la noix, des informations absolument dénuées de tout fondement, des reportages subtilement mensongers, etc. »
Car, dans ce milieu des années 1930, la loufoquerie est à l’honneur avec les films des Marx Brothers, mais aussi avec Pierre Dac, au cabaret La Lune rousse, où sa « Revue des loufoques » remporte un grand succès en 1935.
Il anime aussi sur les ondes de Radio Cité la « SDL », qui sera suivie du « Club des loufoques » avec son célèbre jeu « La Course au trésor » où des candidats chargés d’objets hétéroclites se promènent dans les rues de Paris. Ce Petit Bobard préfigure aussi le journal L’Os à moelle fondé par le même Pierre Dac en mai 1938 (4).
Les Pieds nickelés rois du caoutchouc
Nous avions laissé les Pieds nickelés quittant l’île Libératuros, après avoir dévalisé les indigènes. Ils ont la malchance d’être capturés par un navire-pirate. Le capitaine s’empare de leur trésor et les force à travailler (n° 1476). Heureusement, Croquignol s’enfuit, revient déguisé en marin et délivre ses compagnons. Le trio s’empare du bateau, le conduit jusqu’à un port, livre les pirates aux autorités et reçoit des félicitations (n° 1483). Puis, les Pieds nickelés ayant fait fondre de vieux pneus font croire que la forêt est caoutchouteuse et sont, de ce fait, nommés directeurs des usines nationales du caoutchouc. Ils font aussitôt placarder des affiches où l’on peut lire : « Ordre du gouvernement – Usage obligatoire du caoutchouc dans l’industrie, dans l’agriculture, dans le commerce » (n° 1486). On se met à fabriquer des corsets pare-chocs, des trottoirs et même des autocars en caoutchouc, notre trio allant jusqu’à lancer une émission de bons en caoutchouc vendus à raison de 20 francs le centimètre carré.
Plus tard, jamais à court d’idées, les Pieds nickelés transforment une cascade en source thermale miraculeuse. Des vieillards, croyant rajeunir, se mettent à danser et des obèses se sentent plus légers alors qu’ils ont tout simplement bu un vieux marc qui les a enivrés. Puis, notre trio se convertit dans le tourisme en faisant visiter les gorges du Laringibus ou en emmenant des gogos rencontrer une vieille sorcière extralucide (Croquignol travesti) qui « devine » les noms de ses visiteurs (n° 1500). Mais un détective, Sherlokokos, est sur leur piste. Après avoir failli les arrêter dans un restaurant, il les poursuit jusqu’à l’Exposition internationale de Paris 1937 où il les repère grâce au réseau de télévision intérieure qui fait alors sensation dans le public. Les Pieds nickelés s’enfuient par le fond de la Seine grâce à des scaphandres, refont surface pour s’habiller en aviateurs, puis pénètrent dans le labyrinthe de l’Exposition au n° 1517 et dernier de cette première série de L’Épatant.
Dans la seconde série, ils parviendront à perdre Sherlokokos dans le labyrinthe. Puis ils deviendront radio-reporters et « couvriront » le mariage du roi Malikoko et de la princesse Kadétoto, organiseront un crochet radiophonique où Croquignol (à nouveau travesti) jouera une chanteuse soprano grâce à un phonographe. Ayant fait la connaissance d’un groupe de fêtards, les Maboulards, tous se retrouveront à Nice dans une réunion loufoque au milieu de gaz hilarants. Enfin, après avoir s’être emparés d’un yacht, ils prendront la mer vers de nouvelles aventures qui s’achèveront pour Perré au n° 22 du 27 janvier 1938 de cette 2ème série de L’Épatant. Il faudra attendre neuf mois pour retrouver le trio au n° 61 sous le crayon de Badert.
Nul ne sait pourquoi Perré a abandonné « Les Pieds nickelés » en 1938. Brouille avec les Offenstadt ? Peut-être tout simplement un surcroît de travail. Car, un an plus tôt, il avait démarré « Clodomir » dans Le Journal de Toto dès le premier numéro, le 11 mars 1937, et il continuait à dessiner « Poucette Trottin » dans Midinette (en albums aux éditions Rouff) tout en étant, à la même époque, chef de studio à l’agence Publicis. Quoi qu’il en soit, ses « Pieds nickelés », qu’il scénarisait lui-même, participent à des gags bien agencés et n’ont pas à rougir de la comparaison avec ceux de Forton, même si le dessin en est plus ramassé, plus caricatural, plus en rondeurs avec des personnages râblés et courts sur jambes, ce qui n’enlève rien à leur impact comique.
Dudule et le grand Tangarung
Au 1er janvier 1937, apparition de « Dudule est verni » dessiné par Jean Ferraz sur un texte d’Alphonse Crozière. De son vrai nom Jean Ferrazzini, Ferraz est un illustrateur humoriste qui débute dans Jeudi en 1931. On le retrouve dans Gens qui rient (1934), Midinette (1935) et La Vie de garnison (1937). Plus tard, il travaille dans Pierrot avec « Le Roi Babaga » (1941) et « Les Flibustiers » (1941-1942), ainsi que dans Fanfan la Tulipe avec « Le Noël au phare » (1941). C’est aussi un scénariste pour Auguste Liquois dans Pierrot avec « À travers les mondes inconnus » (1937), « Méridien 60 » (1938), « Le Mystère des îles Loyalty » (1939), « Le Chevalier Coeur d’or » (1939-1940), « Ramy au champ » (1940-1941). Après la guerre, Ferraz réalise des bandes dessinées aux éditions Artima avec, notamment, l’album papier « Max et Line, » tout en continuant une carrière d’illustrateur dans L’Appel (1944), La Boîte à sel (1945), Noir et Blanc (1946), Fantasia (1947), etc.
Dudule est un vieux vendeur de journaux qui devient le capitaine White par le bon vouloir d’une richissime toquée. Jouant sur le changement de classe sociale du personnage, les gags s’enchaînent de case en case avec à-propos, Ferraz utilisant les techniques narratives de la bande dessinée permettant de s’abstenir de lire le texte omniprésent de cinq lignes que les Offenstadt s’obstinent à imposer encore en cette année 1937 à ses auteurs, hormis Callaud.
« La Disparition du grand Tangarung », dessinée par Pablo Roig (évoqué précédemment), débute en mai 1937. Le grand Tangarung est un rubis de grande valeur qui a été dérobé à la Batavia Bank d’Amsterdam. Deux strips et des textes d’une vingtaine de lignes content cette histoire policière dramatique qui se termine dans une fumerie d’opium. José Moselli (1882-1941) — sous le pseudonyme de Jacques Mahan — en est le scénariste. Il signe, à la même époque dans L’Épatant, « Les Aventuriers de la mer Caraïbe » mettant en scène le célèbre pirate Barbe-Noire à la recherche de son trésor.
C’est l’un des meilleurs feuilletonistes du début du XXe siècle, autant à l’aise dans le policier, la science-fiction que l’aventure héroïque. Il publie dans L’Épatant « John Strobbins, le détective cambrioleur » dès 1911 et « Le Roi des boxeurs » à partir de l’année suivante. Auteur maison des Offenstadt, il signe également « W… vert » dans L’Intrépide (1910), des romans ou des histoires en images dans Cricri avec « M. Dupont détective » (1935) et dans L’As avec « Le Collier fatal », « Les Robinsons de la banquise » (1937) et « Les Gangsters de l’air » (1939).
Continuant sa révolution, L’Épatant publie, à partir du 15 juillet 1937, une bande loufoque américaine : « Popol le joyeux pompier » (« Smokey Stover »), due à Bill Holman aussi bien pour le texte que pour le dessin.
En dernière page en couleurs et en format à l’italienne, Popol est un soldat du feu dont les péripéties burlesques sont accompagnées de multiples réflexions sentencieuses apparaissant régulièrement sur des panneaux ou proférées par des personnages saugrenus.
La bande est née le 10 mars 1935 dans le Chicago Tribune.
Son auteur, Bill Holman (1903-1987), après des études à l’académie des Beaux-Arts de Chicago, réalise sa première bande dessinée « Billville Birds » en 1922. Puis, il signe G. Whizz Jr dans The Herald Tribune, en 1924. Après différents dessins d’humour dans Redbook, Life, The Saturday Evening, etc., il crée « Smokey Stover » en mars 1935 : série qui sera diffusée par le Chicago Tribune-New York News Syndicate dans plusieurs pays, dont la France où il prend le titre de « Popol le joyeux pompier ».
L’univers de non-sens de Bill Holmann a influencé en Europe de nombreux artistes dont Benito Jacovitti, Mat, Albert-Georges Badert, Nikita Mandryka, Eu. Gire, etc. La bande, remportant un grand succès dans L’Épatant, se continuera dans la seconde série jusqu’au 25 avril 1939.
Fin de série avant agrandissement
Au recto de la dernière page du n° 1517 du 26 août 1937, un placard annonce qu’à partir du prochain numéro : « L’Épatant se présentera à vous complètement transformé. Il paraîtra sur 8 pages au format des quotidiens, dont 4, en couleurs. » La numérotation va reprendre à 1, le format de 39,5 x 52 dans un premier temps sera presque aussi grand que celui de Junior que la Société parisienne d’édition (SPE) a lancé le 2 avril 1936. Mais le prix passe de 40 à 50 centimes. Toutes les bandes de cette première série s’arrêtent au n° 1517, hormis « Les Pieds nickelés » d’Aristide Perré et « Popol le joyeux pompier » de Bill Holman. Cette nouvelle mouture durera tout de même deux ans, sur 104 numéros, jusqu’au 24 août 1939.
L’Épatant ayant été créé le 9 avril 1908, cela donne une longévité de trente et une année au service, de l’esprit contestataire « loustic », de la gouaille populaire et de la farce truculente et désinvolte à la limite parfois de la vulgarité. « Les Pieds nickelés », dont le succès fut considérable, y sont certes pour beaucoup, mais il ne faut pas oublier les autres bandes humoristiques, dramatiques ou policières ainsi que les couvertures en couleurs toujours très attractives, les publicités suggestives, les romans, les nouvelles, les jeux, rébus et devinettes. Il est vrai que les Offenstadt avaient l’art de concocter un journal pour la jeunesse : un tiers de nouvelles ou de romans à suivre, un tiers de bandes dessinées et un tiers de rubriques amusantes ou didactiques.
De ce fait, L’Épatant reste encore passionnant à lire aujourd’hui et irremplaçable comme témoin d’une époque où ce que l’on appelait alors les illustrés quittaient progressivement l’histoire en images pour réinventer la bande dessinée.
Michel DENNI
Mise en pages et mise à jour du texte : Gilles Ratier
Merci aux sites http://www.bd-nostalgie.org et https://www.lambiek.net où nous avons trouvé quelques couvertures ou illustrations de L’Épatant qui nous ont permis d’illustrer dignement certains passages de cet article. Sur cette période, voir aussi Les grands auteurs de la bande dessinée européenne, troisième chapitre. Vous avez dit phylactères ? : humour à la page et feuilletons de longue haleine… et Les grands auteurs de la bande dessinée européenne, quatrième chapitre. Américanisation à volonté et deuxième salve de périodiques pour enfants….
(1) Voir « BD Guide 2005 », éditions Omnibus 2004, p. 993.
(2) Le professeur Picard et son assistant Kipfer avaient atteint en ballon l’altitude de 15 781 mètres, le 27 mai 1931.
(3) L’explorateur océanographe Jean Charcot dirigea plusieurs expéditions à bord du Français, puis du Pourquoi pas ? dans l’Antarctique (1903-1910), puis dans l’Atlantique (1912-1936).
(4) Voir à ce propos « Les Années folles de L’Épatant (1937-1939) » par Claude Guillot, in Le Collectionneur de bandes dessinées n° 35, novembre-décembre 1982.
Un théâtre à la Société parisienne d’édition
Dans le n° 1332 du 8 février 1934, on peut lire en bas de page : « Le jeudi 15 février 1934, à 15 heures précises, la direction de L’Épatant vous invite à une matinée théâtrale au Théâtre de la Jeunesse dans la salle des fêtes, 43, rue de Dunkerque, Paris 10e. De jeunes acteurs et actrices, ainsi que quatre petits danseurs russes, interpréteront “Don Quichotte au Tonkin”. Venez nombreux les applaudir et amenez vos petits amis. Prix d’entrée : enfants 3 francs, grandes personnes 4 francs. »
À noter que le 43 rue de Dunkerque était le siège de la Société parisienne d’édition. Cette tentative de création d’un théâtre maison ne semble pas avoir eu de suite, mais on peut lire, dans les numéros suivants, une publicité pour le livre « Théâtre de la jeunesse » d’Alphonse Crozière : « 26 saynètes faciles à dire pour séances récréatives ou familiales. L’exemplaire : 5 francs. »
Nous avons évoqué dans une précédente partie de cette étude (voir L’Épatant d’avant-guerre [première série 1908-1937] : quatrième partie ou Le Collectionneur de bandes dessinées n° 102), les albums des « Pieds nickelés » parus de 1915 à 1917 (6 titres), puis de 1929 à 1930 (5 titres).
Pour la période 1930-1937, soit des n° 1118 à 1517, correspondent les albums suivants :
— le sixième : « L’Audace des Pieds nickelés » ; il paraît en octobre 1930 et contient les bandes parues dans L’Épatant du n° 1125 à 1155 (il est en fait sorti un mois avant le n° 5).
Puis un groupe de quatre volumes sort en 1933 :
— le septième : « Les Pieds nickelés en Amérique » en février 1933 ; il contient les bandes parues du n° 1116 à 1186.
— le huitième : « Attractions sensationnelles » en avril 1933 ; il contient les bandes parues du n° 1187 à 1217.
— le neuvième : « Les Pieds nickelés ont le filon » en mai 1933 ; il contient les bandes parues du n° 1218 à 1248.
— le dixième : « La Vie est belle » en novembre 1933 ; il contient les bandes parues du n° 1249 à 1279.
Puis, il faut attendre 1935 pour voir sortir :
— le onzième : « Faut pas s’en faire » en janvier 1935 ; il contient les bandes parues du n° 1280 à 1319.
— le douzième : « Les Pieds nickelés dans le maquis » en novembre 1935 ; il contient les bandes parues du n° 1320 à 1383. Louis Forton dessine jusqu’à la page 36, puis Aristide Perré prend la suite. Il manque les planches des n° 1335 et 1336 entre les pages 19 et 20.
Désormais, les albums vont être réalisés par Aristide Perré et leur prix de vente va passer de 3,50 francs à 4 francs.
En 1936, deux titres voient le jour :
— le treizième : « Les Pieds nickelés ont la guigne » en juillet 1936 ; il contient les bandes parues du n° 1384 à 1413.
— le quatorzième : « Les Pieds nickelés chez les gangsters » en décembre 1936 ; il contient les bandes parues du n° 1414 à 1443.
Puis en 1937 sort :
— le quinzième : « Les Pieds nickelés s’évadent » en novembre 1937 ; il contient les bandes parues du n° 1444 à 1473.
Et pour la période étudiée ici (la 1ère série de L’Épatant) il paraît encore deux titres en 1938-1939, mais avec un nombre de pages qui tombent de 64 à 48 :
— le seizième : « Les Pieds nickelés rois du caoutchouc » en février 1938 ; il contient les bandes parues du n° 1474 à 1496. Il manque, page 16, 2 cases du n° 1482 et, page 20, 3 cases du n° 1484.
— le dix-septième : « Les Pieds nickelés sous les eaux » en septembre 1938 ; il contient les bandes parues du n° 1497 à 1 de la nouvelle série.
Il sortira encore deux albums correspondant à la seconde série de L’Épatant : « Les Pieds nickelés radio-reporters » en août 1939 par Aristide Perré et « Les Pieds nickelés princes d’Orient » en mars 1940 par A. G. Badert.
qui connait « chic melon » le petit gars débrouillard de Jean Ferrazzini ?