Il semblerait que l’éditeur Altercomics, ait tenu ses promesses de faire un effort conséquent sur la traduction en langue française et l’orthographe des textes de certains fumetti du célèbre catalogue de Sergio Bonelli, qu’ils ont commencé à publier depuis le mois d’août (1) : preuve en est la parution des n° 2 disponibles depuis le 8 novembre… Nous en sommes vraiment heureux, notamment pour l’excellente série policière « Julia », scénarisée par Giancarlo Berardi et illustrée pour cet épisode par le virtuose Corrado Roi : voilà qui devrait ravir les amateurs de bandes dessinées populaires italiennes en noir et blanc !
Lire la suite...Interview d’Hermann et d’Yves H.
A l’occasion de la sortie de « Liens de sang », aux éditions du Lombard, dans la collection « Signé », nous avons rencontré le père (Hermann, le dessinateur) et le fils (Yves H., le scénariste). « Quant à l’esprit, notre discussion n’en manquait pas … »
A l’occasion de la sortie de « Liens de sang », aux éditions du Lombard, dans la collection « Signé », nous avons rencontré le père (Hermann, le dessinateur) et le fils (Yves H., le scénariste). « Quant à l’esprit, notre discussion n’en manquait pas … »
« Le rire tout simple, tout bête, ne m’intéresse pas … »
(Yellow Kid) Hermann, « On a tué Wild Bill », « Lune de guerre », « Liens de sang », les titres de vos derniers albums ne sont pas des plus joyeux …
(Hermann) C’est vrai, mais je ne suis pas un spécialiste des titres joyeux, vous savez. Pourquoi, ça vous dérange ?
(Yellow Kid) Pas du tout mais cela dénote de l’atmosphère qu’on retrouve dans vos albums.
(Hermann) C’est vrai que les albums dont vous avez cité les titres sont particulièrement sombres.
(Yellow Kid) Le dernier Jerémiah, Mercenaires, l’était aussi …
(Hermann) Oui, mais il y a quand même des moments assez drôles. Il y a cet espèce de personnage cloné, une vieille dame amusante,… Il y a des sourires par moment, on rigole tout de même un peu.
(Yellow Kid) C’est toujours de façon ironique …
(Hermann) Evidemment, mais le côté du rire tout simple, tout bête, ne m’intéresse pas. Il faut toujours que ce soit un peu grinçant.
« Je suis tombé de la BD dans la BD … »
(Yellow Kid) « Liens de Sang » est la seconde collaboration avec votre fils , Yves H. ( de Huppen, nom de famille d’Hermann), après « Le secret des hommes-chiens » (éditions Dupuis)…
(Hermann) Attention, je vais un peu répondre à la place de mon fils, mais 3Le Secret des Hommes chiens » n’était pas une vraie collaboration …
(Yves H.) C’est une collaboration !
(Hermann) Oui, mais de petite envergure. J’ai simplement tracé à l’encre par dessus ses crayonnés et j’ai calligraphié son texte. Je n’ai rien fait d’autre, c’est lui qui a tout fait, la mise en couleur, les dessins crayonnés, …Vous voyez très bien que c’est un style qui n’est pas le mien, je suis incapable de dessiner comme ça.
(Yves H.) La preuve, ce fut un bide monumental car c’était une collaboration surtout axée sur moi.
(Hermann) Pas monumental quand même, il devient prétentieux, même au niveau de ses bides (rires).
(Yellow Kid) Yves, la BD, vous êtes tombé dedans quand vous étiez petit ?
(Yves H.) Oui, grâce à mon père, j’ai grandi avec. Dès 6 ans, je faisais mes propres BD de schtroumpfs, dont l’univers me fascinait. Je suis arrivé à faire une BD de près de 600 pages avec les schtroumpfs. Je l’ai toujours d’ailleurs. Je pense l’éditer un jour (rires). Plus sérieusement, je suis effectivement tombé de la BD dans la BD. Au départ, j’ai voulu la quitter, peut-être pour rompre le « lien de sang » avec le neuvième art, et j’ai voulu faire du cinéma. Mais tout m’orientait vers la télévision or je ne voulais pas faire de la réalisation en régie, je voulais raconter des histoires ! Je suis donc revenu vers mes premières amours.
« La bande dessinée se permet depuis déjà quelque temps d’attaquer tous les tabous … »
(Yellow Kid) Vous retournez donc aujourd’hui à la BD, comme scénariste de « Liens de sang ». Un polar, c’est nouveau dans l’univers d’Hermann ?
(Hermann) Oui, c’est peut être nouveau. Mais il n’y a pas de mauvais sujet et je ne voyais aucune raison de refuser.
(Yves H.) Cela dit, les premiers « Bernard Prince » étaient des polars. Des histoires courtes publiées dans Tintin.
(Hermann) C’était des histoires policières pour les lecteurs de Tintin, du polar Tintin, qui ne mérite pas l’appellation de polar au sens strict (rires).
(Yellow Kid) C’était un choix prémédité pour qu’Hermann dessine des choses qu’il n’avait pas l’habitude de dessiner ?
(Yves H.) Jusqu’à quel point était-ce prémédité ? Au départ je voulais illustrer le fait qu’un père et un fils allaient collaborer et créer un lien familial dans le récit. Par ailleurs, ma femme s’appelle Jocasta, dont l’équivalent français est Jocaste, nom de la mère d’Œdipe. J’ai voulu mêler tout ça dans l’univers d’un polar qui se décline peu à peu en récit fantastique. Finalement, le résultat est un contexte de polar dans un climat fantastique.
(Yellow Kid) La trame évoque des sujets tabous de notre société tels que le parricide ou l’inceste. L’utilisation du fantastique permet-il d’aborder plus facilement ces sujets délicats ?
(Yves H.) Si on utilise le réalisme pur et dur, il est certain que ça devient vite sordide. Le fantastique allège ces sujets, qui ne sont finalement presque qu’anecdotiques dans l’histoire.
(Hermann) J’ajoute que nous n’avons pas sauté un obstacle que personne n’avait sauté avant. La bande dessinée se permet depuis déjà quelque temps d’attaquer tous les tabous. Ce qui est intéressant c’est ce qu’en a fait Yves, son imagination, et pas tellement les ingrédients qui servent à illustrer l’histoire et qu’il a enfilé comme des perles.
(Yellow Kid) Ce qui est également surprenant, c’est le côté un peu « jusque-boutiste » du récit. On était plutôt habitué dans les albums d’Hermann à voir une note d’espoir à la fin.
(Hermann) Petite, oui, petite …
(Yellow Kid) Il y a toujours un ou deux personnages qui réussissent à s’en sortir … (Hermann) Qui finissent par en rigoler surtout. S’en sortir aussi, oui, fatalement, sinon j’arrêterais tout.
(Yellow Kid) Tandis que là …
(Hermann) Là c’est noir, noir, noir
(Yves H.) Personne ne s’en sort, sauf le méchant.
(Hermann) Mais c’est normal, c’est le diable, et le diable est perpétuel. Dans la mesure où on y croit, ce qui n’est pas mon cas (rires).
(Yellow Kid) Un parricide, c’est osé, compte tenu de vos liens respectifs ?
(Yves H.) Il ne faut pas y voir plus qu’une histoire, qu’un sujet de BD. Je n’ai jamais eu la volonté de tuer mon père.
(Hermann) Il a réglé ses comptes ! Je ne veux surtout pas qu’il ait des bidons d’essence et des allumettes chez lui ! (rires)
(Yves H.) Non, je rassure tout le monde, j’ai besoin de mon dessinateur !
« Nous avons décidé de prolonger l’aventure … »
(Yellow Kid) Cette collaboration est une réussite, la prochaine est-elle déjà « signée », pour reprendre le titre de la collection du Lombard où paraît « Liens de Sang » ?
(Yves H.) Elle est prévue, bien sûr, puisqu’à la fin de cette collaboration nous sommes tous satisfaits du résultat. Nous avons donc décidé de prolonger l’aventure. Après le prochain « Jérémiah » et le prochain « Tours de Bois Maury », on remet ça.
(Yellow Kid) Vous en avez déjà défini le thème ?
(Yves H.) Oui, le synopsis est prêt et est déjà au chaud sur la table de travail de mon père.
(Yellow Kid) Vous nous en parlez ?
(Yves H.) Très peu alors ! J’aborde un des thèmes du premier album, le rêve américain, moteur principal de l’arrivée en ville de Sam Leighton, le personnage principal de « Liens de sang ». Vouloir réussir dans la grande ville ! Je monte cette nouvelle histoire à partir de ça. Ce récit sera plus optimiste que « Liens de sang », se passera beaucoup plus dans l’Amérique profonde, et il y pleuvra beaucoup moins !
(Yellow Kid) Hermann, vous faites deux à trois albums par an, c’est un rythme rare en BD ?
(Hermann) Oui, deux à deux et demi en fait. C’est un très bon rythme que je souhaite conserver, tant que je tiendrais le coup. Les autres ne doivent pas travailler assez ! (rires)