Deux ans après la publication remarquée en 2022 du premier opus de « 1629 : l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta » (1), voici la seconde partie : laquelle devrait combler ceux qui se sont passionnés pour ce formidable thriller maritime. Un huis clos éprouvant — inspiré aux auteurs par une histoire vraie déjà adaptée en BD par Jean-Denis Pendanx et Christophe Dabitch (2) — qui renoue avec les grandes séries d’aventures exotiques…
Lire la suite...« Otaku Otaku » T1 par Fujita
Le terme japonais otaku sert à désigner un être, souvent asocial, qui aime les mangas, les jeux vidéo, les animés, les figurines et par extension, qui a une passion dévorante pour un sujet quelconque. Lorsqu’un otaku se met en couple, la plupart du temps, il arrête sa passion : le conjoint acceptant souvent mal qu’il dépense l’argent du ménage pour des choses qui peuvent paraître futiles. Mais il y a également des otakus qui s’amourachent d’autres otakus, comme c’est le cas dans ce manga.
Narumi et Hirotaka se retrouvent, par hasard, à travailler dans la même entreprise. Amis d’enfance, ils avaient pris des chemins différents à l’adolescence. Du coup, Narumi n’a qu’une crainte en apercevant son ancien camarade de jeu, c’est qu’il lui parle de manga devant tout le monde. Ce qui dévoilerait sa passion à ses collègues qui la cataloguerait immédiatement comme otaku. Bien évidemment, cela n’a pas loupé ! Alors que Narumi pensait les salutations d’usage terminées, Hirotaka lui demande innocemment : « Tu participes au prochain Comiket ? » Narumi est grillée, il n’y a que des otakus pour se rendre dans ce festival géant ayant lieu deux fois par an à Tokyo et rassemblant les plus grands fans de mangas et surtout les dessinateurs amateurs qui publient pour l’occasion leur propre histoire dans des dojinshis.
Même si ces deux-là sont des otakus, ils n’aiment pas vraiment la même chose. Narumi est amatrice de mangas et de cosplays. Hirotaka, de son côté, a le nez fourré dans sa PlayStation portable à longueur de temps et rien ne semble pouvoir le faire sortir de l’univers du jeu, à part son travail. Et en amour, c’est pareil, ils n’ont pas la même vision des choses. Narumi cherche un homme qui ne serait fan de rien à part elle. Sauf que la plupart ont décampé quand ils ont compris que sa passion était dévorante. Hirotaka, lui, n’attend rien des femmes en général, il se laisse porter et aimerait juste avoir une femme avec des gros seins. Pourtant, c’est lui qui va faire le premier pas en quelque sorte. Alors qu’ils sortent entre amis dans un bar et que Narumi se plaint de sa vie sentimentale, Hirotaka va lui demander pourquoi elle ne l’a pas choisi, lui. Narumi reste un peu décontenancée devant tant d’audace et de franchise. Néanmoins, elle accepte de sortir avec son camarade, car il a des arguments de poids : il sera toujours là pour l’aider dans les jeux vidéo, il l’attendra à son travail même si elle est en retard (c’est à dire tous les jours) et surtout, il va l’aider à finir son manga pour être prête pour le Comiket. Des arguments de poids, je vous l’avais dit…
Ce qui est amusant ensuite, c’est de voir qu’aucun des deux n’avait envisagé cette union comme une possibilité. Du coup, ils se comportent encore comme deux amis partageant une passion, mais également commencent benoîtement une vie de couple mal préparée.
« Otaku Otaku » est un manga un peu atypique dans sa lecture. Il y a bien l’histoire en elle-même, qui évolue au fil des pages, mais il y a également des planches ou illustrations complémentaires, intercalées de-ci de-là. Celles-ci sont d’ailleurs en général assez amusantes pour l’otaku qui sommeille en chacun de nous. Le lecteur devait s’y reconnaître, ou reconnaître une connaissance. Ensuite, il y a, en bas de chaque page, un titre de planche qui agit comme un fil Twitter de réaction à ce qui se passe au-dessus. Il ne faut absolument pas les manquer, ces petites phrases sont pleines d’humour, légèrement sarcastiques, voir bien plus adultes que les deux protagonistes de cette œuvre.
Bien sûr, il faut également évoquer les pages en couleur du début de l’album. Il est extrêmement rare d’avoir sept pages d’affilée tout en couleurs dans un manga, mais en plus, quand celles-ci sont particulièrement réussies, il est bon de s’attarder dessus. Ce ne sont pourtant que des cases faites de gros plan et sans décor. Mais elles sont extrêmement lisibles et dépouillées et regorgent de couleurs chaudes qui claquent au visage. On aurait aimé que tout le manga soit traité de la même manière.
« Otaku Otaku » était à la base une série d’histoires publiées sur le site collaboratif pour artistes Pixiv, qui se sont retrouvées à être éditées en manga papier. Il existe pour le moment cinq tomes au Japon et la série est toujours en cours de publication. L’histoire d’amour en elle-même n’avance pas bien vite, mais ce n’est pas vraiment le propos. Il est ici question de deux otakus qui se cherchent, d’où la répétition dans le titre. Et, cela semble logique vu le sujet, une série animée sort également au Japon en ce mois d’avril, durant le créneau NoitaminA, de la nuit du jeudi.
« Otaku Otaku » est une série humoristique principalement destinée aux jeunes femmes adultes. Néanmoins elle peut plaire à un très large public. Les plus âgés pourront aisément se reconnaître dans les personnages.
Gwenaël JACQUET
« Otaku Otaku » T1 par Fujita
Éditions Kana (5,95 €) – ISBN : 978-2505072515