La poétesse américaine Emily Dickinson (1830-1886) est manifestement intrigante. Elle n’a été reconnue comme écrivaine qu’après sa mort, sa sœur découvrant alors 1 775 poèmes qu’elle avait écrits. Cette femme de bonne famille, solitaire, indépendante, insoumise et passionnée par les mots l’était aussi par les plantes et le monde sensible qui l’entourait, comme le montre joliment « Le Jardin d’Emily » de Lydia Corry.
Lire la suite...« Le Dernier Lapon » par Toni Carbos et Javier Cosnava [d'après Olivier Truc]
Le romancier Olivier Truc s’est spécialisé avec succès dans le polar nordique. Il vit à Stockholm depuis 1994, où il a été le correspondant du Monde et du Point. Son roman « Le Dernier Lapon », paru en 2012 et pour lequel il a reçu entre autres le prix des lecteurs Quais du Polar et le prix Mystère de la critique, est à présent adapté en bande dessinée par deux auteurs espagnols, ce qui nous vaut un album aux teintes grises et bleutées étonnant, dans un ouvrage dos toilé du plus bel effet…
Tout commence en 1693 en Laponie centrale, mais pour quelques pages seulement, l’essentiel de l’intrigue se situant de nos jours du côté de Kautokeino, dans l’extrême nord, à deux pas de la frontière finnoise. Il fait nuit, de cette nuit polaire qui engourdit les paysages et les esprits. Klemet y est policier, mais pas de n’importe quelle police : la police des rennes, une spécialité de ces régions inhospitalières !
Klemet est aussi un Lapon, un vrai Lapon, qui s’est intégré à cette société qui méprise d’ordinaire ostensiblement les Lapons. C’est sur lui que retombe fort logiquement une étrange histoire de vol de tambour au musée de Julh, un des rares tambours rescapés parmi les centaines brûlés par les Luthériens. Avec Nina, sa collègue, Klemet va enquêter, d’autant plus qu’au même moment le meurtre de Mattis, éleveur de rennes et fabricant de tambours, vient salement compliquer l’affaire !
Mattis, un original et alcoolique, a été torturé et marqué à la manière de rennes, par une découpe très particulière des oreilles, des oreilles sectionnées qu’on retrouve un peu plus tard ! L’enquête s’annonce difficile, l’occasion pour le lecteur d’entrer pas à pas dans cette société scandinave qui n’a jamais voulu intégrer les Samis (le vrai nom des lapons). Marginalisés, mal-aimés, les Samis restent un peuple aux traditions fortes, confronté aux fondamentalistes protestants et à l’extrême-droite locale. Dans ce contexte, la présence d’un géologue français un peu louche n’est pas sans se poser bien des questions !
Outre cet environnement peu fréquent en bande dessinée, le lecteur appréciera le talent du dessinateur Toni Carbos, qui sait rendre intensément les atmosphères cotonneuses, les étendues neigeuses, les ciels lourds et bas. Souvent en scooter des neiges, les policiers filent à travers la toundra ou les forêts clairsemées à la recherche des troupeaux… et de la vérité !
L’ambiance n’est pas sans rappeler « Akkinen Zone toxique », thriller nordique et engagé à la réalisation également bicolore (mais rouge et gris), également paru aux éditions Sarbacane, en février dernier. L’auteur Iwan Lépingle installe autour d’une entreprise d’exploitation des sables bitumineux exploitée par le frère du narrateur, la présence de Pekko, personnage écologiste et contestataire. Autre personne mémorable : Aslak, un jeune homme à la stature imposante, mais mutique qui passe son temps à créer d’étranges statues de ferraille…
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
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« Le Dernier Lapon » par Toni Carbos et Javier Cosnava [d'après Olivier Truc]
Éditions Sarbacane (24 €) – ISBN : 978-2-3773-1107-1