Aquaman : une mèche blonde dans les flots seventies…

N’ayant pu chroniquer à sa juste valeur le livre, arrivé en retard pour cela, voilà réparé « l’affront » fait à ce beau recueil d’épisodes seventies d’ « Aquaman » paru en décembre. On se reportera utilement, et si possible, au précédent article resituant le contexte de ce super-héros DC avant de lire cette chronique.

Aquaman fait partie de ces héros ayant fait les beaux jours des revues françaises Arédit vendues en kiosque dans les années soixante-dix. Les épisodes proposés par Urban comics ne sont donc pas vraiment inédits pour la majorité (seuls les # 451, 453, 454 et 455) mais, les lecteurs n’ayant pas eu l’occasion de lire ceux-ci ces trente dernières années, l’offre n’est pas négligeable.

Si ce recueil ne remonte pas jusqu’aux années soixante, début de l’âge d’argent du personnage, il donne cependant un assez bel aperçu de ce que vivait notre héros durant les années 1974-1978. Ces 28 épisodes, tirés d’ Aventure comics et d’ Aquaman, regroupent l’arc narratif traitant de la destitution du roi d’Atlantis et du drame familial qui l’a touché alors…

Le personnage est bien connu des lecteurs de comics en 1974, en tant que roi de la cité sous marine d’Atlantis et faisant partie de la Ligue de justice. À ce titre il est souvent en mission sur terre, donc à l’extérieur de son royaume. Il est marié à Mera, sa princesse, et tous deux ont un fils, âgé d’environ quatre ans : Arthur junior, dit Aquababy, dont les origines sont contées dans Aquaman # 23 de 1962 (Aquaman #9 en France, 1971 Arédit).

Le premier épisode du recueil, daté septembre 1974, tiré d’Adventure comics #435, nous montre un Aquaman rentrant justement de mission.

Paul Levitz est au scénario dès le troisième numéro et apporte un ton enjoué, assez « Marvellien » d’ailleurs, avec beaucoup d’invitation à la découverte et la lecture sur la première page, par le biais de textes haranguant. Un côté un peu spectaculaire et suranné, façon attraction de foire, qui n’apporte pas grand-chose à des petits récits de douze pages assez communs pour l’époque. Ceux-ci s’enchainent et l’action est leur seule raison d’être.Black manta, bien connu des amateurs de la série, et plus célèbre ennemi d’Aquaman, surgit dès le premier épisode, sans grande surprise, tandis que le pirate (un peu ridicule) Capitaine Demo (oui, vous avez bien lu) apparaît sur le #441. Quant au #436, il propose une intrigue basée sur un clone électronique du héros. Une idée de robot que l’on retrouvera au fil des numéros, appliquée à d’autres créatures aquatiques.

La figure d’Aquaman, héros un peu suffisant, agissant seul, malgré l’aide de l’ensemble des créatures marines, apparaît de manière quasi parodique dans le #432, lorsque celui-ci est d’abord transporté par un hippocampe géant, puis élevé dans les airs par des « aigles des mers » avant de sauter sur et chevaucher une bombe menaçant l’Atlantide, et enfin se faire déposer sur le pont d’un bateau militaire par des poissons volants. Et même si son apparence de super héros propre sur lui, les cheveux gominés en arrière dans les trois premiers récits dessinés par Mike Grell va subir un changement notable avec l’arrivée de Jim Aparo, lui imposant une mèche rebelle bien vue (on est tout de même sous l’eau), le ton va vraiment commencer à changer avec l’épisode #443 (les 438, 439 et 440 ne sont pas proposés), scénarisé avec l’aide de David Micheline.

Là, l’épisode « The Dolphin Connection » va amener un évènement majeur dans la carrière du roi des mers, à savoir sa destitution.
Un événement étonnant, arrivant de manière quelque peu rapide et sur une idée – n’hésitons pas à le dire – un peu « tordue ».
C’est aussi l’occasion de faire connaissance, ou de retrouver, le personnage du Pêcheur, un méchant masqué dont on ne voit jamais le visage, armé de gadgets explosifs mais surtout d’une canne à lancer puissante, enlaçant ses proies. Le Pêcheur est apparu en France dans Aquaman numéro 10 (éditions Arédit). Avec Black manta, c’est l’un des plus redoutable adversaire de notre héros. Mais pour l’heure, c’est plutôt Karshon, tout nouveau personnage, qui est à l’Å“uvre. Se servant d’un prétexte (arrangé) : la tentative de vol par Aquaman du sérum X, permettant de respirer sous l’eau, pour sauver soit-disant la ville de Monaco, menacée par Ocean Master, ce nouveau venu à Atlantide va imposer sa place sur le trône. On est tout aussi surpris de ce rebondissement abrupt que par le personnage lui-même. La chose la plus étonnante demeurant néanmoins l’acceptation lâche de Mera et de Vulco, son plus fidèle conseiller, entre autres. Vulco qui va rapidement devenir roi intérimaire, suite aux révélations étonnantes concernant Karshon.

C’est cependant autour d’Aquababy que va s’articuler l’essentiel du reste des récits. Ceux-ci vont déployer des scénarios beaucoup plus exigeants, charpentés autour de la relation familiale entre Arthur Curry, Mera et Aquababy. Aqualad, sidekick d’Aquaman vivant quant à lui en parallèle une recherche de filiation, va aussi nous familiariser à l’occasion avec la « secte » non violente des Nihilistes.
Si l’inventivité est de mise et que la tension monte au fil des histoires, nous proposant encore d’autres méchants au passage, tel le Marauder (#449), utilisant un casque lui permettant de rivaliser sur l’aspect commande télépathique animale (en surface), cet élément même va devenir une rengaine répétitive insupportable à la longue concernant notre héros. Météo Mage et sa commande aux éléments climatiques (# 450) précède le grand retour de Starro, l’entité extra-terrestre en forme d’étoile de mer, bien connue des amateurs de la Ligue de Justice. (Voir couverture plus bas).

À partir de là, les méchants suscités vont se succéder en rafale à tour de rôle, souvent simples perturbateurs d’une intrigue qui aurait mérité mieux. On note dès lors des épisodes scindés en sous-séries : Aqualad et Mera étant les protagonistes principaux de leurs aventures parallèles, s’ajoutant à la série homonyme principale. Une manière de complexifier un peu la trame (Aventure comics #453, 454, 455, Aquaman #58, 59, 60), jusqu’à l’épisode ultime, raconté dans le #60 d’Aquaman. Et ce ne sont ni Batman, ni Green Lantern, (# 61), ni le méchant Tsunami (# 62), simples faire valoir, qui régleront le souci principal préoccupant alors l’ex-roi. Même Océan Master, dans un contexte lourd, passe pour un empêcheur de tourner en rond guignolesque. Seul Aqualad, en paix avec lui-même, va désormais sans doute pouvoir apporter un peu de réconfort au couple meurtri.

On imagine qu’Aquaman, dans des années soixante-dix porteuses de pas mal de bouleversements scénaristiques, n’a pas échappé à la règle des rebondissements événementiels, mais la multitude des personnages sans grande envergure en présence dans ces épisodes ne permet pas de tenir là un arc des plus efficaces, même s’il reste essentiel pour les amateurs. Sans doute la multiplicité des auteurs concernés (Steve Skeates, puis Paul Levitz, Gerry Conway, Martin Pasko, puis enfin Paul Kupperberg pour les Tie in « Aqualad » et « Mera ») est-elle responsable du constat, même si David Micheline ressort parmi ses pairs, proposant le ton le plus adulte et le plus moderne, Paul Levitz arrivant juste derrière.

En ce qui concerne les dessins, si Jim Aparo totalise 15 épisodes et peut être considéré dés lors comme le principal
« pourvoyeur » de l’apparence du héros et des ambiances inhérentes à ces aventures, avec un un dessin des plus agréables, on notera les passages de Mike Grell (AC # 435-437), mais aussi Carl Pots et Dick Giordano, pour des épisodes d’Aqualad développant un petit côté Al Williamson pas inintéressant, Juan Ortiz et Vince Coletta pour les épisodes consacrés à Mera (superbe encrage et gros plans du plus bel effet), tandis que Don Newton et Bob Mcleod (# 61-62), ce dernier relayé par Dave Hunt (#63), concluent l’arc.

Toute réserve émise sur les quelques défauts scénaristiques pointés, ce recueil patrimonial bien réalisé, traduit par Maxime le Dain et Laurent Queyssi, comblant une lacune dans la bibliographie actuelle du héros, doit être abordé comme un élément essentiel à la compréhension plus complète du personnage d’Aquaman. Un avant propos, les bios des auteurs et toutes les couvertures, pleine page, complètent un volume aux planches couleur directe dégageant une touche vintage des plus délicieuses.

Franck GUIGUE

 

 

« Aquaman : La Mort du prince » par Steve Skeates, Paul Levitz, David Micheline, et Jim Aparo…
Éditions Urban comics (28 €) – ISBN : 9791026818748

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