Deux ans après la publication remarquée en 2022 du premier opus de « 1629 : l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta » (1), voici la seconde partie : laquelle devrait combler ceux qui se sont passionnés pour ce formidable thriller maritime. Un huis clos éprouvant — inspiré aux auteurs par une histoire vraie déjà adaptée en BD par Jean-Denis Pendanx et Christophe Dabitch (2) — qui renoue avec les grandes séries d’aventures exotiques…
Lire la suite...Les mémoires incroyables et en couleur de la vie fantastique de Stan Lee…
Mis à part une biographie (« Stan Lee, Homère du XXeme siècle » de Jean Marc Lainé, Moutons électriques 2013) et la récente anthologie « Je suis Stan Lee » (Panini éditions 2018) contenant quelques pages de rédactionnel, peu d’hommages consacrés au géant de la maison aux idées étaient disponibles jusqu’à présent en français sous forme de livres. Cette autobiographie en bande dessinée, d’une maison d’édition peu commune, offre une opportunité rafraîchissante de se (re) plonger dans la vie étonnante d’une figure incontournable du médium comics.
Bel album cartonné format comics (what else ?) de 192 pages, aux couleurs néanmoins un peu enfantines,
« Les mémoires… de Stan Lee » donne le ton dès sa couverture : le créateur, mort à (presque) 96 ans, apparaît dans toute sa superbe et dans un mouvement hyper dynamique, nous présentant, telles des cartes d’un jeu qu’il aurait lancées, une myriade de ses personnages…On le comprend, l’objet du livre risque de ne pas faire dans la sobriété mais connaissant un peu le personnage, et l’histoire étant imposante (78 ans de carrière tout de même, monsieur Lieber ayant commencé comme assistant en 1939 à l’âge de 17 ans chez Timely comics), la lecture s’impose, malgré une entrée en scène très théâtrale, presque circassienne…
L’histoire débute en effet devant un parterre de fans lors d’une convention, où le créateur se met en scène. Celui-ci, « brisant le quatrième mur », s’adresse à nous, lecteurs, et déroule sa vie. Parfois par le biais d’une voix off, mais le plus souvent directement, soit par le truchement de son identité de 2015, date à laquelle le comics original à été publié chez Pow Entertainment (Purveyors of Wonder), la structure qu’il a monté en 2001, soit par le biais de son identité des différentes époques traversées, au fil de sa longue carrière. Un moyen plutôt fluide et ne manquant pas de rythme, pour lequel l’humour est souvent convoqué, personnage truculent oblige, sauf lors de l’annonce du décès prématuré de sa seconde fille, Jan, en 1953.
Peter David, co auteur et scénariste, reconnu depuis les années quatre-vingt pour ses récits sur les licences « Incredible Hulk », « Aquaman » …etc, a aussi été responsable des ventes chez Marvel et a eu l’occasion de rencontrer Stan Lee à de nombreuses reprises. On ressent cette proximité, et cela était sans doute nécessaire. Si le point de vue évidemment unilatéral (ce sont des mémoires) risque de désemparer un peu les lecteurs qui auraient peut-être souhaité davantage d’équilibre dans les points de vue, précisons que Stan Lee fait preuve dans son récit de pas mal de retenue et de mea culpa, sur la plupart des sujets polémiques bien connus (le départ de Jack Kirby et Joe Simon, qui l’avait accueilli à son arrivée, pour DC, entre autre). Peut-être manque t-il un peu d’objectivité pour évoquer celui de Steve Ditko, mais on prend pleinement conscience cela dit de son potentiel personnel, et sa vision nous donne à (ré)évaluer positivement son apport au médium. Pour toutes celles et ceux un peu familiers avec la vie de ce créateur incontournable, chacun retrouvera les moments clés des premiers pas des principaux héros de la grande famille Marvel, au préalable Timely comics puis Atlas, et bien d’autres choses encore. L‘avènement réussi des adaptations cinématographiques d’envergure dans les années deux-mille en est une, tout comme la création plus tardive de licences moins connues du grand public, telles « The Traveller », « Soldier Zero » ou Starborn » (Boom studios/Emmanuel Proust 2011), mais encore, qui l’eut cru : ses histoires pour…DC !
Cependant, nombreux sont les passages, soit personnels de l’auteur, les petites anecdotes, et d’autres moments historiques moins évidents, rendant la lecture particulièrement savoureuse. On pensera entre autre à l’hommage (tardif ?) que rend Stan à son frère Larry Lieber, scénariste resté dans son ombre, ou celui à sa femme, autrice aussi, ou bien encore l’épisode incroyable avec le groupe Kiss, et de manière plus générale, son intelligence à faire passer ses idées, progressistes pour l’époque.
Avoir eu l’idée de mettre le plus grand créateur de super héros, lui-même dans la peau d’un personnage de comics, reste l’un des principaux attraits de ces mémoires dessinées. On imagine que Stan Lee a, d’ailleurs, du beaucoup s’amuser à les écrire, et à les lire.
Colleen Doran, dessinatrice connue pour ses participations au « Sandman » de Neil Gaiman (1989), « Ghost » (1998), ou celles, plus récentes à « Faith » (Bliss comics) ou « Vampirella » (Harris publications), mais aussi créatrice de sa propre série « Distant Soil » (1987, inédit en français), délivre un dessin ici rapide, au style plutôt humour (on dira « gros nez » en France), qui se prête généralement à ce genre de biopics où le but n’est pas tant de réaliser un beau dessin que de soutenir au mieux un propos didactique. A cet égard, les couleurs informatiques de Bill Farmer restent aussi dans cet esprit de « neutralité ». Cependant, les nombreuses reproductions pleine page de couvertures de comics créés par Stan Lee et Jack Kirby, Steve Ditko, Jim Steranko, John Byrne, ou Barry Windsor Smith, parmi d’autres, sont traitées dans un style graphique plus raffiné, que l’on savoure telles des cerises sur un gâteau.
« Les mémoires incroyables de… Stan Lee » se lisent avec plaisir et intérêt. Fun et plein d’humour, mais surtout remplis d’anecdotes et de repères créatifs historiques, c’est un petite référence culturelle qui se cache sous un produit d’entertainment. Il s’adresse autant aux amateurs du créateur, qu’à ceux souhaitant en savoir plus sur le contexte de création des plus grands super-héros Marvel. Il ne remplace pas, cela dit, une réelle biographie. Well done Stan, anyway !
Franck GUIGUE
Et pour pour les spécialistes qui en veulent toujours plus, notons, en dehors des références biographiques déjà citées en début d’article, la parution en janvier (en anglais) du numéro 75 de la revue The Jack Kirby Collector :
« Stuff Said » (jeu de mot avec le « Enough Said » familier de Stan Lee).
Une référence qui aborde mois pas mois les collaborations des auteurs de la grande époque, liés à Stan Lee.
« Kirby & Lee: Stuf’ Said!: The complex genesis of the Marvel Universe, in its creators own words » (John Morrow, John B. Cooke…Two Morrows publishing).
« Les mémoires incroyables de la vie fantastique de Stan Lee » par Peter David et Colleen Doran.
Éditions Talent éditions (19,90 €) – ISBN : 978-2-37815-04-8
Feuiletté hier chez un libraire parisien sympa. Hum, le livre regorge d’anecdotes inédites qui rendent le personnage de Smiling Stan un peu moins antipathique et arriviste qu’auparavant.
Mais quand vous écrivez « un dessin ici rapide, au style plutôt humour (on dira « gros nez » en France), qui se prête généralement à ce genre de biopics où le but n’est pas tant de réaliser un beau dessin que de soutenir au mieux un propos didactique. A cet égard, les couleurs informatiques de Bill Farmer restent aussi dans cet esprit de « neutralité « , il me semble que vous reconnaissez de façon élégante que le dessin et les couleurs sont plutôt moches, non?
Chacun pourra apprécier à l’aune des images publiées