Même quand on est adulte, on aime lire les albums jeunesse scénarisés par Loïc Clément. Le récit est toujours surprenant, avec de l’action ou des thématiques traitées toujours profondes et intéressantes… Et pour agréger actions, personnages attachants et émotions, le scénariste n’oublie jamais d’ajouter une bonne dose d’humour. On retrouve tous ces ingrédients dans « Les Larmes du yôkaï » : une enquête policière amusée et amusante dans un Japon médiéval revisité.
Lire la suite...« Les Clés de la bande dessinée » ou la bible de l’apprenti auteur, en un seul volume enrichi…
Les éditions Delcourt proposent dans un beau et épais volume broché refondu l’intégrale des trois ouvrages didactiques de Will Eisner précédemment publiés entre 2009 et 2011. Un indispensable pour toute personne souhaitant découvrir le processus de création d’une bande dessinée.
Will Eisner est un maître. Au sens propre comme au figuré. Car il a, depuis la fin des années trente, début de sa carrière dans la bande dessinée, non seulement créé des Å“uvres ayant marqué le médium, (la série du Spirit, « Un Bail avec Dieu », la trilogie sur New York…etc.), mais il a aussi, dans la seconde partie de sa carrière, au milieu des années soixante-dix, enseigné à la Visual School of Art de New York. Cette école, fondée entre autre par le grand Burne Hogarth (dessinateur magique de « Tarzan ») en 1947, a donné l’occasion à l’auteur du créateur de Denis Colt, son héros masqué, de rédiger des articles méthodes, objets de chapitres écrits au long cours, inclus dans la revue le Spirit magazine (Warren puis Kichen Sink Press, de 1974 à 1983).
Non pas que la bande dessinée manquait de livres théoriques à l’époque, mais ceux-ci étaient essentiellement axés sur les cours d’anatomie. Lui souhaitait développer et expliquer l’aspect narratif, séquentiel de cet art si particulier et riche à son sens. Ainsi, en 1985, paru le premier volume de « Comics and Sequential Arts » chez Poorhouse Press, une structure créée par Eisner lui-même. Augmenté en 1990, il fut suivi par un second tome en 1996 : « Graphic Storytelling and Visual Narrative ». Deux livres qui furent très remarqués aux Etats Unis et qui connurent une première édition française chez Vertige graphic en 1996 et 1998 avant d’être proposés sous la forme de trois volumes séparés en chapitres rééquilibrés, chez Delcourt en 2009, 2010 et 2011. (Ouvrages chroniqués en leur temps sur BDzoom, ici : http://bdzoom.com/33661/comic-books/comic-book-hebdo-les-cles-de-la-bande-dessinee-t3-par-will-eisner/). Mais même si ces superbes ouvrages furent considérés dés leur traduction comme des références, un jeune auteur leur vola quelque peu la vedette en 1993, en publiant un ouvrage encore plus étonnant, puis qu’entièrement réalisé en bande dessinée : « L’Art invisible » (Scott Mc Cloud, 1999 Vertige Graphic). Un exercice de style, qui, s’il est tout à fait remarquable, ne doit pas faire oublier la valeur pédagogique essentielle des ouvrages de son aîné.
Ce gros recueil rassemble donc aujourd’hui les trois volumes édités il y a dix ans, mais enrichis, réactualisés, et bénéficiant de scans des Å“uvres originales de l’auteur, très nombreuses, ou des meilleurs sources lorsqu’il s’agit d’autres auteurs, afin de rendre cette édition non seulement définitive dans la forme mais aussi évolutive, comme le souhaitait Will Eisner. Car il était important pour lui que cette pédagogie apportée à la bande dessinée puisse être au diapason des techniques modernes, d’où, entre autre, une amélioration du chapitre consacré aux techniques numériques, mais aussi la révision de certains textes qui auraient pu être jugés anachroniques. Les aides de James Stum, du centre d’étude de la bande dessinée, pour de nouvelles notes, ou de Gary Chaloner (collaborateur d’Eisner sur « John Law ») ont été essentielles, sans citer les maquettistes réalisant un travail de refonte.
C’est ainsi que l’on parcourt le livre, à l’aide d’un signet tissé bienvenu, en découvrant ce qu’est l’Art séquentiel, puis en abordant (second chapitre) la narration, avant de terminer sur les personnages, partie essentiellement axée sur l’aspect anatomique de l’apprentissage, mais aussi la position des corps dans l’espace (le langage des gestes, la communication physique, l’expressivité, les émotions…). Un chapitre presque exclusivement illustré-explicité par des planches croquis ou dessins de Will Eisner, tandis que les deux premiers chapitres en proposent en complément quelques autres, d’auteurs « amis », parfois plus modernes.
C’est ce que l’on pourra dés lors reprocher un peu à ce pavé : son accent très (trop) Eisnerien, qui pourrait déplaire à certains, lui préférant, on l’imagine, une approche plus…« neutre » ? Que l’on ne s’y trompe pas cependant, « Les clés de la bande dessinée », s’il peut paraître rébarbatif, au premier abord, pour un jeune amateur ou une jeune amatrice, féru de Manga, par exemple, qui préférerait avoir entre les mains un ouvrage moins épais expliquant comment dessiner un de ses personnages favoris, doit être pris comme l’ouvrage pédagogique de base qu’il est, et qu’il souhaitait être dès sa création : un outil universel, enseignant les bases du médium, en comptant sur la faculté du lecteur à lire, justement, quel que soit le profit que l’on souhaite en faire ensuite.
Les années quatre-vingt ont eu leur « Duc » (« L’Art de la BD », deux tomes chez Glénat en 1981 et 1983, par Bernard Duc), et les années deux-mille leur « Lainé », (cinq manuels proposés par Jean Marc Lainé chez Eyrolles entre 2007 et 2009), ainsi que diverses publications spécifiques sur la création de personnage mangas. Si ces derniers guides ont néanmoins permis de profiter d’une approche pédagogique quelque peu « francisée » ou très modernisée, dira t-on, par rapport à l’ouvrage de Will Eisner (1), ces « Clés » restent bien, quant à elles, une référence essentielle permettant de franchir les portes d’une création ouverte sur le monde. Elles peuvent aussi être considérées, grâce à ses nombreux crayonnés et divers extraits d’œuvres, comme une opportunité originale de découvrir l’univers de Will Eisner, un des plus grands créateur de la bande dessinée moderne. Quoi qu’il en soit : un maître étalon du neuvième art.
Franck GUIGUE
(1) La plupart, méritant le détour, sont d’ailleurs citées dans une bibliographie importante à la fin du recueil, en plus d’une biographie de l’auteur. Ce qui montre l’ouverture de l’ouvrage, et son sérieux.
A noter que les entretiens de Will Eisner avec ses amis auteurs, ayant été publiés pour l’essentiel dans la revue Will Eisner’s Quarterly par Kitchen Sink Press dans les années quatre-vingt, a fait l’objet d’un livre : « Shop Talk », qui n’a à ce jour malheureusement, pas fait l’objet d’un édition française, même si l’on a pu se régaler d’un volume consacré aux discussions avec Frank Miller, et qu’une traduction était envisagée par les éditions Toth.
Images : © & TM 2019 The Estate of Will Eisner. Tous droits réservés. © 2019 Éditions Delcourt pour la version française
« Les Clés de la Bande dessinée : intégrale » par Will Eisner
Éditions Delcourt (39,95 €) – ISBN : 9782413016786
J’espère que la traduction a été revue, parce que l’édition précédente était pénible à lire. Le texte était écrit dans un style particulièrement rebutant.
Par ailleurs, il faut prévenir le lecteur que ce livre n’est pas du tout un manuel de bande dessinée. On n’y apprend pas comment dessiner. Il s’agit plus d’un ouvrage expliquant les aspects techniques et la philosophie créative de Will Eisner et de quelques autres auteurs qu’il apprécient.
Concernant les entretiens avec Miller, là aussi, il y avait un problème de traduction. Le texte français collait trop au style parlé américain, ce qui le rendait parfois bizarre à lire, pas du tout naturel avec une écriture plutôt relâchée.
Si l’on veut c’était l’inverse des Clés de la BD, dont le style était trop travaillé.
C’est surtout que l’un des traducteurs ne connaissait pas les termes de la BD.
Splash page était devenu « page avec éclats de couleur »
Incroyable! Et c’est un éditeur pro qui avait publié cette traduction inadaptée? j’espère pour lui qu’il parle mieux japonais qu’anglais!!
A quand une édition valabe du spirit.
Les meilleures éditions du Spirit en français restent pour moi celles d’Albin Michel/Special USA, datées années quatre-vingt, avec leur superbes couvertures et leurs planches couleurs. Néanmoins, à l’image d’autres grands classiques des années quarante-cinquante, ces séries au long cours, si on doit les éditer dans leur totalité, représentent un tel investissement qu’il est difficile d’espérer amortir l’intégralité d’une colelction à plus de quelques centaines d’exemplaires. Dés lors, qui voudrait se lancer dans telle aventure en France ? Il faudrait choisir subjectivement des périodes, ou des épisodes, ce qui serait immanquablement critiqué… Bref, autant les lire en version originale. Ils sont régulièrement édités de belle manière aux Etats-Unis.
Humanos, Albin Michel, Vents d’Ouest: je ressors ma vieille collection en te lisant (… ça sert à ça aussi BDZoom … ) … Aucune édition n’est satisfaisante … Pour moi il faudrait une édition en livres épais en noir et blanc sur papier glacé (genre DMZ)… Et je pense que ce serait un succès… Le spirit n’a pas vieilli du tout!
Les Archives du spirit publiees par DC aux USA il y a quelques annees sont magnifiques mais c’est 25 volumes a 50 dollars piece. A part moi, je ne connais aucun cingle qui investirait autant de pepettes. Et jamais je n’acheterais une version francaise, meme traduite par votre serviteur.
Comme le dit Franck, les volumes Albin Michel sont bien suffisants pour 80% des lesteurs hexagonaux.
Oui, et on peut même préciser : Neptune, pour être exact, car les Albin Michel/Special USA sont plus tardifs, mais bon, on dirait : monsieur Fershid Bharucha, ca serait pas plus mal
Si l’on doit se contenter des versions françaises, la collection des Spirrit est diversifiée, puisqu’il parut chez divers éditeurs, et même dans les pages de Tintin l’hebdoptimiste (quel slogan de crétins).
Je verrai bien une version française de ces livres DC chez Cornelius, qui fait d’habitude de la belle ouvrage. Ou alors aux Rêveurs de runes, déjà remarqués sur leur travail sur Krazy Kat. Sans oublier Barbier et Mathon qui avaient déjà publié un beau Terry and the Pirats!
L’amateur de (white) Spirit capable de lire ou comprendre l’anglais aura plus de chance. Il lui suffit de se payer les revues de rééditions consacrées au Spirit, notamment chez Kitchen Sink (et non stinks)
Il y a de quoi faire c’est sûr…mais dire que c’est viable économiquement est une autre chose… « Stinks » n’est effectivement pas gentil ce mot se trouve où ?
C’est ce qu’on appelle un jeux de mots laids, je crois!
rébarbatif, pas roboratif
Merci Denis. Comme quoi, pouvoir sortir de sa tombe donne parfois des pouvoirs de correction bien meilleurs que de simples lunette pour la presbytie.