France profonde et melting-pot !

Près d’Angers, un village accepte de rénover une vieille chapelle pour accueillir quelques migrants. C’est le tollé. Dans le petit village d’Anjou, comme dans certains villages gaulois, certains sont bien décidés à résister à l’envahisseur mais, heureusement, pas tout le monde. C’est ce que raconte avec finesse et intérêt « Village global »…

Tout commence par une affiche apposée sur les murs de la mairie où le Maire annonce une réunion publique sur l’ouverture de « logements à Mazé pour l’accueil de demandeurs d’asile » décidée par la Préfecture. Très vite, les « anti » montent au créneau. Si d’autres ont des valeurs en matière d’entraide, les plus virulents, eux, entendent bien ne pas les laisser faire.  Pour 4 migrants contre 5000 habitants, l’entente cordiale villageoise et traditionnelle se lézarde…

Lorsque Salomé rend visite à son grand-père, elle découvre un papy réfractaire, imaginant déjà « l’insécurité, le bruit, la violence ». Aristide s’est même associé au GRINC, le Groupe de Résistance à l’Invasion de Nos Campagnes, que certains appelleront bientôt les « Grincheux ». Leur haine les pousse à se constituer en groupe d’auto-défense, par ignorance et par racisme. Salomé tombe des nues ! Salomé a heureusement l’esprit ouvert et va amener son grand-père à réfléchir et à observer, notamment la population qui l’entoure : Olek, son ami polonais avec lequel il va à la pêche ; Mrs Smith, qui a racheté et retapé une vieille ferme ; le manouche qui vend ses paniers depuis longtemps au village ;  Mamadou, qu’il dépanne par hasard (car Aristide est un ancien électricien) ; Genesio, fils d’immigrés catalans et pourtant un des plus durs envers les nouveaux arrivants…

Au fil des rencontres, Aristide calme ses humeurs, assagit ses positions et comprend qu’il n’y a pas pas péril en la demeure. Le vrai peril, c’est l’intolérance et ne pas chercher à comprendre les parcours des uns et des autres. En pages doubles très réussies, les auteurs retracent ainsi ce qu’ont vécu et subi  certains d’entre eux pour arriver là, qu’ils soient polonais, manouche, malien, érythréen, catalan, congolais, anglaise… sans parler d’un vietnamien, d’un bulgare, d’un portugais ou d’une marocaine également présents. Mazé est incontestablement comme la Terre entière, un « village global » (McLuhan, auteur de la notion, renvoyait aux effets de la mondialisation, notamment des médias et des technologies de l’information et de la communication).

L’album distille également des informations essentielles pour dénoncer les affirmations erronées coutumières sur le nombre d’immigrés arrivant chaque année ou l’indemnité de 6,80 par jour pour les aider. Damien Geoffroy a vécu de l’intérieur cette histoire puisque Mazé où il est installé existe bel et bien. Quant à son acolyte sur le projet, David Lessault, chargé de recherches au CNRD sur les « mobilités spatiales », il maitrise parfaitement le sujet.

Cet album est aussi l’occasion de découvrir « Les Nuisibles », chronique sociale  signée Piero Macola et parue en février chez Futuropolis. Les « nuisibles », c’est ainsi qu’on traite en Italie ces travailleurs venus travailler (et se faire lamentablement exploiter) sur des chantiers dangereux, logés qui plus est dans des conditions lamentables…

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

 « Village global » par Damien Geffroy et David Lessault

Éditions Steinkis  (20 €) – ISBN : 978-2-3684-6181-5

 

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