Lancé avec la promesse de proposer aux lecteurs amateurs du genre une longue saga familiale, « Les Damnés de l’or brun » ambitionne d’évoquer l’histoire de l’industrie du chocolat de ses origines à nos jours. Ce troisième ouvrage, consacré à l’année 1878, est, hélas !, le dernier. Pour les amateurs de cette série classique, voilà une conclusion un peu décevante, au goût aussi amer que celui du chocolat. Adieu Rosa Dumont, Marc Loiseau, Alain Swijsen, Christian Dallier, Stephen Wayne et bien d’autres descendants de Maria Da Silva et de Tiago Da Costa Socrates présentés dès le premier album dans l’imposant arbre généalogique publié en guise de pages de garde…
Lire la suite...Le beau western réaliste a ses codes : ici, c’est Rouge !

Le genre western réaliste et fidèle aux codes bien installés, car efficaces, plaît toujours quand la qualité est au rendez-vous. Ce tome 1 se place d’emblée à un haut niveau dans cette tradition prestigieuse devenue classique. Dans cette histoire de fort contre faible, de cupidité et de secrets, ses personnages bien campés et crédibles évoluent dans un univers graphique élégant, riche d’authenticité et d’émotion.

Pour une rapide idée de l'album : sa 4e de couverture, belle case restituée en pleine page, en résume l'ambiance ample et forte, menaçante, dans les paysages du Colorado.
Sous de lourds nuages annonciateurs, la famille Cotten, jeunes éleveurs désargentés aux parents disparus, surveillent leurs bovins « Longhorns » dans leur pâture. La nuit suivante, sous une pluie torrentielle, un fugitif échappe à ses poursuivants, en abat deux, mais est gravement touché. La rivière en crue empêche de le retrouver, mort ou vivant. Les bêtes des Cotten, affolées par la tempête et la foudre, se heurtent aux clôtures que le puissant voisin a multipliées et beaucoup en meurent. Le jeune Wayne Cotten, sa sœur Katherine, et leur vieil employé Garth, en constatant les énormes dégâts, tombent sur le corps du fugitif, faible, mais en vie. Le vieux Wallace, riche propriétaire qui dirige son clan d’une main de fer et à la haine implacable contre ses voisins petits propriétaires, voit enfin l’occasion de les obliger à vendre.
Recueilli et soigné au ranch Cotten par Katherine, le mystérieux blessé nommé Craig Bellamy révèle très peu de son passé qui semble lourd et violent. Les fils Wallace viennent menacer les Cotten jusqu’à leur ranch. Et Wallace continue à pousser son avantage : corruption d’un juge pour un châtiment cruellement exemplaire sous prétexte d’un vol de bétail, proposition d’achat des terres par intimidation. Graig sympathise avec ses hôtes et évoque son passé de Gunfighter, homme de main à la gâchette sûre. Il se met aux côtés des Cotten dans leur résistance inégale. Les affrontements mortels sont inéluctables…
Dans la lignée d’un renouveau du western de qualité en BD depuis le début des années 2000 (avec « Bouncer », « O’Boys », « Undertaker », puis « La venin », « Louisiana », entre autres), « Gunfighter » offre au lecteur une histoire prenante, utilisant les codes avec brio, à la façon « classique » décidément utile à sa réussite. Le dessinateur Michel Rouge, héritier de Jean Giraud pour qui il a travaillé, a une forte expérience du genre (« Comanche », « Marshall Blueberry » T3), comme ses collègues réalistes et très doués de la même génération tels que Franz, Faure ou Rossi. Avouons qu’il surprend en revenant au western, après 17 ans, à un niveau plus haut encore, qu’il n’avait jamais atteint.
Les personnages de « Gunfighter » existent et le scénario bien construit de Bec délivre quelques messages sur les puissants et le droit, la peine de mort. La mise en scène nous donne à voir les amples paysages du Colorado ainsi que les intérieurs et les visages de façon très élégante, soignée, parfois spectaculaire ou contemplative. Des clins d’œil à quelques personnages de BD franco-belge sont à repérer. Sur fond de secrets, de vengeance et de chasse à l’homme, ce premier tome est exquis et passionnant, et le lecteur a hâte de connaître le passé, les ressorts, et le futur de ces personnages dans les suivants. Les couleurs de son fils, le très talentueux Corentin Rouge, n’y sont pas pour rien.
Avec Rouge au sommet, qui livre son album western le plus abouti, on attend la suite à ce niveau.
« Gunfighter » T1 par Michel Rouge et Christophe Bec
Éditions Glénat (14,50 €) – ISBN : 978-2-344-01011-2
superbe album !
A savourer, pour le dessin comme pour le scénario…