Ayant envie d’une bande dessinée où il pourrait parler du rugby de son enfance dans le Sud-Ouest et qui soit dans la lignée de son « Magasin général » réalisé avec Régis Loisel — évocation du quotidien des habitants d’un petit village qui nous a transmis tant de baume au cœur ! —, Jean-Louis Tripp a proposé à Aude Mermilliod de la coécrire avec lui. Le triptyque « Les Vents ovales » est le résultat de cette belle collaboration et nous plonge, avec délices, dans la ruralité française des Trente Glorieuses. C’est une magnifique fresque humaine et sociale aux personnages attachants, à la fois drôle et émouvante, où le rôle des femmes est largement mis en avant : notamment dans ce premier tome de 120 pages dessinées avec talent par Horne, dont le trait précis et rigoureux s’adapte parfaitement à l’esprit aussi profond que léger du propos.
Lire la suite...Comment rater sa vie en la réussissant !
« Ballade pour Sophie », signée des Portugais Juan Cavia et Filipe Melo, est un titre qu’on ne comprend qu’au bout des 300 pages d’une passionnante et curieuse histoire à tiroirs qui prouve qu’on peut rater sa vie en la réussissant. Ainsi en est-il du héros qui rêvait de faire carrière de pianiste classique et qui, sous la pression des événements, est finalement devenu artiste de variété à succès. Il y a pire, c’est vrai, mais c’est tout le drame de Julien dont la vie s’est réorientée dès 1933, lors d’un concours où deux jeunes pianistes de dix ans participent à la compétition : lui, Julien Dubois, et Frédéric Simon…
C’est Julien Dubois que vient voir, en 1997, la jeune journaliste Adeline Jourdain. Dubois n’est pourtant pas du genre à accepter les interviews. Il est vieux, bougon, désagréable. Pourtant la jeune femme va se faire accepter, le faire parler et l’amener à raconter sa vie pleine de secrets, de terribles secrets ! Cela a commencé lors de ce concours local. Si Julien est né dans une famille fortunée, Frédéric Simon, lui, son concurrent, est le fils d’un technicien employé dans un théâtre, un gamin autodidacte et génial qui, ce jour-là, aurait dû gagner le concours…
Peu à peu, les confessions s’accumulent. Julien Dubois règle ses comptes avec son passé et avec ceux qui l’ont manipulé, notamment avec ce professeur de piano, ami de sa mère – sacrée matrone ! -. C’est cet homme dont julien n’a retenu que le faciès de bouc (extraordinairement dessiné comme tel tout au long du récit) qui le pousse à jouer des partitions lénifiantes pour rencontrer le succès.
Au terme de l’album, l’image de Julien Dubois a complètement changé, le récit distillant, chapitre après chapitre, son lot de révélations qui explique comment Julien Dubois est devenue la vedette Éric Bonjour, pianiste enchainant les tubes. Entrainé dans la spirale du succès, Julien Dubois n’oublie pourtant jamais Frédéric Simon qui, lui, n’a pas eu la carrière qu’il méritait. Tout les a continuellement opposés, leurs routes se recroisant régulièrement. Le bilan est terrible : une vie réussie est quelquefois totalement ratée ; une vie ratée cache parfois mille réussites… Qui a gagné dans l’affaire ? Qui s’en sort grandi ?
Cette histoire romanesque et forte, touchante et troublante, toujours captivante, est qui plus est portée par un trait anguleux éblouissant, saisissant les visages, les mimiques, avec une incroyable efficacité. La couleur est également particulièrement séduisante. C’est un plaisir visuel constant que de vaquer dans la vie de ces personnages. Bref, c’est là un magnifique album pour commencer l’année…
Didier QUELLA-GUYOT ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Ballade pour Sophie » par Juan Cavia et Filipe Melo
Éditions Paquet (27 €) – EAN : 9782889369874
Un peu onéreux mais 300 pages de bonne bande dessinée comme vous le dites apparemment et en histoire complète sont assez tentants…