La poétesse américaine Emily Dickinson (1830-1886) est manifestement intrigante. Elle n’a été reconnue comme écrivaine qu’après sa mort, sa sœur découvrant alors 1 775 poèmes qu’elle avait écrits. Cette femme de bonne famille, solitaire, indépendante, insoumise et passionnée par les mots l’était aussi par les plantes et le monde sensible qui l’entourait, comme le montre joliment « Le Jardin d’Emily » de Lydia Corry.
Lire la suite...« 421 : L’Intégrale T2 » : quand le monde ne suffit pas…
Imaginé par Stephen Desberg et Éric Maltaite, l’agent britannique Jimmy Plant (autrement dit, 421) effectue sa première mission dans le journal de Spirou le 3 janvier 1980. Presque quatre décennies plus tard, il connaît en octobre 2016 les joies d’une intégrale, dont le premier volume fut déclassifié par nos soins… « Rien que pour vos yeux ! » Longtemps attendu, ce deuxième tome embrasse les tomes 3 à 6 de la saga, initialement parus chez Dupuis entre 1986 et 1998. S’éloignant de la parodie des récits d’espionnage, les aventures de 421 vont alors évoquer des sujets plus sensibles (la fin de vie, les valeurs et causes à défendre), conjugués aux ressorts d’une actualité brûlante (crise des euromissiles, guerre civile en Angola, dictature communiste). Cette période internationale est de nouveau commentée par notre confrère d’ActuaBD, Didier Pasamonik, dans un instructif dossier documentaire.
« Mourir peut attendre », titre du 25e opus de « James Bond », ultime incarnation de 007 par Daniel Craig et film de Cary Joji Fukunaga extrêmement attendu (sortie nationale le 6 octobre prochain), fait un savoureux clin d’œil au scénario du troisième tome de « 421 » : « Suicides » (janvier 1986), qui inaugure donc cette deuxième intégrale (voir notre chronique concernant le premier volume intégrale), voit en effet son héros enquêter sur une sombre série de disparitions un peu trop assistées en Jamaïque. Oscillant entre politiquement incorrect et dénonciation du trafic de cadavres (ou d’êtres vivants…) à des fins expérimentales, l’album fut prépublié (sans amputation ni lobotomie !) dans les numéros 2412-2415 de Spirou, du 5 au 26 juillet 1984. Un an plus tard, dans Spirou n° 2471 à 2474 (20 août au 10 septembre 1985), 421 rempile dans « Dans l’empire du milieu », futur tome 4 de la série (avril 1987). Cette fois-ci, le scénario et les rebondissements s’épaississent, tout au long d’un redoutable rallye automobile au cœur de la Chine ; à la fois pilote et espion, 421 lutte contre des agents communistes pour récupérer un appareillage électronique capable de détecter les envois de missiles. Pour ce qui demeure l’un des meilleurs titres de la saga, Maltaite concocte des planches fourmillant de décors (des bas-fonds de Hong-Kong à la muraille de Chine), de personnages (concurrents ou femmes fatales) et – bien sûr – de véhicules, la Peugeot 205 Turbo 16 utilisée par le Finlandais Timo Salonen étant alors la référence.
Au-delà de ces primes et dynamiques missions, « 421 » allait franchir une notable étape dans les années suivantes avec le remarquable diptyque composé de « Scotch Malaria » (T5, Dupuis, septembre 1987) et « Les Enfants de la porte » (T6, Dupuis, janvier 1988). Respectivement prépubliés dans Spirou, du 1er au 22 juillet 1986 (numéros 2516 à 2519) et du 17 mars au 14 avril 1987 (numéros 2553 à 2557), cette aventure au long cours conduit Jimmy Plant à s’interroger plus avant sur le bien-fondé de sa mission. Chargé d’entraîner en Libye un groupe de mercenaires (in)dignes des « Douze Salopards » (R. Aldrich, 1967 ; groupe de durs à cuire par ailleurs réduit à cinq par Cauvin et Lambil en janvier 1984 (cf. « Les Tuniques bleues T21 »), doit la jouer fine pour ramener en Angleterre la géologue Diane McNamara, kidnappée dans la jungle camerounaise. Coups d’éclat, coups de poings et coups fourrés ne manqueront pas, chaque protagoniste ayant son caractère ou un passif aussi lourd que le dossier concernant l’assassinat de JFK !
En guise de MacGuffin : une étrange plaquette métallique, recouverte d’une série de chiffres énigmatiques… Les mystères seront éclaircis dans « Les Enfants de la porte », album qui n’hésite pas à plonger dans la science-fiction et l’uchronie pour mieux surprendre le lecteur. Le tout en cette année 1987 où, à l’écran, James Bond revenait (sous les traits de Timothy Dalton) dans « Tuer n’est pas jouer » (film sorti en septembre en France), dans une version plus dure et plus réaliste que sous l’ère Roger Moore. Songeant à la temporalité, les scénaristes imaginèrent un moment faire de ce 15e film uns sorte de préquelle à la célèbre saga. L’idée ne sera finalement reprise qu’avec « Casino Royale » en 2006. En jouant également avec l’Histoire (l’Ancien Régime à toujours cours et la Révolution industrielle ne s’est jamais produite en Angleterre) et les codes scénaristiques conventionnels, Desberg innovait partiellement (« Valérian et Laureline » étant déjà maîtres du sujet…), évoquant au passage et avec humour les paradoxes liés aux voyages temporels. Sans constituer un antépisode à part entière pour « 421 », « Les Enfants de la porte » relançait la série sur une tonalité postmoderne relativement étonnante pour l’époque. Les épisodes suivants ne contrediraient pas cette vision… « 421 » Will (ou Maltaite…) Return !
Philippe TOMBLAINE
« 421 : L’Intégrale » T2 par Éric Maltaite et Stephen Desberg
Éditions Dupuis (24,95 €) – EAN : 978-2800161044
Bonjour, le graphisme me plait, reste plus qu’à voir le scénario. Mais est ce que les histoires sont indépendantes des unes des autres?
Merci
Bonjour,
Comme expliqué dans l’article, « Scotch Malaria » (T5) et « Les Enfants de la porte » (T6) se suivent, pour la première fois dans la série. Les précédents albums peuvent se lire de manière indépendante, voire dans le désordre, même si la chronologie de parution demeure toujours le meilleur choix possible.
Amicalement