Avec « Le Tombeau des chasseurs », le talentueux Victor Lepointe évoque la tragédie collective d’une bataille vosgienne en 1915 et, plus encore — par le regard de l’un d’eux, Victor Granet —, scrute l’intimité des sentiments de ces chasseurs alpins sacrifiés. Plongée dans la si mal nommée Der des ders…
Lire la suite...Une brigade de trois adolescents chasse des souvenirs anciens sans regrets…
Après « La Boîte à musique », « Dans les yeux de Lya » ou « Complots à Versailles », Carbone scénarise une nouvelle série jeunesse à succès : « La Brigade des souvenirs ». Avec le talent qu’on lui connait, elle réussit le tour de force de rendre crédible les recherches d’adolescents turbulents sur les secrets oubliés de familles qui ne sont pas les leurs. Une nouvelle série intrigante, didactique et avec ce qu’il faut de suspens pour intéresser jeunes, et moins jeunes, lecteurs.
Théo traine souvent avec Alban et sa sœur Tania. Ils forment une petite bande sympathique et intrépide qui aime découvrir les recoins cachés de la forêt avoisinante, de quoi faire courir leur chien Patrok.
Or, un beau matin celui-ci les entraine dans un grand bâtiment en ruine envahit par la végétation.
En voulant le récupérer, Alban tombe à travers un parquet vermoulu. Après avoir sauvé son ami, Tania découvre sous le plancher, une très vieille boite à biscuits, visiblement cachée là depuis des décennies.
Le trio ne découvre pas un lingot d’or en ouvrant la boîte mais une simple carte postale. Le texte en est toutefois énigmatique : c’est une déclaration d’amour désespérée d’une certaine Toinette à un incertain Ernest.
Entrainée par la survoltée Tania – les garçons auraient préféré continuer leur affrontement par jeu vidéo interposé -, la petite troupe entend retrouver les traces de ce couple aimant, mais séparé. Les premières recherches sont infructueuses, elles mènent à des impasses frustrantes.
Après avoir interrogé leur grand-mère et un instituteur retraité, ils sont orientés vers les archives départementales, et c’est dans cette vénérable institution qu’ils découvrent leur première piste sérieuse : le vieux bâtiment était une ancienne école qui a servi de dispensaire pendant la Première Guerre mondiale. Toinette y était infirmière et Ernest, son fiancé, sans doute un Poilu qui y a été soigné. Enfin un indice probant, mais ce n’est que le tout début d’une enquête qui les conduit à découvrir la vérité sur l’histoire d’amour malheureuse entre Toinette et Ernest et même à rencontrer leurs descendants.
Dans le deuxième volume de leurs aventures, Tania et ses acolytes ont pris goût aux enquêtes sur le passé d’inconnus. Tout débute cette fois-ci par l’achat dans une brocante d’un vieil appareil photo par leur ami sexagénaire Camille. Il contient une pellicule jamais encore développée.
Sur le tirage de ses photographies, reprend vie le monde d’un jeune garçon des années 1960-1970. À partir de la plaque d’immatriculation d’une Renault 16, entrevue sur une photo, ils remontent la piste des souvenirs d’un Réunionnais qui a quitté son île de l’Océan indien pour de sombres raisons.
La rencontre entre la brigade des souvenirs et le déraciné devenu adulte sera forcément émouvante.
Dans cette rubrique, nous vous entretenons régulièrement des bandes dessinées jeunesse scénarisées par Carbone de « La Boîte à musique » à « Dans les yeux de Lya » et de « La Sentinelle du petit peuple » à « Rainbow Girls ». Bénédicte Carboneill a d’abord été professeur des écoles, directrice de maternelle, avant de se lancer dans l’écriture. De parutions pédagogiques en projets pour les élèves, elle devient éditrice, directrice de collection, mais aussi autrice et bientôt scénariste de bandes dessinées sous le pseudonyme de Carbone.
On retrouve dans cette nouvelle série tout autant son talent pour créer des univers réalistes contemporains avec de jeunes héroïnes jamais parfaites, doutant toujours d’elles-mêmes, mais déterminées, que son penchant pour une pédagogie ludique et bienveillante. À la fin de chaque album un dossier de huit pages, abondamment illustré, traite de thèmes abordés dans la partie fictionnelle.
Celui du tome 1 aborde la place des femmes pendant la Grande Guerre, de Marie Curie et Nicole Mangin, première médecin chirurgien sur le front aux marraines de guerre, et aux ouvrières en usine : les munitionnettes. Il est alors signalé que le point de départ de la fiction est tiré d’un fait divers authentique : en septembre 2016 des ouvriers découvrent sur un chantier à Nice une vieille boite de biscuits avec dans celle-ci la lettre d’amour d’une Toinette à son amoureux Ernest. Dans la réalité, leurs descendants n’ont pas été retrouvé.
Le dossier du deuxième volume concerne les enfants de la Creuse : ces petits Réunionnais placés de force dans les campagnes dépeuplées de métropole pour lutter contre la désertification de ces territoires. Plus de 2 000 enfants ont été ainsi déportés jusqu’en 1984 !
Carbone s’est entourée d’une solide équipe pour sa nouvelle série : Cee Cee Mia, autrice de « Au-delà des étoiles » pour le scénario et Marko pour le dessin. Le trait semi-réaliste du créateur des « Godillots » crédibilise une histoire contemporaine et apporte une note de poésie dans les flash-backs qui retracent les souvenirs recherchés par la brigade adolescente.
Cette fine équipe a trouvé le bon équilibre pour une nouvelle série jeunesse à succès : du suspens, mais aussi de l’émotion, de l’humour apporté par des dialogues vifs et entrainants et un regard humain et bienveillant sur tous les personnages : jeunes et seniors du XXe siècle, tout autant que sur les hommes et femmes du XXe siècle, dont le souvenir ne s’est pas éteint. Vivement le tome 3 qui abordera le rôle des femmes dans l’univers automobile.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« La Brigade des souvenirs T1 : La lettre de Toinette » par Marko, Carbone et Cee Cee Mia
Éditions Dupuis (12,50 €) – EAN : 979-1-0347-3611-9
« La Brigade des souvenirs T2 : Mon île adorée » par Marko, Carbone et Cee Cee Mia
Éditions Dupuis (12,50 €) – EAN : 978-2-8001-7399-3