C’est en 1952 que le marsupilami apparait pour le première fois sous la plume d’André Franquin, dans « Spirou et les Héritiers ». Son nom est un amalgame de trois mots : marsupial – pilou-pilou (ou Jeep, un animal qui vient de la quatrième dimension dans les albums de « Popeye ») – ami. Il a vécu depuis de nombreuses aventures que ce soit avec Spirou et Fantasio ou dans sa propre série. Après Zidrou et Franck Pé, ainsi que l’auteur allemand Flix, c’est au tour de Lewis Trondheim et Alexis Nesme de partir à la recherche des aïeuls de l’animal créé par Franquin. Dans « El Diablo », les conquistadors découvrent, à leur dépens, ce remarquable grimpeur dans la forêt de Palombie
Lire la suite...« Les Bâtisseurs » : Viollet-le-Duc, le réinventeur du patrimoine architectural !
À partir de 1840, Prosper Mérimée, inspecteur général des Monuments historiques depuis 1834, confie à Eugène Viollet-le-Duc la restauration de grands édifices en péril. Dessinateur surdoué, cet architecte autodidacte s’attaque à la préservation d’un monstre sacré : Notre-Dame-de Paris. Un chantier cathédral qui permettra au jeune homme, encore inexpérimenté, de se lancer dans de nouveaux défis créatifs. Des actes renouvelés sur d’autres sites, et encore jugés polémiques aujourd’hui, mais qui anticiperont de fait le futur mouvement de l’Art nouveau… Avec ce premier tome des « Bâtisseurs », Salva Rubio et Eduardo Ocaña posent la première pierre d’une nouvelle série thématique… en pleine construction chez Delcourt.
Des échafaudages en bois élevés, un architecte vêtu à la mode du milieu du XIXe siècle – mais arborant le tablier des maçons et semblant sûr de lui – à défait d’être pleinement initié. Car sa posture isolée, si elle rappelle qu’il est le seul véritable maître à bord du chantier en cours, connote sur le caractère inédit et la mission risquée (physiquement autant que socialement) qui est la sienne. À l’arrière-plan, une vue en plongée sur une partie de la façade sud de Notre-Dame, à l’arrière de l’une des deux tours principales et au niveau des toitures surplombant la nef. Actuellement de nouveau en chantier, suite à l’incendie ravageur du 15 avril 2019, l’emblématique cathédrale parisienne aura vu défiler les 860 ans d’une histoire souvent ravageuse. Construit à partir de 1163, sous l’impulsion de l’évêque Maurice de Sully, ce vaisseau de pierres est notamment pris pour cible pendant la Révolution française : trésor pillé, statues décapitées, autels détruits et flèche peu à peu démontée. En 1804, le lieu – en piteux état et faisant fonction d’entrepôt de vin – est néanmoins choisi par Napoléon pour son sacre en tant qu’empereur, en présence du pape Pie VII. Mais rapprochons-nous désormais de la période et du protagoniste qui nous occupent…
Publié au mois de mars 1831, le roman historique de Victor Hugo « Notre-Dame de Paris », ancrant son action en 1482, immortalise le difforme sonneur de cloche Quasimodo, son tuteur l’archidiacre Claude Frollo et la belle danseuse bohémienne Esmeralda. Surtout, ce chef-d’œuvre littéraire sauve littéralement l’édifice, destiné à être démoli ! En 1844, Viollet-le-Duc (30 ans) et Jean-Baptiste-Antoine Lassus (37 ans) supervisent le projet de rénovation. Interrompu jusqu’en 1859 faute de fonds, ce dernier devient un projet de restauration historique : statues de la façade, rose méridionale et sacristie renaissent. Des chimères et une nouvelle flèche viennent embellir l’édifice. Viollet-le-Duc sera accusé en conséquence d’en avoir trop fait et de s’être littéralement approprié Notre-Dame, les fâcheux ayant oublié qu’une flèche avait bel et bien existé jusqu’en 1794.
En dépit de ses neuf siècles d’existence, Notre-Dame de Paris avait conservé un remarquable aspect extérieur. Toutefois, le temps n’avait guère épargné ses structures intérieures. Les travaux entamés en 2018 (pour un coût global estimé à 150 millions d’euros) devaient permettre la rénovation de la flèche de 500 tonnes de bois et de 250 tonnes de plomb. Celle-ci (le présent album débute par cette séquence) s’est effondrée suite à l’incendie du 15 avril 2019, sinistre ayant démarré dans les combles de l’édifice, vraisemblablement à la suite d’un court-circuit électrique (voir aussi le film de Jean-Jacques Annaud, « Notre-Dame brûle », actuellement sur les écrans). Les dommages, considérables, entrainèrent une forte émotion nationale et internationale, 883 millions de promesses de dons ayant été enregistrées au total au profit d’une indispensable reconstruction ! Un chantier engagé sur cinq années, selon les souhaits d’Emmanuel Macron et la volonté de profiter des nouvelles possibilités technologiques. En juillet 2020, mettant fin aux atermoiements, le président de la République entérinait également la reconstruction à l’identique de la flèche. Soit une reconnaissance certaine du style gothique retouché par Viollet-le-Duc, architecte qui avait (jusqu’à sa mort à Lausanne en 1879) poursuivi les chantiers marquants : la cité de Carcassonne (1853), le château de Pierrefonds (1857), le château de Roquetaillade (1864), la cathédrale de l’Assomption à Clermont-Ferrand (1866), la cathédrale de Lausanne en 1872. Honoré et honni à la fois, Viollet-le-Duc sera inhumé à Lausanne dans le plus total anonymat…
En retraçant le destin exigeant de Viollet-le-Duc, les auteurs hispaniques Salva Rubio (« Monet, nomade de la lumière » ou « Django main de feu ») et Eduardo Ocaña (« Une génération française ») font un exceptionnel travail de reconstitution historique : dessin réaliste au cordeau, angles spectaculaires ou intimistes, détails architecturaux nombreux et grande lisibilité de ce beau récit qui donne longuement à réfléchir. Et si l’essentiel pour l’homme était bien de bâtir ce « qui compte vraiment » ?
Philippe TOMBLAINE
« Les Bâtisseurs T1 : Viollet-le-Duc, l’homme qui ressuscita Notre-Dame » par Eduardo Ocaña, Salva Rubio et Mazi
Éditions Delcourt (19,99 €) – EAN : 978-2413037736
Parution 13 avril 2022