« Les Aventures de Gérard Crétin » est une bande dessinée en une page proposée dans le mensuel Mikado des éditions jeunesse Milan, entre 1989 et 1994, et c’est la première série de gags que l’immense Florence Cestac (1) a créée spécifiquement pour la presse ! Son antihéros a tendance à être vantard et gaffeur : il croit souvent savoir tout faire mieux que les autres et être le meilleur en tout… Mais il est quand même attachant, car terriblement naïf ! Ainsi, il enchaîne les situations hilarantes et embarrassantes, incarnant, avec une tendre absurdité, certains travers humains. Le trait de la reine du gros nez en BD y est déjà unique, même si elle juge avoir fait quelques progrès depuis. Mais comme le dit elle-même : « un petit coup de nostalgie, ça ne peut pas faire de mal ! »
Lire la suite...« Projet Anastasis » : la résurrection d’entre les morts !

Premier tome de la série « Ceux qui n’existaient plus », « Projet Anastasis » est porté par un nouveau duo d’auteurs : le dessinateur Olivier Mangin et le scénariste Philippe Pelaez. Pétri de références, ce thriller slave dévoile une à une ses surprises. Comme des poupées russes. La plus petite sera-t-elle la plus sidérante ?
D’emblée, on constate que le dessin est habillé des douces couleurs numériques de Yoann Guillé, lequel a l’intelligence de laisser sa délicate colorisation en retrait du trait noir des contours. Vieux briscard doté d’un trait classique de type ligne claire réaliste, Olivier Mangin sert efficacement le récit d’un captivant scénariste : Philippe Pelaez. Valorisée par un jeu d’ombres binaire, la sobriété de ce trait, exempt de fioriture et de maniérisme, est compensée par un nombre accru de cases, souvent appuyé par de grandes cases de décor en débord. En l’espèce, le prolifique Pelaez aborde le domaine du thriller, genre où celui qui affirme aimer les jeux de piste trouve un idéal terrain de jeu.
Quid du projet Anastasis ? Il s’agit d’une révolutionnaire expérience neurobiologique conduite de nos jours, à Vologda, par le pouvoir russe. Là, dans le centre de neurosciences Matriochka, 20 femmes et hommes participent à cette expérimentation gouvernementale, totalement isolés du monde durant un an — même du monde numérique extérieur —, afin que le professeur Vetrov analyse leurs stimuli. Traumatisée par l’assassinat de sa progéniture et de son mari, une jeune femme, Natacha Karpovna, a accepté d’en être l’un des cobayes, tout comme l’ancien des forces spéciales Yegor. Rapidement, les scientifiques s’interrogent sur les réactions de Natacha, au point de douter de l’efficacité de leur traitement. Amnésique, elle subit en effet un traitement contre Alzheimer préconisé par le redoutable Vetrov. Pire, les scientifiques craignent qu’elle meure à l’éventuelle annonce d’une inconcevable vérité : sa biographie n’est que fictive !
Mais les signes s’accumulent bientôt aux yeux de Natacha : ses coreligionnaires et elle-même sont surveillés pas des caméras, de discrets micros et même des gardes armés… Alors, Natacha découvre le cadavre d’une femme qu’elle pensait avoir quitté le centre, le jour de leur arrivée : celle-ci ayant au dernier moment refusé de participer à l’expérimentation. Plus curieux encore, ce cobaye s’avère avoir une double identité. Elle est morte deux fois, car tous les cobayes sont officiellement morts — traumatisés, amnésiques et socialement condamnés. Y compris Natacha dont la véritable identité est Lena Tsareva… Alors, qui a réellement tué les deux enfants qui hantent ses cauchemars ? Qui sont-ils ? Saint Anastase, priez pour eux…
Bref, tout comme Vetrov manipule ses cobayes humains, Pelaez joue avec son lecteur dans ce thriller palpitant au cœur d’une — fantasmée — Russie contemporaine. Ce premier album a le charme des poupées russes, mais aussi son corollaire : la frustration, une fois qu’on a dévoilé la dernière poupée gigogne, de ne pouvoir en soulever rapidement une autre.
Jean-François MINIAC
« Ceux qui n’existaient plus T1 : Projet Anastasis » par Olivier Mangin et Philippe Pelaez
Éditions Grand Angle (15,90 €) — EAN : 978-2-8189-8734-6
Parution 1er mars 2023