Décès d’Henri Desclez : disparition d’une étoile filante…

Seuls les vieux lecteurs des journaux des années 1970 se souviennent du nom d’Henri Desclez. Grand admirateur des univers fantastiques de Bruegel ou de Jean Ray, il fit feu de tout bois : tour à tour scénariste, dessinateur, rédacteur en chef et fondateur de son propre studio… avant de disparaître subitement du monde de la bande dessinée. C’est par un message de sa compagne, Louise Daniel, que nous avons appris le décès d’Henri Desclez, à Sherbrooke (au Canada), le 28 mars dernier.

« Coquille en folie » avec Vittorio Leonardo, dans Pilote (1967).

Né le 5 novembre 1942 à Braine-le-Comte dans le Hainaut, Henri Desclez étudie aux Beaux-Arts de Bruxelles. Ses premiers travaux sont publiés en 1967 dans Pilote. Quelques récits complets se succèdent : « Coquille en folie » avec Vittorio Leonardo (n° 390), « La Chasse au manuscrit » (n° 406), « Visitez l’intérieur d’un château de sable » avec Fred au scénario (n° 409), « L’Origine du père Noël » (n° 424), « La Chasse au dahut » (n° 425)… le plus souvent avec Michel Noirret au scénario en ce qui concerne le personnage d’Yvan Leteigneux philactérophobe.

« Yvan Leteigneux philactérophobe » avec Michel Noirret, dans Pilote (1967).

En 1969, il dessine brièvement « Saint-Fauston » dans Tintin : une série de trois récits complets rocambolesques écrits par André-Paul Duchâteau (n° 1056, 1083 et 1085).

« Saint-Fauston » avec André-Paul Duchâteau, dans Tintin (1969).

L’année suivante, il est responsable de la page jeunesse du quotidien Le Soir de Bruxelles où il publie les premiers travaux de Didier Comès, Jean Pleyers, Cosey, Charles Jarry…

« Mycroft  et Klaxon » avec André-Paul Duchâteau, dans Le Soir (1969).

Il y crée — avec André-Paul Duchâteau — le personnage du détective Mycroft (qu’il signe parfois Hapic) : héros des « Mystères de Bruges », de « L’Horloge à cinq coups », du « Tailleur de Londres »…

« Mycroft et Klaxon » avec André-Paul Duchâteau, dans Le Soir (1971).

On le rencontre brièvement dans Spirou où il crée le personnage de Richard Bantam, avec Héric — pseudonyme d’André-Paul Duchâteau — au scénario, en 1970 (n° 1682 à 1688)

« Richard Bantam » avec André-Paul Duchâteau, dans Spirou (1970).

et illustre « Les Compagnons du tour de France » en 1972 (n° 1764 à 1766). « Richard Bantam » se poursuivra sans lui dans Le Soir jeunesse, avec toujours Duchâteau au scénario et Henri Decoster au dessin.

« Les Compagnons du tour de France », dans Spirou (1972).

Henri Desclez retrouve Pilote en 1972 : il y est nommé responsable des pages d’actualité de l’édition belge —différentes de celles de l’édition française — qui sont signées Didier Comès, Eddy Ryssack, Katherine, Charles Jarry…

Cette même année, il ouvre le studio Desclez, destiné à réaliser les albums des « Aventures du commissaire San-Antonio » publiés aux éditions du Fleuve noir.

Le dessinateur Franz (1) est le principal artisan de cette série de sept albums, adaptés par Patrice Dard et publiés jusqu’en 1975.

Henri Desclez revient à Tintin en 1974  avec « Les Chroniques du Griffon noir » : série de récits complets situés à Bruges, en 1850, écrite par Daniël J. (Daniel Jansens) et dessinée avec l’aide de son assistant Christian Smeesters, du moins pour le premier. 18 histoires sont publiées dans la version belge du n° 44 de 1976 au n° 44 de 1976, mais seulement 15 en France : du n° 103 de Tintin l’hebdotimiste de 1974 au n° 122 du Nouveau Tintin, en 1978.

« Les Chroniques du Griffon noir » avec Daniel Jansens, dans Tintin (1974).

Dans le n° 7 de l’édition belge, toujours assisté par Christian Smeesters, mais avec Andrée Brault au scénario, il lance une suite de « Mycroft et Klaxon ». En janvier 1975, il succède à Greg au poste de rédacteur en chef de Tintin qu’il occupe jusqu’au mois d’octobre 1976.

« Mycroft et Klaxon » avec Andrée Brault, dans Tintin (1975).

Henri Desclez quitte en catimini la Belgique pour le Canada en septembre 1976, après avoir publié « Gaspard le Bâlois » sur un nouveau scénario de Daniël J. (Daniel Jansens) dans Tintin, certaines mauvaises langues affirmant qu’il est traqué par le fisc belge.

« Gaspard le Bâlois » avec Daniël J. (Daniel Jansens), dans Tintin (1976).

Au Canada, il travaille pendant quatre ans pour les éditions Héritage où il anime diverses séries prépubliées pour la plupart dans La Patrie du dimanche et Photo-Journal : « Brisebois et compagnie », « Nic et Pic » écrite par Andrée Brault, « M.Tranquille » scénarisée par le chanteur et conteur Claude Leclerc… (voir le très complet site https://la-bd-de-journal-au-quebec.fandom.com/fr/wiki/Henri_Desclez) avant de fonder sa propre société (les productions PAF Loisirs), spécialisée dans les produits dérivés. En 1991, il abandonne définitivement la bande dessinée pour se consacrer à l’animation et fonde Desclez Productions où il produit des séries éducatives ou avec des marionnettes pour la télévision…

Après quelques belles réussites, il se tourne avec succès vers la peinture fantastique. On lui doit aussi l’édition de quelques albums dessinés par Toufik et Loth et de romans — parmi lesquels ceux de son ami André-Paul Duchâteau.

On peut regretter la boulimie qui — au cours des années 1970 — s’est emparée d’Henri Desclez et l’a empêché de mieux travailler « son » univers fantastique personnel, dont la série « Mycroft » demeure le meilleur exemple.

Henri FILIPPINI 

Relecture, corrections, rajouts, compléments d’information et mise en pages : Gilles RATIER

Voir  : « San-Antonio » en bandes dessinéesFranz à Tintin (1re partie) et Franz à Tintin (2e partie).

Henri Desclez dans Tintin.

Galerie

6 réponses à Décès d’Henri Desclez : disparition d’une étoile filante…

  1. Rob dit :

    « Henri Desclez quitte en catimini la Belgique pour le Canada en septembre 1976″ : catimini est le mot puisqu’il est parti pour fuir ses créanciers, au nombre desquels les dessinateurs de son studio. Franz en particulier ne décolérera pas à son égard.

  2. Marcel dit :

    « Quelque 15 histoires sont publiées du n° 103 au n° 122 du Nouveau Tintin. »

    Je me permets une correction : il y en a eu un peu plus que ça, et ce dès le Tintin Hebdoptimiste (au numéro 129). De 1975 à 1978 (de 1975 à 1976 pour l’édition belge), en fait. Formulé comme vous l’avez fait, on a l’impression qu’il y a eu 15 histoires en 20 numéros, ce qui fait un peu « invasion ».

    • Gilles Ratier dit :

      Bonjour Marcel !
      Vérification faite, il semble en effet qu’Henri Filippini n’ait comptabilisé que les « Chroniques du Griffon noir » parues dans l’édition française de Tintin entre 1974 et 1978 (je n’avais pas recompté non plus). Or, il y en a eu trois de plus dans l’édition belge entre 1974 et 1976, soit 18 en tout ! Et cela commence avec « Le Cygne rouge » au n° 100 de Tintin l’hebdotimiste (ou n° 103 français) qui fait bien partie de cette série, et dont nous montrons un extrait dans l’article.
      Nous allons corriger derechef, évidemment !
      Pas facile de s’y retrouver entre les différentes éditions et, d’ailleurs, vous-même n’aviez manifestement pas tous les éléments…
      Personne n’est parfait, même pas nous (rires) !
      Merci encore de nous avoir alertés sur cette approximation filippinesque (re-rires) !
      La rédaction

      • Marcel dit :

        Je suis d’accord, la chronologie de Tintin avec ses deux éditions est un gros bordel, particulièrement à cette période.
        Si votre source de vérification est comme moi l’excellent site BDOubliees, ces pages sont parfois compliquées à lire, surtout que, vous avez raison, Le cygne rouge n’est pas noté comme faisant partie de la série (alors qu’il devrait).
        Ainsi, vous mélangez encore l’édition belge et L’hebdoptimiste, qui était la version française. La version belge, reprenait juste au numéro 1 chaque année.
        Pour faire clair :
        - Edition belge du 49 de 1974 au 44 de 1976
        - Edition française du 103 de L’hebdoptimiste (1974) au 122 du Nouveau Tintin (1978)

        Mais bon, je pinaille, hein ! Peu de sites sont capables de sortir un article aussi complet sur un auteur finalement assez méconnu. Et donc merci pour ça.
        J’vous embête p’us. : )

        • Gilles Ratier dit :

          Oui, vous avez raison de pinailler (tant qu’on reste courtois comme c’est le cas avec vous)…
          En effet, ce n’est pas toujours évident de s’en sortir, même avec l’excellent site bdoubliees.com qui marque pourtant bien TH 100 (certes suivi de TB4974) pour la parution du « Cygne rouge » en Belgique, laquelle est de couleur jaune pour la différencier de la française qui est de couleur bleue sur cet indispensable site : mais comme on l’a déjà dit, ce n’est pas simple.
          Cela dit, je vais mettre comme vous le conseillez : édition belge du 49 de 1974 au 44 de 1976 et édition française du 103 de L’hebdoptimiste (1974) au 122 du Nouveau Tintin (1978)…
          Bien cordialement
          Gilles Ratier

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