Ansor. Hendrikus Ansor, commissaire de son état. Imaginé par le dessinateur Olivier Wozniak et le scénariste Patrick Weber, le fin limier ostendais revient dans une deuxième enquête qui prend corps dans la prestigieuse station thermale de Spa, en Belgique wallonne. Le lieu, le genre, le style, tout concourt à faire des enquêtes d’Ansor un futur classique.
Lire la suite...« La Maison Usher » : la descente aux Enfers selon Edgar Allan Poe…
Rien ne va plus pour Damon Price, qu’une forte dette de jeu va pousser – malgré lui – en direction de la très sinistre maison de son ami d’enfance : Roderick Usher… Ainsi débute ce récit d’horreur gothique dans lequel s’invite Edgar Allan Poe en personne ! Jean Dufaux invoque le célèbre conte fantastique, servi par les remarquables planches en couleurs directes de Jaime Calderón. Une exploration terrifiante de la psyché humaine, indéniable palais hanté et antre de la folie, à la destinée aussi funeste qu’inéluctable…
Publiée pour la première fois en 1839, traduite et reprise en 1857 par Charles Baudelaire dans les « Nouvelles Histoires extraordinaires », « La Chute de la Maison Usher » (titre parfois réduit comme ici à la seule mention de « La Maison Usher ») est plus que jamais redevenue à la mode en cet automne 2023. Outre la parution du présent album, observons en effet que, 63 ans après l’adaptation cinématographique réalisée par Roger Corman en 1960, Netflix vient à son tour de diffuser la mini-série « The Fall of the Usher House » (créée par Mike Flannagan), dont les huit épisodes rendent hommage – via les personnages et l’intrigue – à d’autres œuvres notables de Poe (« Double assassinat dans la rue Morgue », « Le Corbeau », « Le Scarabée d’or », « Le Chat noir », « Les Aventures d’Arthur Gordon Pym », « Le Masque de la mort rouge », etc.). De son côté, Futuropolis édite ce même mois… « La Chute de la maison Usher », sous la forme d’un beau livre présentant le texte illustré par les frères Gaëtan et Paul Brizzi. L’éditeur poursuit avec cet ouvrage une collaboration fructueuse, tournée vers une collection (Futuropolis Gallimard – La Petite Littéraire) comprenant notamment déjà « Double assassinat dans la rue Morgue », paru en mars 2023.
Dans l’histoire initiale, le narrateur accepte l’invitation de son ami d’enfance, Roderick Usher, en séjournant quelques temps dans le manoir familial. La maladie qui hante Usher (l’hypocondrie, trouble de la santé caractérisé par une inquiétude obsessionnelle), tout autant que l’atmosphère propice au surnaturel, les morts de proches (Madeline Usher) et l’état délabré de la demeure focalisent l’attention des lecteurs sur les sentiments et impressions de peur et de fatalité, sinon de culpabilité. Récit gothique oblige, des thèmes tels la noirceur, la folie, le trouble dissociatif, l’au-delà, le vampirisme, l’enterrement vivant, la résurrection et la malédiction y sont particulièrement mis en avant. Rappelons que la fascinante histoire de « La Chute de la maison Usher » fut vraisemblablement inspirée à Edgar Allan Poe par… un authentique fait divers : à Boston, dans une bâtisse éponyme, on retrouva lors de sa destruction en 1830 les corps d’un marin et d’une jeune femme, qui avaient été emmurés dans le cellier par le mari de la défunte ! Une anecdote glaciale, qui transparaît en creux dès la première case de cet album : « […] Comment deviner ce que la maison recèle, cache, vit. Tout voyageur préfère passer son chemin devant la maison Usher. »
En couverture de l’album réalisé par Jean Dufaux (pour rester dans des thèmes voisins, citons : « Complainte des landes perdues », « Les Voleurs d’empire », « Les Rochester », « Sortilèges »…) et Jaime Calderón (« Les Reines de sang : Isabelle, la louve de France » ou « Valois »), tous les éléments-clés du récit gothique et vampirique sont réunis : nuit de pleine lune, arbre décharné, manoir étrange, ombre projetée, apparence sépulcrale d’une jeune femme (Madeline Usher) à l’allure grave, érotisme latent et mystère lié à cette silhouette inconnue, avançant (malgré le chandelier…) vers un sombre destin. Notre regard cherchera à percer l’énigme de la scène : une monstruosité quelconque n’est-elle pas embusquée dans le décor ? Le visage du surnaturel transparait-il à l’un des fenêtres de l’arrière-plan ? Où se rend la jeune femme ? Que cherche-t-elle à retrouver ou à fuir ? À moins que ce visuel ne soit la transcription de la thématique centrale de l’œuvre de Poe : la peur et la paranoïa. Interrogé sur la conception du premier plat de couverture, Jaime Calderón explique : « Il y avait plusieurs éléments à prendre en compte lors de la création de la couverture. L’œuvre met en évidence la relation qui s’établit entre l’auteur ou le créateur, et ses créations ou ses personnages, et comme ils prennent souvent vie et choisissent des voies parfois inimaginables pour le créateur lui-même, le tout expliqué à travers un récit gothique classique. De ce point de vue, la présence de Poe dans la couverture était importante, même s’il n’était pas nécessaire qu’il soit explicitement choisi de symboliser sa présence dans l’image de la maison Usher. D’autre part, cela pouvait sembler un peu répétitif avec le titre de l’œuvre : pour cette raison, nous avons choisi d’inclure l’image de Madeline. De cette façon, nous établissions la relation entre la maison/Poe et sa création, tandis que nous insérions l’image de Madeline dans la maison comme s’il s’agissait d’une symbiose nécessaire ou même comme la prison métaphorique de la tentative de fuite. Sur le plan technique, j’ai entrepris le même processus que celui employé habituellement sur les couvertures de mes albums. Après avoir réalisé l’esquisse, je dessine une illustration au crayon sépia où je résous les questions d’éclairage, des volumes et de la texture. Puis je digitalise l’image et j’applique la couleur numériquement en gardant la texture du crayon. Pour l’intérieur de l’album, j’ai utilisé une technique un peu particulière, car je travaille généralement avec des coloristes, mais cette fois-ci je me suis occupé de la couleur. Une des choses qui caractérisent mon style est la précision dans le trait et le descriptif dans le dessin. Mais le graphisme de cet album exigeait une sensibilité différente, un graphisme plus suggestif. Dans mon cas, je ne pouvais y arriver qu’avec « l’atmosphère » véritable protagoniste visuel dans l’album. Pour cette raison, j’ai décidé de faire toute les couleurs. Pour ce faire, après le processus d’encrage, j’ai ombragé les planches avec un crayon de couleur noire et coloré numériquement, en tirant parti de cette texture du crayon et de l’encrage traditionnel. »
Outre l’album paru chez Delcourt, les collectionneurs pourront se tourner vers le somptueux tirage de tête proposé en seulement 130 exemplaires (et 20 hors-commerce) par les Corsaires de la BD le 24 novembre prochain : 128 pages (dont une première partie avec les 54 planches en noir et blanc), format 40 x 30 cm, dos toilé, couverture inédite et cahier graphique. Un bel écrin pour l’adaptation réussie de ce classique de la littérature fantastique, néanmoins moins connu du grand public que « Dracula » ou « Frankenstein ».
Philippe TOMBLAINE
« La Maison Usher » par Jaime Calderón et Jean Dufaux
Éditions Delcourt (23,95 €) – EAN : 978-2-413038184
Parution 22 novembre 2023
Éditions Les Corsaires de la BD (229 €) – EAN : 978-2-954948133
Parution 24 novembre 2023
Merci pour cette découverte Mr Tomblaine . Je me mets les deux éditions Delcourt & Futuropolis sur ma check-list des achats pour début décembre . Après lecture , je pourrais les comparer avec le deux versions de R. Corben .