Romain Dutreix perd pied, car sa « Mamie n’a plus toute sa tête »…

Chantre du pastiche, Romain Dutreix nous offrit en son temps « Allegretto Deprimoso » et les deux tomes d’« Impostures », tous trois publiés chez Fluide glacial. S’en suivit une petite série de parodies pour la librairie nancéienne La Parenthèse, dans laquelle Romain Dutreix inséra un tome de « La Petite Bédétheque des savoirs » sur le libéralisme, ainsi que « Revue de presse : petite histoire des journaux satiriques et non-conformistes », de nouveau pour les éditions Fluide glacial. C’est sans doute son talent pour voir le monde par le petit bout de la lorgnette qui lui ouvrit les pages du Canard enchaîné. Après une absence de six ans, Romain Dutreix revient en librairie avec une autofiction : « Mamie n’a plus toute sa tête », chez Dargaud.

Comme beaucoup d’entre nous, Romain Dutreix a une vie au quotidien relativement bien réglé, entre les différents moments ponctuant sa vie de famille et ses activités de star incontournable du 9e art. Petit-fils attentionné, il prend aussi le temps d’aider Madeleine : sa grand-mère paternelle.
Régulièrement, sur le trajet entre sa maison et son atelier, Romain Dutreix passe chez son aïeule, pour lui faire ses courses, l’accompagner dans ses démarches administratives ou encore camoufler ses crimes. Madeleine a, en effet, la furieuse tendance à occire les personnes passant à l’improviste ou dont elle a oublié la venue. Dernière victime en date : un agent ERDF missionné pour l’installation d’un compteur Linky.
Pour sa défense, il faut savoir que Madeleine, comme l’ensemble de la population de Nancy, a connu l’Occupation… et que son mari, André, résistant, était recherché par les SS. Par conséquent, toute personne inconnue est perçue comme une menace pour son mari. Le fait qu’André soit mort depuis 38 ans n’étant qu’un détail mineur.
Régulièrement, Romain Dutreix découvre les exactions de sa grand-mère. Il doit alors nettoyer les lieux du meurtre et faire disparaître les corps, le tout sans éveiller les soupçons des autorités. Les disparitions finissant par être signalées, les forces de police mènent de nombreuses enquêtes.
Ces activités illicites obligent souvent Romain Dutreix à improviser, chambouler son quotidien… et ce, bien sûr, sans éveiller les soupçons d’Emmanuelle : sa femme.
Malheureusement, cette dernière — devenant malgré tout de plus en plus soupçonneuse — finit par engager un détective privé.

" Yves Bensoussan, agence Détect’ Yves""

Entre ce professionnel de la filature et l’enquête policière sur la disparition de l’installateur Linky, Romain Dutreix voit l’étau se resserrer autour de lui, alors qu’il doit continuer à gérer les divagations de Madeleine. Qu’est-ce que le destin réservera à Romain Dutreix et sa famille ?
Si la résolution de l’intrigue arrive dans les dernières pages de cet album, un astucieux cliffhanger lance une narration parallèle pour un autre album à venir.
En digne héritière des sœurs Adèle et Martha Brewster du film « Arsenic et vieilles dentelles », Madeleine emporte cette réjouissante ambiance de comédie macabre brillamment menée par son petit-fils.
C’est un grand plaisir de retrouver le trait et l’univers de Romain Dutreix : une ligne claire cartoonesque qui donne à ses personnages d’extraordinaires mimiques expressives et permet de les placer dans des décors épurés, nous ramenant au temps du théâtre du Grand-Guignol.

Brigh BARBER
« Mamie n’a plus toute sa tête » par Romain Dutreix
Éditions Dargaud (15,95 €) — ISBN : 978-2-2052-0449-0

Galerie

7 réponses à Romain Dutreix perd pied, car sa « Mamie n’a plus toute sa tête »…

  1. PATYDOC dit :

    Ce dessinateur a en effet commis un tome, avec un dénommé Zaoui, de la « petite bédéthèque des savoirs  » sur le « libéralisme », qui est une totale imposture : non seulement les auteurs n’ont rien compris au mouvement qu’ils sont censés expliquer, mais ils y font de manière subreptice la promotion de l’exact contraire du libéralisme, l’étatisme. C’est un procédé scandaleux que sous couvert de pédagogie on cherche à orienter les jeunes âmes influençables vers le contraire de ce que l’on est censé défendre !

    • Marcel dit :

      Ouais ! Pareil pour celui sur le Grand banditisme : ils en disaient du mal au lieu de le défendre ! Scandaleux !

      • PATYDOC dit :

        Le « grand banditisme » est, à mon avis, un des meilleurs tomes de la série, même si faire une synthèse de ce vaste sujet dû constituer une sérieuse gageure : ne pas mélanger les torchons et les serviettes juste pour essayer de faire un « bon mot « .

  2. Pierre dit :

    AAAAHhhhhh ! Je revis ! Enfin un nouvel album de Romain Dutreix ! (En passant, il manque « une folle nuit d’Hervé D. » dans sa biblio ci-dessus)
    Depuis des années, je devais me contenter des dessins du Canard, je n’avais pas ma dose de son humour auquel je suis particulièrement sensible.
    J’aime bien aussi l’humour de Patydoc (certes involontaire), mais il faut absolument que ce vénérable boomer fasse soigner son foie…

    • Brigh Barber dit :

      N’ayant pas lu « Une folle nuit d’Hervé D. » (que je suppose malgré tout bien folle), je ne me suis pas senti légitime pour en parler.
      Bonne journée et merci pour votre commentaire qui réjouira sans doute Romain Dutreix.

    • Wurm Philippe dit :

      Même allégresse! Enfin un album de Dutreix !
      Ca fait des années que j’attends.
      La lecture risque d’être savoureuse.

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