Un champion olympique à la sauce Smudja !

En cette année où les Jeux olympiques sont quasiment devenus une préoccupation nationale, l’édition de bande dessinée s’intéresse évidemment aussi de très près à cette manifestation sportive qui aura lieu prochainement à Paris et qui a ce pouvoir de rassembler les peuples. Au milieu des nombreuses publications bédéesques, souvent didactiques, abordant le sujet, ne ratez pas l’album qui rend hommage au quadruple champion olympique des J.O. de Berlin (lequel provoqua à la fois Hitler et l’Amérique conservatrice en 1936) : l’Afro-Américain Jesse Owens. Le virtuose dessinateur serbe Gradimir Smudja nous présente, avec son habituel talent narratif onirique et caricatural, l’histoire de ce destin unique dans une époque marquée par la violence raciale…

Pour célébrer cette étonnante carrière, l’éblouissant illustrateur — aujourd’hui exilé en Italie et bien connu pour ses BD autour du monde de la peinture et des arts à l’instar de « Vincent et Van Gogh », « Au fil de l’art », « Le Cabaret des muses », « Mausart »… (1) — a donc choisi ici l’humour et la poésie ! Ainsi, le narrateur — et ami imaginaire de ce petit-fils d’esclaves né en 1913 dans une fratrie de 11 enfants — n’est autre qu’un chat noir joueur de banjo nommé Essej Snewo : une sorte de Jiminy Cricket qui accompagne la vie exceptionnelle de cet athlète considéré comme le premier sportif noir de renommée internationale.

Tout le long de l’album, Smudja représente James Cleveland Owens continuellement en train de courir, sans jamais s’arrêter, fuyant les dangereux animaux qu’il côtoie dans la ferme de sa jeunesse (jars, boucs, alligators, loups, coyotes…) ou encore les sinistres chapeaux pointus du Ku Klux Kan, afin d’éviter le lynchage : ses incroyables prédispositions physiques lui permettant de battre ensuite tous les records du monde, les mains dans les poches… 

Pourtant, son parcours n’est pas un conte de fées : très mal rétribué, il plonge avec sa famille dans la pauvreté, étant obligé de travailler dans une station-service pour gagner sa vie… On lui retirera même sa licence sportive ! Ne pouvant plus concourir nulle part, il paradera alors en courant aux côtés de chevaux pur-sang : histoire de récolter au moins de quoi nourrir les siens. Il ne sera réhabilité qu’en 1976, par le président Gérald Ford, après les Jeux olympiques de Melbourne.

Ce récit de vie, sublimé par de splendides images qui rappellent un peu les tableaux de Norman Rockwell, est une véritable fresque féérique qui se déroule au rythme de la musique noire du blues et du jazz qui accompagnent l’hystérie d’animaux de cirque en fuite dans les rues de Cleveland…  Qu’importe le délire, il faut bien reconnaître que, comme à chaque fois chez Smudja, la magie opère !

Gilles RATIER 

(1) Sur Gradimir Smudja, voir par exemple sur BDzoom.com : « Mausart à Venise » : une fable musicale en images majeures« Au fil de l’art » T1 par Ivana et Gradimir Smudja« Vincent et Van Gogh » T2Plus de lectures de juillet 2007Plus de lectures n° 59 du 29 novembre 2004Au Moulin RougeVincent et Van Gogh

« Jesse Owens : des miles et des miles » par Gradimir Smudja

Éditions Futuropolis (24 €) — EAN : 9 782 7548 3492 6

Parution 5 juin 2024

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