« Les Aventures de Gérard Crétin » est une bande dessinée en une page proposée dans le mensuel Mikado des éditions jeunesse Milan, entre 1989 et 1994, et c’est la première série de gags que l’immense Florence Cestac (1) a créée spécifiquement pour la presse ! Son antihéros a tendance à être vantard et gaffeur : il croit souvent savoir tout faire mieux que les autres et être le meilleur en tout… Mais il est quand même attachant, car terriblement naïf ! Ainsi, il enchaîne les situations hilarantes et embarrassantes, incarnant, avec une tendre absurdité, certains travers humains. Le trait de la reine du gros nez en BD y est déjà unique, même si elle juge avoir fait quelques progrès depuis. Mais comme le dit elle-même : « un petit coup de nostalgie, ça ne peut pas faire de mal ! »
Lire la suite...Les sauvages ne sont pas ceux qu’on pense !

« Antipodes », d’Éric Lambé et David B, c’est d’abord l’évocation d’une expédition en partie oubliée : celle du Français Villegagnon, qui quitte Le Havre en aout 1555 pour aller installer une colonie au Brésil. Alors que l’Inquisition fait ses ravages en France, dès 1557, Villegagnon, lui, joue les terreurs de l’autre côté de l’Atlantique, à Fort Coligny !
Pourtant le héros de ce récit n’est pas le soldat Villegagnon, mais un certain Nicolas qui l’accompagnait : ils étaient tout de même 600 passagers à le suivre. Là-bas, dans la baie de Rio, Nicolas se prend d’intérêt et même d’amitié pour les Tupinambas. Il fait tout pour s’intégrer à la tribu et, notamment, use de ses talents de chanteur pour les séduire.
Nicolas est un curieux, et même un curieux bonhomme. Il apprend leur langue, s’intéresse à leurs croyances et décide de rester auprès d’eux, nu comme eux, pour mieux les approcher, les comprendre. Évidemment, son comportement ne plaît pas à tout le monde. Sa liberté d’action et de mouvement choque, militaires et religieux : être un intermédiaire entre Français et Indiens, c’est une chose, mais devenir leur ami jusqu’à prendre une femme tupinamba, c’en est une autre.
Certes, leur cannibalisme lui fait horreur, mais il a cette clairvoyance qui lui fait penser que ces « sauvages » ne sont pas plus sauvages que les siens et qu’en matière de barbarie, les Européens n’ont vraiment pas de leçon à donner ! Le lecteur est ainsi amené à se positionner, à se solidariser avec ce personnage, certes inventé, mais documenté, notamment par les écrits de Jean de Léry et son « Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil » (1578).
Le graphisme d’Éric Lambé peut surprendre à première lecture, mais on l’adopte assez vite, tant il confère une évidence fraicheur aux décors et aux personnages, apportant à ce conte philosophique sur le racisme et la sauvagerie un éclairage original.
Didier QUELLA-GUYOT
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« Antipodes » par Éric Lambé et David B.
Éditions Casterman (22 €) – EAN : 9782203257726
Parution 28 août 2024
Tout l’art du récit, où l’on se plonge,happé,avec un réel raffinement pour exprimer, exhaler des idées, des sentiments,dans un beau, un grand scénario.
Des pages envoûtantes. J’y retrouve mes impressions du Capitaine écarlate…