Quel plaisir, après des années et des années de chroniques sur les nouvelles parutions concernant le 9e art, de continuer à découvrir des auteurs prometteurs qui, d’emblée, semblent vraiment maîtriser les codes narratifs et graphiques de la bande dessinée ! C’est d’autant plus méritoire quand il s’agit d’un premier album en ce domaine : ce qui est le cas de Pierre Alexandrine avec son « Amourante ». Ce dense ouvrage de 230 pages, édité chez Glénat, nous propose un voyage aussi palpitant qu’amusant à travers les époques et les lieux, en remettant en question notre obsession tout à fait compréhensible de plaire perpétuellement et de ne pas mourir…
Lire la suite...Mariage art pariétal et BD !

Certains spécialistes ont quelquefois fait remonter l’art de la BD à l’art pariétal. Or, d’après l’archéologue Marc Azéma, séquençage narratif et décomposition du mouvement apparaissent bel et bien, ici et là, sur des murs datant du paléolithique. Le mariage est de toute façon consommé, puisque sept dessinateurs de BD sont allés s’exprimer sur des parois de la Grotte de la Sagne (près de la célèbre grotte de Pech-Merle), avec pigments naturels et torches pour s’éclairer…
Azéma, archéologue, lequel signe une longue préface éclairante, rappelle que ce n’est finalement que très tardivement qu’une petite fille a découvert, en 1879, à Altamira, en Espagne, des bisons peints à même la pierre. À cette époque, on juge inconcevable que cela puisse remonter à des temps préhistoriques. Et pourtant ! Très vite, des artistes tels que Picasso ou Soulage, s’intéressent à cette expression d’outre-temps.
Le Parc naturel régional des Causses du Quercy a, en effet, offert à Edmond Baudoin, Chloé Cruchaudet, Étienne Davodeau, Emmanuel Guibert, David Prudhomme et Troubs, l’occasion de dessiner à même des parois calcaires, avec les mêmes pigments que ceux utilisés 30 000 ans plus tôt. Ils sont ainsi restés, tous ensemble, pendant une semaine, à cogiter et s’exprimer selon leur bon vouloir, leur style ou leur inspiration : pour ainsi dire, au pied du mur !
Cette expérience graphique exceptionnelle, dans une champignonnière vierge, chacun des auteurs nous la raconte – en BD cette fois-ci -, dans un album atypique s’il en est. Aucun n’a ressenti la même chose ni la même envie de réalisation ; c’est pourquoi chaque chapitre constitue un témoignage très personnel, parlant de soi, des autres, de leurs doutes, de leurs fantasmes, de leurs craintes face à un tel défi et à cette idée que ces œuvres allaient, elles aussi, demeurer bien au-delà d’un album de papier.
Un film sortira en salle en février prochain pour raconter cette aventure hors normes : « Rupestres ! » de Marc Azéma. Il a suivi avec intérêt les créations et leurs créateurs (parmi lesquels une seule femme, Chloé Cruchaudet), s’adaptant au support, à ses variations, à ses dimensions. Azéma rappelle d’ailleurs l’existence de l’album « Rupestres ! », publié en 2011 chez Futuropolis, où Prudhomme (initiateur du projet), Guibert, Troub’s, Marc-Antoine Mathieu, Pascal Rabaté et Davodeau s’étaient rendus, pendant deux ans, dans des grottes ornées du paléolithique pour observer les dessins réalisés par les hommes préhistoriques, s’y confronter, et commenter émotionnellement et artistiquement leur rencontre.
Indiquons, enfin, que l’album est complété d’un fort dossier réalisé par le photographe Rémi Flament, montrant les artistes à l’œuvre et les « peintures/graffiti » qu’ils sont en train de créer.
Didier QUELLA-GUYOT
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« Pigments » collectif
Éditions Futuropolis (23 €) – EAN : 9782754844024
Parution 20 novembre 2024