« Les Aventures de Gérard Crétin » est une bande dessinée en une page proposée dans le mensuel Mikado des éditions jeunesse Milan, entre 1989 et 1994, et c’est la première série de gags que l’immense Florence Cestac (1) a créée spécifiquement pour la presse ! Son antihéros a tendance à être vantard et gaffeur : il croit souvent savoir tout faire mieux que les autres et être le meilleur en tout… Mais il est quand même attachant, car terriblement naïf ! Ainsi, il enchaîne les situations hilarantes et embarrassantes, incarnant, avec une tendre absurdité, certains travers humains. Le trait de la reine du gros nez en BD y est déjà unique, même si elle juge avoir fait quelques progrès depuis. Mais comme le dit elle-même : « un petit coup de nostalgie, ça ne peut pas faire de mal ! »
Lire la suite...Le roman graphique d’un super-héros bien réel…

Laurent Astier a fait une parenthèse de deux ans dans son parcours prometteur, après le succès de son cycle western « La Venin » (1) : il avait à cœur depuis longtemps de publier un récit autobiographique. Le sujet principal est moins sa propre existence que celle d’un ami devenu très proche : Cyril — ou plutôt son destin. Des années d’études aux débuts professionnels d’Astier dans le dessin, on assiste à la rencontre magique avec ce fameux Cyril que le destin frappera durement : une, puis deux maladies graves, de celles dont on a peur… Il se battra contre cette fatalité pendant 13 ans. Son ami Astier raconte tous les épisodes de leur amitié et de leurs vies, avec simplicité et beaucoup de cœur.
Trois copains — Alex, Bo et Laurent —, reçus à l’examen final des Arts appliqués en province (la Creuse), cherchent à se lancer et à créer un petit studio graphique. Le trio s’installe près de Châteauroux, et leur voisin direct n’est autre que Cyril, marié à Évelyne. Entre eux tous, et particulièrement entre Cyril et Laurent, le courant passe immédiatement. La bonne humeur constante de Cyril et son entrain à mordre dans la vie à pleines dents (il n’est jamais malade) communiquent quelque chose d’essentiel à Laurent.
Celui-ci — grâce à Cyril — est amené à connaître la coiffeuse Virginie, qui partagera ensuite sa vie. Le couple, installé à Paris, perd de vue Cyril durant quelques années. Aux retrouvailles, leur ami s’est enfoncé dans la maladie : entre rémissions, rechutes, optimisme retrouvé et abattement, Cyril se bat. Il sera témoin du mariage de Laurent et aura un second enfant. Ses 35 ans sont l’occasion d’une fête entre anciens amis d’études et de musique.
On le sait d’avance, par le prologue, Cyril perdra la bataille après une troisième maladie grave, et Laurent le verra partir, à 40 ans.
Mais entretemps, pour l’auteur, il a acquis le statut de super-héros : ne dévoilons pas la surprise finale.
Disons seulement que l’auteur offre un épilogue très imaginatif : conclusion ou amorce d’une idée de personnage ?
Sur ce sujet doublement difficile — retracer sa propre vie et évoquer la fin d’un proche —, Laurent Astier a choisi un déroulé minutieux des moments clés (et même des autres) et une présentation en profondeur des personnages.
S’il en résulte une longueur inhabituelle de 210 planches, c’est qu’elle est servie par une certaine nervosité : une spontanéité du trait en correspondance avec le propos.
Dans ce récit à la première personne, l’auteur devait non seulement produire, mais aussi être dans le vrai, immédiatement, sans fioriture, en prise directe avec la sincérité… Grâce aux couleurs choisies pour chaque période ou chaque moment — des camaïeux —, il simplifie, mais aussi rend plus lisible la narration. Ainsi, le jaune orangé couvre la première période — dorée — jusqu’à l’installation parisienne. Après le bleu du prologue annonçant la perte, le rose pour la maladie et les soins médicaux, le vert pour l’espérance dans une guérison, etc. Au total, tout n’est pas mélodramatique, car — heureusement ! — il existe des moments joyeux, des rires, et le ton d’ensemble, bien sûr sincère, est tendre et affectueux.
Une double page clôt l’album avant l’épilogue original déjà mentionné : des photos de Cyril, Laurent et les autres copains et compagnes.
On comprend que l’éditeur de « La Venin », Rue de Sèvres, ait tenu à réaliser un bel objet : couverture mate, papier de qualité, dos toilé, pour un livre qui sort de l’ordinaire.
Patrick BOUSTER
(1) Voir sur BDzoom.com : Interview de Laurent Astier : un final à la hauteur… de la Maison-Blanche !.
« La Force de vivre » par Laurent Astier
Éditions Rue de Sèvres (29,90 €) — EAN : 9782810201624
Parution 23 avril 2025