Quel plaisir, après des années et des années de chroniques sur les nouvelles parutions concernant le 9e art, de continuer à découvrir des auteurs prometteurs qui, d’emblée, semblent vraiment maîtriser les codes narratifs et graphiques de la bande dessinée ! C’est d’autant plus méritoire quand il s’agit d’un premier album en ce domaine : ce qui est le cas de Pierre Alexandrine avec son « Amourante ». Ce dense ouvrage de 230 pages, édité chez Glénat, nous propose un voyage aussi palpitant qu’amusant à travers les époques et les lieux, en remettant en question notre obsession tout à fait compréhensible de plaire perpétuellement et de ne pas mourir…
Lire la suite...Un road-movie très… western !

À sa sortie de prison, en 1970, Chuck ne pense qu’à récupérer son butin, qu’il a caché à Dry Creek : une ville fantôme du Colorado… Il y retourne avec sa complice et amante de l’époque : Kat. Là-bas, ils butent sur un vieux chercheur d’or. Ce dernier n’a pas volé leur trésor, mais leur apprend que deux individus les ont précédés : un grand blond et un Indien. Chuck va devoir retrouver leur trace, et l’affrontement sera inévitable. Avec Chuck et Kat, on voyage à travers les paysages américains éternels — comme figés — des westerns. De belles images, au service d’une intrigue forte,faite de chasse à l’homme, d’appât du gain et de trahison.
Chuck et Kat font la route en voiture du Wyoming vers le Colorado et le Nouveau-Mexique. Toujours amants, après les cinq ans de prison de Chuck, mais la méfiance s’est installée. À destination, dans la ville fantôme, Chuck ne trouve rien… Mais un vieux fou solitaire les met en joue, croyant qu’ils en veulent à son or : il raconte qu’il a perdu la carte de sa cachette et, depuis, cherche son magot…
Un flash-back nous révèle qu’en prison, Chuck a imprudemment donné l’information de son butin à un condamné : illui avait, de même, confié un secret. Fatale erreur ! Écœurée et déçue, Kat largue Chuck et fait connaissance avec Clyde : un Noir malin et débrouillard, avec lequel elle fait rapidement équipe. Chuck, lui, se met sur la piste des deux voleurs, en commençant par le blond Stanley qui se trouve être le condamné en question ! Son complice indien — et amant — devrait donc lui restituer l’argent, mais l’affrontement sera sanglant, façon western.
Cet album n’est pas la suite ou le prologue du « Serpent et le coyote » (1), malgré les formats et styles graphiques similaires, l’environnement et la période, et malgré le clin d’œil final. Mais le jugement sera le même : graphisme tout aussi soigné et ample, et histoire prenante. L’époque donne un côté vintage aux scènes situées ailleurs que dans la nature. Celle-ci prend sans doute plus de place dans cet opus : animaux, paysages du début, puis désert hostile et soleil de plomb. Tout est parfaitement rendu et Xavier y est à son aise. Un western alors ? Le dessinateur use (et parfois, abuse) de l’espace — grandes planches, grandes cases, parfois doubles, très évocatrices — et multiplie les angles différents. Selon les scènes, on alterne entre découpage serré et longues descriptions contemplatives.
Évoquons maintenant le scénario de Matz. La trahison est un thème fréquent, surtout entre malfaiteurs : ce ressort essentiel ne surprend pas. Mais, ici, l’originalité tient à ce « spectre », inexplicable survivant de l’époque western, comme un salut à une référence historique : ou populaire, via le diptyque de Charlier et Giraud : « La Mine de l’Allemand perdu » et « Le Spectre aux balles d’or ». En aussi bonne compagnie, on ne peut que continuer… Mais en attendant, savourons une belle réussite !
(1) Voir sur BDzoom.com : « Le Serpent et le coyote » : il était une fois un affranchi….
« L’Or du spectre » par Philippe Xavier et Matz
Éditions Le Lombard (22,95 €) — EAN : 9782808214896
Puisque l’album est truffé de clins d’oeil et références, après la réserve réglementaire de la chronique, disons un peu plus sur les projets à peine voilés des auteurs. Evidemment, ne lisez pas ceci si vous voulez la surprise sur l’album.
Pour les clins d’oeil, outre le titre presque caricatural faisant référence au Blueberry « Le spectre aux balles d’or », et le mimétisme du vieux fou chercheur d’or avec le « spectre » du Blueberry, une case fait figurer discrètement Blueberry, assis avec d’autres à une table de saloon. Des extérieurs comme la ville fantôme évoquent aussi cet univers.
Certains disent que la femme Kat ressemblerait à Chihuahua Pearl, alors que Faye Dunaway serait plus son modèle (rappelons que la référence évoque bien 1970). D’autres avancent que Chuck ressemble à Blueberry avec son nez un peu cassé, ce dont on peut douter.
L’ensemble ramène toujours à la série de Charlier-Giraud, et au western en général. Eh bien, un album hommage collectif est en préparation, semble-t-il sur scénarios de Matz, avec au dessin Xavier bien sûr, et Toulhoat, Blutch, Meyer (quand même !), et d’autres qu’on ne connait pas encore.