« Culpabilis » : un roman graphique qui nécessite de sortir de nos tics de lecture…

Depuis 2007, Greg Shaw travaille au Musée de la BD du Centre belge de la bande dessinée de Bruxelles, dont il dirige la bédéthèque. À partir de 2021, il y devient aussi rédacteur en chef de la revue trimestrielle bilingue Le Dessableur/Zandstraal — laquelle ambitionne, surtout, de faire découvrir le 9e art belge d’avant 1930 (1) — et même, récemment, commissaire d’exposition. Par ailleurs, il est également un auteur de BD, souvent minimaliste (car il recherche inlassablement la forme narrative la plus épurée possible), et va sortir « Culpabilis » chez Leaf Stripping Books [voir https://leaf-stripping.sumupstore.com] dans les prochains jours. Les dessins de ce nouvel album concept, où un homme se rend coupable de la mort accidentelle de sa compagne, ont tous été réalisés en découpe (au cutter) sur des feuilles de format A3 : une technique qui suscite l’admiration.

Manifestement influencé par les collages d’Alberto Breccia ou par les livres expérimentaux de Marc-Antoine Mathieu, le Belge Gregory — dit Greg — Shaw, né à Gand (en Flandre-Orientale) en 1979, tente donc, ici, de concilier la BD et les arts plastiques : son passage à l’académie des Arts de Bruxelles, où il a suivi des cours certainement formateurs, semble avoir porté ses fruits…

Après des albums chez Atrabile, La Cinquième Couche ou Sarbacane volontairement abstraits — il s’y sert du minimalisme pour mettre en avant une narration picturale particulière, jouant avec les limites de la définition de la bande dessinée —, notre atypique créateur s’astreint, une fois de plus, dans « Culpabilis », à de formelles contraintes. Il utilise, notamment, des répétitions d’images et de dialogues pour mieux démanteler la conception du scénario d’une œuvre : ses faiblesses, sa réécriture et sa mise en forme.

Comme la manière de raconter semble plus l’intéresser que le dessin ou le récit lui-même, son propos est soutenu, dans chacun de ses livres, par un concept narratif différent. Car Greg Shaw est un chercheur qui essaie, à chaque fois, de se renouveler, avec un minimum de moyens, en changeant le rapport à la lecture. 

Ici, dans cet ouvrage de 128 pages où il multiplie les flashs d’images et économise, parfois à la limite du compréhensible, les textes pour aller à l’essentiel, il sollicite à nouveau énormément l’imagination du lecteur. En effet, ce dernier doit d’abord, avant de pouvoir l’apprécier à sa juste valeur, réfléchir pour assimiler comment fonctionne cette histoire d’un couple qui se dispute et dont la femme se tue accidentellement, alors que l’homme réagit de façon étrange, manquant d’empathie et dissimulant le corps…

Gilles RATIER

(1) 17 numéros et un hors-série de la revue bilingue (français-néerlandais) Le Dessableur/Zandstraal ont déjà été publiés par le Musée de la BD du CBBD de Bruxelles. Cette revue essaie de mettre en lumière des sujets et des auteurs de bandes dessinées peu évoqués, voire jamais abordés par le musée lui-même.

Outre l’habituelle et très intéressante partie très fournie sur la BD belge d’avant 1930, le dernier opus paru a pour fil rouge l’humour. Il propose ainsi une introduction au travail de l’Américain Charles Forbell (auteur de l’éphémère série humoristique « Naughty Pete ») et un exposé sur des albums d’hier et d’aujourd’hui combinant humour et Histoire : voir https://www.cbbd.be/fr/a-propos/le-dessableur.

« Culpabilis » par Greg Shaw 

Éditions Leaf Stripping Books (28 €) — EAN : 978260385519

Parution 3 septembre 2025

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