Par une opération surnaturelle, une trentenaire de nos jours se réveille dans le corps de la libraire new-yorkaise Tabatha Sands, au mois d’octobre… 1959 ! Après avoir repris ses esprits, elle décide de s’accommoder de cette curieuse situation et s’apprête à attaquer une nouvelle journée de jeune citadine, en compagnie de ses deux colocataires à la recherche d’emplois. Elle accompagne l’une d’elles à un casting et est choisie pour jouer la mascotte de Greenwich Village. Désormais affublée d’un costume de sorcière, elle va être confrontée au machisme de l’époque et se retrouver impliquée, puisque nous sommes en pleine guerre froide, dans une affaire d’espionnage : un jouissif récit rocambolesque réalisé volontairement sous contraintes feuilletonesques…
Lire la suite...« Un flic sous l’occupation » : la vie en noir…

Un double meurtre sordide dans le Paris occupé des années 1940… Pour l’inspecteur Marsac, chargé de résoudre l’affaire, avec ses collègues Brunet et Mercadier, le crime rappelle étrangement le mode opératoire d’un tueur. Un sinistre individu arrêté avant guerre, mais libéré par les Allemands ! Après la mémorable série « Amours fragiles », Jean-Michel Beuriot et Philippe Richelle replongent au cœur de ces années noires pour interroger le sens du devoir et les convictions personnelles. Entre Résistance et collaboration, les auteurs livrent le premier opus d’un polar qui interroge : comment arriver à rendre justice dans un pays… devenu état policier ?
Explorant déjà en profondeur les coulisses de la Deuxième Guerre mondiale, en racontant les « Amours fragiles » et perturbées de Martin et Katarina (Casterman, 2001-2023 ; voir article), Jean-Michel Beuriot et Philippe Richelle n’en avaient cependant pas fini avec cette sombre période. Comme l’explique le scénariste pour cette chronique, les auteurs avaient « envie de raconter un récit policier se déroulant sous l’Occupation, une période particulièrement affectionnée » par les deux hommes, rompus à l’exercice commun après 35 ans de… collaboration (sic). Validé chez Glénat par l’éditeur Franck Marguin, ce projet aura engagé une nouvelle coloriste (Albertine Ralenti), mieux à même de restituer l’ambiance polar du récit.
Après « Secrets Bancaires », « Les Mystères de la République » et « Affaires d’État », ce nouvel album initie un dytique (ou une série…) poignant, qui nous invite à réfléchir sur les choix et les conséquences en temps de guerre. À une époque où la collaboration avec les forces d’occupation et la Résistance sont une réalité quotidienne, le récit offre une plongée sous tension et plus vraie que nature dans les affres des années 1940. Très vite mis sur les traces de Lucien Grenier, un ancien truand qu’il avait arrêté lors de l’avant-guerre, l’inspecteur Marsac est placé devant un cruel dilemme : avec ses collègues Mercadier et Brunet, comment parvenir à boucler une enquête alors que le principal suspect vient d’être libéré par les Allemands ? Pire : il mène une vie confortable à Neuilly en travaillant pour le compte de l’occupant. Dans une France divisée, ou certains préfèrent démissionner et d’autres en profiter pour s’enrichir, Mercadier se retrouve tiraillé entre devoir et convictions, tandis que Marsac joue un jeu de plus en plus dangereux. Lui, qui menait jadis une lutte acharnée contre le grand banditisme, se retrouvera bientôt à la merci de Lucien Grenier. Contre toute attente, ce dernier a un marché à lui proposer…
Pour illustrer la couverture de ce premier volume, Jean-Michel Beuriot à multiplier les propositions, décrites ci-après.
« Les trois premiers projets n’ont pas été retenus, car ils restaient trop neutres. Visuellement, ils ne situaient pas assez clairement l’époque, alors que c’est un point essentiel : même si le titre mentionne l’Occupation, l’image devait immédiatement donner ce contexte historique. »
« Le quatrième projet, qui était ma préférence personnelle, me séduisait par sa sobriété et son charme. On y voyait un personnage féminin, les deux protagonistes dans une atmosphère détendue – l’un en service, l’autre attablé au bar – tous deux souriants. L’idée était de montrer une forme de quotidienneté, sans emphase héroïque, pour éviter de basculer dans les codes visuels d’une BD sur la Résistance. L’arrière-plan, avec le drapeau nazi, venait rappeler la période et ses enjeux. Sinistre certes, mais porteur d’une information claire et d’une tension discrète. »
« Le cinquième projet mettait davantage en avant le statut de policier du héros. Cependant, cette direction risquait de brouiller le message : on tombait alors dans des codes déjà très usés, proches du roman policier ou du film noir. La figure du flic nonchalant, la blonde en évidence… Tout cela me semblait trop cliché, et surtout à côté de notre sujet, qui cherche à raconter autre chose. »
« Le sixième projet, finalement retenu, synthétise mieux les différents éléments que nous voulions transmettre. Le drapeau nazi, omniprésent, situe sans ambiguïté l’époque. On retrouve le héros et l’héroïne, figures centrales de l’histoire. L’arme, qui devient ici symbole de menace et de violence, rappelle que la tension dramatique est toujours présente, même dans les moments du quotidien. Enfin, le tas de billets placé au cœur de la composition renvoie directement à l’intrigue et aux véritables enjeux du récit : argent, compromissions, survie. »
Dessiné dans un style réaliste, soulignant les petits et grands arrangements des trafics et du marché noir, « Un Flic sous l’occupation » interroge les réalités de l’activité policière et judiciaire entre 1939 et 1945. Rappelons que, suite à la saisie en 1940 des fichiers de la Sûreté nationale par les forces allemandes, le régime de Vichy, cherchant à unifier les différentes polices, créé en 1941 la Police nationale. Supervisée par René Bousquet puis Joseph Darnand, engagée de fait dans des actions contre la Résistance et les populations juives, la Police (réorientée selon trois axes : police judiciaire, renseignements généraux et sécurité publique) allait être partagée entre honneurs (grâce aux mouvements résistants Police et Patrie ou Honneur de la Police) et abjections (dont les 13 000 arrestations juives de la rafle du Véld’Hiv’ les 16 et 17 juillet 1942). Conservant néanmoins son rôle unificateur, auréolée du rôle joué par la préfecture de police lors de la libération de Paris, la Police nationale ne fut pas remise en cause après la Libération. L’épuration concerna toutefois près de 7 000 policiers, jugés comme particulièrement compromis. Avec son titre sec, éloigné des titres de « Nestor Burma », mais évoquant les polars des années 1960-1970 façon Jean-Pierre Melville (outre « L’Armée des ombres », en 1969, « Un flic » en 1972, avec Alain Delon…) et Jacques Deray (« Flic Story » en 1975, toujours avec Delon), ou encore ceux évoquant la mafia, « Un flic dans l’Occupation » s’inscrit dans le genre noir et réaliste, sombre et désenchanté. Il interroge l’époque et les méthodes, en reposant à chacun l’insondable et insoluble question : qu’aurions-nous fait, nous, dans la même situation ?

« Police nationale Révolution nationale » : affiche de propagande pour le recrutement de la Police nationale dans le cadre de la Révolution nationale du régime de Vichy (1941-1942).
Philippe TOMBLAINE « Un flic sous l’occupation T1 : Profit garanti » par Jean-Michel Beuriot et Philippe Richelle
Éditions Glénat (17,50 €) — EAN : 9782331089121
Parution 1er octobre 2025
Éditions Glénat (29,50 €) — EAN : 9782344072424 (pour l’édition en noir et blanc)
Parution 8 octobre 2025
Quelle grâce,dans une élégance de la ligne comme une évidence qui danse en volutes sur le « papier »(?),bref, quelle grâce parvient à donner Jean Michel Beuriot a son dessin .
Je ne le quitte pas depuis la publication longtemps demeurée inédite du Dernier Printemps dans les pages de (à suivre) qui ne cesse de manquer…
Délicatesse et correspondances du texte et de l’image,en si bonne entente.
Leur « Voltaire » se doit d’être redécouvert.
Merci à eux.