La poétesse américaine Emily Dickinson (1830-1886) est manifestement intrigante. Elle n’a été reconnue comme écrivaine qu’après sa mort, sa sœur découvrant alors 1 775 poèmes qu’elle avait écrits. Cette femme de bonne famille, solitaire, indépendante, insoumise et passionnée par les mots l’était aussi par les plantes et le monde sensible qui l’entourait, comme le montre joliment « Le Jardin d’Emily » de Lydia Corry.
Lire la suite...Les enfants, de Jean-Philippe Stassen
Au loin, ou plutôt au près, la guerre gronde. Les enfants dont nous parle Stassen n’ont pas d’espoir, ils vivent, tout simplement, en attendant mieux – ou pire.
Nous sommes en Afrique. Dans un pays sans nom qui pourrait en porter de nombreux. Pas question pour ces enfants d’instruction, de projection dans le futur, de logique carriériste, de mariage, ou même de vie de famille. D’ailleurs, de famille, ils n’en ont plus . Le quotidien de ces orphelins qui ont déjà vécu trop de drames se résume à une errance entre deux orages dévastateurs, qu’ils attendent avec fatalisme. Il y a là Mongol, qui ne parle plus qu’aux animaux, Angel, pris de maux de tête incessants et Airbus, rebelle aux positions déjà très extrêmes. Les trois sont vite rejoint par Black Domino, qui joue le « beau », seul rêveur d’une vie ailleurs. Tous s’essayent à la vannerie, dans le centre humanitaire « Save the children », dirigée par Anita, une jeune suédoise humaniste aux airs candides, et son ami.
A la différence des missionnaires de Déogratias, le précédent chef-d’œuvre de l’auteur mettant en scène le drame du Rwanda , Anita ne quitte pas le navire, quand le feu de la colline s’approche de la ville, pour revenir ensuite, en donneur de leçon. Mais devant les faits, elle s’en va. Définitivement. Car vient l’horreur. La plupart des enfants (sauf Black Domino, qui n’entend rien à ces choses là, plus individualiste sans doute) y participent, un peu comme Lacombe Lucien le héros du film de Louis Malle rejoint la milice française pendant la seconde guerre mondiale, sans doute pour exister.
La violence, moins présente au premier plan que dans Déogratias , est toute aussi latente. L’œuvre, aussi puissante et bouleversante, se conclut sur la perte des illusions de ceux qui penser donner d’eux mêmes à la reconstruction, et par cette phrase terriblement lourde de résignation, réflexion froide qui pourrait paraître scandaleuse, si elle n’était pas prononcée dans un contexte aussi tragique : « Depuis toujours, autant que l’innocence, la méchanceté est naturelle à ces enfants ». C’est l’abandon qui les guette. De tous ! LT