PLUS DE LECTURES DU 7 FEVRIER 2005

252 nouveautés BD sont parues dans le mois de janvier (contre 173 l’an passé) ! Malgré cette production toujours aussi abondante, il ne faudrait pas que vous ayez raté ces cinq albums : “ Ripple : une prédilection pour Tina ” par Dave Cooper aux éditions du Seuil, “ La bouche sèche ” par Jean-Philippe Peyraud aux éditions Treize Etrange, “ Big Bill est mort ” par Walther Taborda et Wander Antunes aux éditions Paquet, “ Monster T.18 : Scène d’apocalypse ” par Naoki Urasawa aux éditions Kana et “ Vampires T.1 ” par Osamû Tezuka aux éditions Asuka.

 


Ripple : une prédilection pour Tina ” par Dave Cooper


Editions du Seuil (12,50 Euros)


Le travail du canadien anglophone Dave Cooper reste encore inconnu dans les pays de langue française ; c’est pour cela qu’il faut saluer cette première traduction, fort bienvenue, de Nikola Acia (sous la direction de Vincent Bernière) aux éditions du Seuil. Publié originellement en 2004, il s’agit donc d’une des œuvres les plus récentes de cet auteur acclamé outre-atlantique pour ses comics parus chez Fantagraphics Books et récompensé par de nombreux prix et nominations aux prestigieux Harvey Award. Alternant les styles et les registres, il est également recherché pour ses couvertures et illustrations de livres d’enfants où il explore un étrange univers animalier avec un trait assez outrancier. «Ripple, a predilection for Tina», une de ses œuvres les plus troublantes, est un exemple de son talent foisonnant et sert d’initiation à ses obsessions pour les femmes grosses et laides : psychanalyse de son anxiété et de ses peurs surréelles ! Bizarrement, le graphisme underground réaliste adopté ici (on pense beaucoup à Crumb) nous attire et nous dégoûte à la fois, à l’image des rapports désir/répulsion entre les deux protagonistes de cette curieuse histoire. Un jeune artiste peintre reçoit une bourse d’Etat pour préparer une exposition sur l’érotisme de la laideur. Il distribue sa carte de visite à quelques passantes triées sur le volet, afin de trouver ses modèles. C’est alors qu’une jeune femme blonde, grassouillette et au physique ingrat, se présente et va finir par exercer une attirance sexuelle peu commune sur l’artiste : un récit charnel, sensuel et impudique mais également génial, quelque part !


 


La bouche sèche ” par Jean-Philippe Peyraud


Editions Treize Etrange (17 Euros)


Délaissant quelques temps sa série au long cours qui met en scène une sympathique bande de jeunes adultes («Premières chaleurs» chez Casterman), Jean-Philippe Peyraud revient à ses premières amours en BD : les chroniques sociales, intimistes et sentimentales, à travers 12 nouvelles touchantes et amusantes à la fois. En effet, ce talentueux et prolifique auteur a publié (seul ou sur des scénarios de Christopher), depuis 1995, de nombreux opus où son graphisme clair, dépouillé et expressif faisait déjà merveille dans le genre. C’est ainsi qu’il fût publié par La Comédie Illustrée (structure d’édition dont il est l’un des co-fondateurs avec Christopher) mais aussi chez Le Cycliste, La Cafetière, Ciel Ether, Vents d’Ouest, Glénat et Treize Etrange (bien avant la reprise de ce label par Milan), mangeant, sans vergogne, à tous les râteliers. En s’essayant ici, avec succès, au genre difficile de la nouvelle littéraire en BD, Jean-Philippe Peyraud nous parle des travers de la vie quotidienne et nous décrit, avec humour et sensibilité, douze situations compliquées et pourtant courantes. Dans un climat mélancolique et tendre, nous y croisons un père qui ne voit sa fille qu’en alternance, des parents séparés de leurs enfants après le réveillon de Noël, un SDF qu’un jeune homme n’aborde qu’avec timidité… «La bouche sèche» c’est quand les mots nous manquent ou restent coincés dans la gorge…, dans ces moments là…


 


Big Bill est mort ” par Walther Taborda et Wander Antunes


Editions Paquet (15 Euros)


La collection «Blandice» des éditions Suisses Paquet regroupe uniquement des récits complets un brin novateurs, que ce soit par leur graphisme ou par leur narration. Cet album est signé par un dessinateur argentin au trait réaliste, fin et détaillé, et par un scénariste brésilien au grand professionnalisme, comme en atteste aussi l’un de ses autres albums traduits par la même maison d’édition : «Ernie Adams» (dessins de José Aguiar). L’originalité de «Big Bill est mort», récit tragi-comique, se trouve surtout dans le découpage, lequel propose de nombreux retours en arrière pour tenter d’expliquer les raisons du meurtre de Big Bill, un noir dont le corps, atrocement mutilé, se balance au bout d’une corde, devant ses deux jeunes frères qui attendent le shérif local. Il faut bien dire que dans cette ville de l’Amérique du siècle dernier où le racisme est présent à tous les coins de rue, il n’est guère surprenant que ce bel homme au teint d’ébène, qui avait peu d’amis et de nombreuses maîtresses blanches, soit passé de vie à trépas. Chaude ambiance pour cette BD exotique qui dénonce habilement cynisme et racisme d’une population opprimée ! Enfin, il ne faut pas négliger l’apport de la couleur, surtout dans les scènes de nuit qui sont particulièrement réussies.


 


Monster T.18 : Scène d’apocalypse ” par Naoki Urasawa


Editions Kana (8,95 Euros)


Eblouissant final pour cet étonnant thriller psychologique, créé en 1995 pour la revue japonaise Big Comic Spirits (mensuel d’environ 400 pages imprimé sur du papier recyclé), que le public francophone a seulement découvert en 2001. Un chirurgien, qui sera injustement accusé de meurtre, préfère sauver la vie d’un jeune garçon plutôt que d’opérer le maire de la ville. Sa course poursuite, qui l’entraînera jusque dans l’ancien bloc de l’Europe de l’Est, pour prouver son innocence, s’achève ici. Le mangaka Naoki Urasawa est un grand feuilletoniste et il a composé ici une oeuvre complexe et fascinante, fort bien construite, égrenant évènements et révélations tout au long des 18 volumes de la version française ; notons que, pour la première édition, la réplique du livre de conte dont il est question dans la série est offerte avec l’achat de cet ultime volet qui est à la hauteur des 17 autres opus de ce manga d’exception. «Monster» est donc exceptionnel par ses qualités narratives et graphiques (dont on soulignera surtout l’évidente efficacité) mais aussi par le fait qu’il a amené un large public, pourtant réfractaire au départ, à l’apprentissage de la lecture inversée du manga. Cette série culte n’a pas fini d’être lue et relue par les aficionados et par les simples amateurs de bonne BD : car «Monster», tout comme l’autre série phare de Urasawa («20th Century Boys» chez Panini), est avant tout une formidable bande dessinée !


 


Vampires T.1 ” par Osamû Tezuka


Editions Asuka (6,95 Euros)


Le jeune catalogue des éditions Asuka est étonnant ! Cette filiale de la société Daipen (vente de mangas en ligne) propose des traductions de BD japonaises orientées adultes (on dit «seinen» quand on est dans le coup !) qui vont de la redécouverte patrimoniale de l’œuvre de Tezuka à des histoires d’amour lesbiens (comme les très intéressants «Entre les draps» d’Erica Sakurazawa ou «Indigo blue» de Yamaji Ebine qui viennent de paraître) en passant par quelques titres d’horreur. Ils essaient d’intéresser le public du franco-belge qui dédaignait encore le manga il y a quelques années et qui commence maintenant à lire Taniguchi ou Urasawa et bien sûr le fondateur du manga moderne qu’est Tezuka. Ce dernier s’est mis à aborder des thèmes plus adultes vers le milieu des années 1960 et, justement, les 1000 pages de «Vampires» (qui, en fait, met en scène des loups-garous) font partie de cette tendance puisqu’elles sont parues entre 1966 et 1967 (cela fera 3 volumes pour la version française). Avec cette adaptation libre du «Macbeth» de Shakespeare, le Hergé japonais nous surprend une fois de plus, alliant son graphisme rondouillard à de multiples rebondissements saupoudrés d’une bonne dose d’humour et d’ironie. Un jeune garçon qui fait partie de la tribu des vampires (qui ont la possibilité de changer de forme) devient un loup quand il se met à détester quelqu’un. Alors que ses congénères, depuis longtemps opprimés par la société des hommes, préparent une révolution, cet enfant passionné par les dessins animés va tenter de les arrêter en faisant appel au président d’un studio d’animation : un certain Osamû Tezuka, lequel n’a pas le plus beau rôle dans cette histoire fantastique absolument pas manichéenne ! Petit message personnel aux éditeurs : pourquoi avoir choisi ce format si petit et si difficile à lire pour ceux qui n’ont pas de bons yeux ou qui commencent à se faire vieux ? Cela ne met guère en valeur cette excellente BD !


 


Gilles RATIER


 

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