PLUS DE LECTURES DU 14 FEVRIER 2005

En général, en février, la production BD est un peu plus calme (vacances scolaires oblige !). Nous vous avons quand même trouvé cinq petites perles à lire absolument : “ Diégo de la S.P.A. ” par Eric Cartier et Coyote aux éditions AUDIE/Fluide Glacial, “ Charmes fous ” par Olivier Balez et Corbeyran aux éditions Dargaud, “ Les scorpions du désert T.5 : Le chemin de fièvre ” par Pierre Wazem aux éditions Casterman, “ Incognito T.1 : Victimes parfaites ” par Grégory Mardon aux éditions Dupuis et « Le cycle de Cyann T.3 : Aïeïa d’Aldaal » par François Bourgeon et Claude Lacroix aux éditions Vents d’Ouest.

 


“ Diégo de la S.P.A. ” par Eric Cartier et Coyote


Editions AUDIE/Fluide Glacial (9,95 Euros)


Dans la pure ligne Fluide Glacial, cette nouvelle BD, pleine d’humour, nous permet de retrouver le graphisme efficace, cinglant et sympathique à la fois, d’Eric Cartier, lequel convient parfaitement pour illustrer les dialogues sarcastiques de Coyote ; ce dernier se débrouille d’ailleurs comme un chef, en tant que scénariste ! Diego est un chien (qui parle !!!) abandonné à la SPA de Fleuri-Méroupette. Complice d’un gardien sourdingue, ce bull-terrier attendrit les visiteurs grâce à son œil mouillé ; mais les diverses tentatives pour l’adopter tournent, la plupart du temps, à l’échec : son don de baratineur le faisant rapidement devenir insupportable. Au détour de huit historiettes toutes en couleurs (dans tous les sens du terme), les auteurs dressent des portraits pas toujours reluisants de l’humanité. Mais, au bout du compte (ou des contes, comme vous voulez), les hommes (ou plutôt les femmes) montreront qu’ils sont aussi capables de nous attendrir et que, finalement, la misandrie n’a pas lieu d’être de mise ! Espérons, qu’avec cette série, Eric Cartier trouvera enfin le succès populaire qu’il mérite, ne serait-ce que pour le remercier d’avoir été aussi actif ces 20 dernières années dans le monde de la BD.


 


“ Charmes fous ” par Olivier Balez et Corbeyran


Editions Dargaud (13,50 Euros)


Décidément, le registre décalé et le fantastique rural convient parfaitement à Eric Corbeyran, scénariste prolifique plus connu pour sa série «Le chant des stryges» que pour ces «one shot» au second degré désopilant, genre qu’il avait inauguré l’an passé avec «Le village qui s’amenuise». C’est donc de nouveau avec le prometteur Olivier Balez, au trait incisif et charmeur, qu’il récidive avec cette enquête, dans la même collection «Long courrier».  Sébastien Dugroin, un publicitaire parisien (Dugroin ! Une agence qui a du pif ! Ah ! Ah ! Ah !  ) revient dans la campagne de son enfance : quelque part entre Barbezieux et Angoulême ! Accompagné d’une ravissante idiote, le jeune homme (qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Frédéric Beigbeder) quitte l’activité débordante de la capitale pour venir aux funérailles de son père, décédé à la suite d’un accident de voiture : il a été renversé et dévoré par un chargement de cochons (nous vous rappelons qu’il s’appelle Dugroin ! Ah ! Ah ! Ah ! ). Torturé par leur propre culpabilité, tout le village vient rendre un dernier hommage à la victime, laquelle se révèle être, en fait, un insatiable coureur de jupons. Très vite, l’endeuillé va être confronté à la sorcellerie locale et aux autres superstitions ou envoûtements provinciaux. Sans complaisance, mais avec beaucoup d’humour, les auteurs pointent la crédulité des français (un sur deux croit dur comme fer à la magie noire !) avec un certain cynisme qui s’accommode bien de cette fort agréable ballade oxygénante.


 


Les scorpions du désert T.5 : Le chemin de fièvre ” par Pierre Wazem


Editions Casterman (16,75 Euros)


Alors que l’on célèbre les 10 ans de la mort d’Hugo Pratt, le Suisse Pierre Wazem reprend et se réapproprie complètement, avec un certain talent et un respect évident de l’œuvre originale, «Les scorpions du désert» : série crée par Pratt en 1969 et qui met en scène l’unité britannique Long Range Desert Group, en Ethiopie, au début de la seconde guerre mondiale. Certes, les inconditionnels du maître vénitien vont certainement y trouver à redire ! Pourtant, le prolifique jeune auteur (autant dessinateur que scénariste) s’en sort honorablement : son trait et l’atmosphère générale (entre onirisme et romantisme) rappellent inévitablement le style du créateur de «Corto Maltese», mais l’ensemble est en adéquation avec une narration plus proche de la «nouvelle BD». Le lieutenant Koinsky, juif polonais sincère mais cruel, doit rejoindre avec discrétion son ami De La Motte ; pour ce faire, il traverse le désert déguisé en guerrier Galla et rencontre nombre de dangereux individus sur son chemin : une belle guerrière-sorcière, un soldat italien juif à la chemise noire, un fusilier indochinois déserteur de l’armée française, un chasseur de têtes partisan de l’empereur éthiopien… Sachez aussi que cette suite est disponible en version cartonnée et en couleurs (dues à Patricia Zanotti, la coloriste attitrée de Pratt) ou dans une présentation brochée en noir et blanc ; enfin, notons également l’intéressante postface de Jean-Claude Guilbert, grand reporter, qui prépare un livre de souvenirs racontant quinze ans de complicité avec Hugo Pratt.


 


“ Incognito T.1 : Victimes parfaites ” par Grégory Mardon


Editions Dupuis (9,50 Euros)


Grégory Mardon fait partie de cette génération influencée par la nouvelle BD (représentée par les Sfar, Trondheim, Larcenet, Blutch et autres David B.) et avec laquelle il va falloir, désormais, compter ! Après une formation dans le dessin animé et divers «one shot» plutôt réussis, revoici notre auteur complet qui entame sa première série avec un héros récurrent : un personnage que nul ne remarque et qui se sent quasi transparent ; notons que nous avions déjà fait connaissance avec cet individu discret dans l’excellent «Corps à corps», son précédent album (basé lui aussi sur les chassés-croisés) et paru l’an passé chez le même éditeur. Un soir de beuverie, notre héros se lance dans l’escalade d’une façade d’immeuble et tombe du deuxième étage. Suite à cette mauvaise chute, il va rencontrer une charmante et pulpeuse kinésithérapeute qui habite avec un étrange handicapé. Pour une fois que l’on fait attention à lui, le jeune homme n’est pas au bout de ses peines…, car la société des hommes n’est pas de tout repos ! Dès les premières pages, le lecteur est pris au piège et s’apitoie, presque malgré lui, sur le sort de ce pauvre petit parisien névrosé. Confirmant son talent d’analyste des relations humaines en renouvelant, page après page, notre intérêt pour cet engrenage dans le mal-être urbain, Grégory Mardon a trouvé son style : un propos passionnant sur les dégâts intérieurs provoqués par une manipulation destructrice, une mécanique narrative impeccable et un graphisme élégant et maîtrisé !


 


« Le cycle de Cyann T.3 : Aïeïa d’Aldaal » par François Bourgeon et Claude Lacroix


Editions Vents d’Ouest (euros)


Voici la troisième partie du Cycle de Cyann qui paraît, enfin, après sept années de démêlés juridiques qui ont amené la Cour d’appel de Paris à considérer la perte réciproque de confiance entre les parties et à prononcer la résiliation du contrat, relatif à cet album, qui liait les auteurs à leur éditeur. Le livre sort donc finalement tel que François Bourgeon et Claude Lacroix l’ont voulu, ayant trouvé chez Vents d’Ouest, un éditeur respectueux de leur besoin de liberté pour créer. L’héroïne futuriste, égarée dans l’espace et le temps, se retrouve sur une planète piégée. Une alliée improbable et imprévisible, qu’elle devra apprivoiser et dont elle devra aussi se méfier, va l’aider à quitter cet enfer. Ce nouveau décor, qui doit beaucoup à Claude Lacroix (études en noir et blanc, recherche sur les engins, embarcations et costumes, imagination de la faune et de la flore…), permet de renouveler la série tout en restant fidèle à l’esprit de base. Cet opus, qu’il faut prendre comme une respiration dans les aventures de ce personnage individualiste et évolutif qu’est Cyann, démontre, une fois de plus, que le talent illustratif et narratif du dessinateur est toujours présent. La luminosité de sa mise en couleur, son souci du détail, la richesse et l’originalité de son univers confirment, si besoin en était, que François Bourgeon est l’un des auteurs les plus importants du 9ème art, autant par son œuvre que par ses prises de positions !


 


Gilles RATIER


 

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