Avec « Le Tombeau des chasseurs », le talentueux Victor Lepointe évoque la tragédie collective d’une bataille vosgienne en 1915 et, plus encore — par le regard de l’un d’eux, Victor Granet —, scrute l’intimité des sentiments de ces chasseurs alpins sacrifiés. Plongée dans la si mal nommée Der des ders…
Lire la suite...Le dessin Jap’anime : Construire ses personnages
Menton pointu, nez à peine esquissé, grands yeux brillants, syncrétisme des styles vestimentaires : tout le monde a en tête ce style « jap’anime », celui des mangas et des séries animées Candie ou Albator.
Dans les années 1980, des observateurs superficiels glosaient à l’envie sur la technique de production industrielle japonaise, parfaitement rationnelle en termes économiques, mais en apparence détachée des exigences artistiques occidentales, soulignant le caractère stéréotypé des personnages, des arrières plans simplifiés à l’extrême (sans rien dire des dialogues réduits et des scénarios linéaires), bref un forme de simplicité qui rapprochait les réalisations nippones d’une production culturelle de masse.
Pourtant, il n’en est rien, comme le prouve l’ouvrage Tadashi Ozawa ; car l’école de dessin japonaise, très orientale dans sa philosophie, se révèle au final des plus exigeantes (l’auteur conseille par exemple de partir d’un dessin exhaustif sans faire l’économie dans la représentation des parties pourtant invisibles). Reposant non seulement sur un jet plein de fluidité mais aussi sur une maîtrise approfondie des expressions et du mouvement, cette école excelle dans les mises en cases nerveuses et le rendu des évolutions corporelles les plus audacieuses (nécessité probablement née à la base du besoin de parfaitement traduire les scènes de combats d’art martiaux), toutes capacités qui appellent une maîtrise sans faille. C’est ce que révèle ce cours de dessin très pédagogique. Au fil des pages, on apprend ainsi à regarder d’un autre oeil ce trait fluide et d’apparence « facile » caractéristique des mangas.
Bien sûr, ce manuel se propose explicitement de guider l’apprenti dessinateur sur les pas des maîtres japonais. Mais il apportera aussi d’utiles conseils à tous ceux qui souhaitent perfectionner leur manière, indépendamment de la référence nippone. Les premiers chapitres notamment se révèlent particulièrement riches d’enseignements, qui part de croquis commentés de débutants et propose le jugement critique, puis la réalisation finale, du professionnel. Le point fort de l’ouvrage repose sur sa progressivité et son approche tridimensionnelle du dessin, pour apprendre à respecter les proportions, à modéliser un visage, à rendre une expression ou à traduire un style reflétant la personnalité du héros. Et lorsque l’on connaît les difficultés de nombreux dessinateurs, même confirmés, dans la représentation des mains et la maîtrise de l’occupation de l’espace, on comprend toute la pertinence des conseils donnés par Tadashi qui destine in fine cet ouvrage à tous, débutants mais aussi auteurs déjà bien lancés dans la carrière. Une réussite qui donne autant envie de se plonger dans la relecture des mangakas japonais que de tâter à son tour du crayon.
Joël DUBOS
Le dessin Jap’anime, t.1, Construire ses personnages, Tadashi Ozawa, Eyrolles, 17 euros.