Il semblerait que l’éditeur Altercomics, ait tenu ses promesses de faire un effort conséquent sur la traduction en langue française et l’orthographe des textes de certains fumetti du célèbre catalogue de Sergio Bonelli, qu’ils ont commencé à publier depuis le mois d’août (1) : preuve en est la parution des n° 2 disponibles depuis le 8 novembre… Nous en sommes vraiment heureux, notamment pour l’excellente série policière « Julia », scénarisée par Giancarlo Berardi et illustrée pour cet épisode par le virtuose Corrado Roi : voilà qui devrait ravir les amateurs de bandes dessinées populaires italiennes en noir et blanc !
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 13 JUIN 2005
Voici un début de mois juin qui s’annonce fort bien avec ces cinq BD qui, au milieu d’une production pléthorique, ont réussi à nous conquérir : “ Olivia Sturgess 1914-2004 ” par Jean-Claude Floc’h et François Rivière aux éditions Dargaud, “ Les Cahiers de la Bande Dessiné présentent Les Aigles Décapités ” par Brieg F. Haslé aux éditions Glénat, “ Une folle aventure de Super Cochon ” par Efix et Loïc Dauvillier aux éditions Carabas, “ Soda T.12 : Code apocalypse ” par Bruno Gazzotti et Tome aux éditions Dupuis et “ Bouncer T.4 : La vengeance du manchot ” par François Boucq et Alexandro Jodorowsky aux éditions Les Humanoïdes associés.
“ Olivia Sturgess 1914-2004 ” par Jean-Claude Floc’h et François Rivière
Editions Dargaud (15 Euros)
C’est le retour à la BD de deux esthètes anglophiles, l’un étant devenu, entre-temps, un dessinateur très recherché pour ses affiches de films, l’autre s’étant surtout fait remarquer comme biographe d’auteurs phares de la littérature anglo-saxonne. C’est justement sous la forme d’une BD biographique que, presque 30 ans après leur première collaboration, ces deux auteurs emblématiques des années 80 réactivent leur couple fétiche aux relations ambiguës. La romancière Olivia Sturgess, très en vogue dans les milieux intellectuels londoniens, et le critique littéraire Francis Albany, ont été régulièrement confronté à des enquêtes policières que nous pouvons retrouver dans la trilogie anglaise : «Le rendez-vous de Sevenoaks», «Le dossier Harding» et «A la recherche de sir Malcolm». Utilisant le prétexte d’un documentaire télévisé en hommage posthume à Olivia, les auteurs fouillent, avec malice, la vie intime de cette fascinante femme du monde littéraire, affirmant ainsi, tel qu’ils l’ont toujours fait, leur volonté de nous faire croire à la véritable existence de ces héros de papiers plus anglais que nature. De nombreuses lettres, anecdotes et témoignages d’amis comme Noel Coward, Charlotte Rampling, André Malraux, Somerset Maugham ou les acteurs de «Chapeau melon et bottes de cuir» sont alors accumulés pour mieux nous en convaincre. Entre nostalgie et ambiance british, le tout illustré par une ligne claire très sophistiquée, les auteurs nous offrent un beau portrait de femme du siècle passé !
“ Les Cahiers de la Bande Dessiné présentent Les Aigles Décapités ” par Brieg F. Haslé
Editions Glénat (12 Euros)
Créée par Jean-Charles Kraehn et Patrice Pellerin, en 1985 pour la revue Vécu des éditions Glénat, «Les Aigles décapitées» est une passionnante saga médiévale. Au détour de 18 albums, dont un nouveau («L’écuyer d’Angoulesme») vient juste de paraître, les auteurs (relayés au fil des années par Michel Pierret et Erik Arnoux) nous retracent les exploits d’Hugues de Crozenc et de sa descendance. Ces aventures, fort bien documentées, et dont une grande partie se passe en Creuse, ne vont pas s’arrêter là car Michel Pierret envisage de reprendre la série en assumant, seul, les dessins et le scénario. Ce feuilleton historique méritait bien que l’on s’attarde un peu plus sur ses auteurs et sur la conception des différents cycles qui le composent. Brieg F. Haslé, journaliste spécialisé et reconnu dans le monde de la BD, lui a consacré un dossier très complet et fort réussi (avec interviews de tous les auteurs, articles de fond et bibliographies) dans le dernier n° des Cahiers de la Bande Dessinée. Cette revue qui se présente désormais sous la forme d’un album cartonné, très illustré, est disponible dans toutes les bonnes librairies.
“ Une folle aventure de Super Cochon ” par Efix et Loïc Dauvillier
Editions Carabas (8,50 Euros)
«Les petits chats carrés», c’est une nouvelle collection des éditions Carabas, destinée aux jeunes lecteurs (entre 6 et 10 ans). Ces petits ouvrages de format carré, très bien réalisés, pourraient bien servir de passerelle entre le texte illustré destiné aux plus petits et la BD. En tous cas, les quatre premières parutions sont à la hauteur de leur prétention. Jérôme Martineau et Loïc Dauvillier, les responsables de cette excellente initiative, ont choisi des auteurs talentueux aux graphismes parlants pour les enfants (ceux de David Bolvin, François Duprat, Michaël Roux, Hyuna, Jack Manini…). C’est aussi le cas pour cette folle aventure de «Super Cochon», un pastiche de Batman, lequel bénéficie du dessin cartoonesque et pêchu d’Efix. Notons qu’il n’y a aucune bulle : ce qui ne veut pas dire que le scénariste n’a fait aucun boulot dans cette histoire délirante et bon enfant ; en effet, il est responsable du découpage et de l’enchaînement des actions. C’est d’ailleurs le point fort de ces petites aventures sans prétention qui raviront petits et grands : du très bon boulot, quoi !
“ Soda T.12 : Code apocalypse ” par Bruno Gazzotti et Tome
Editions Dupuis (9,80 Euros)
Nous retrouvons avec plaisir ce flic new-yorkais qui fait toujours croire à sa mère, fragile du cœur, qu’il n’est qu’un tranquille pasteur. De plus en plus désabusé, limite dépressif, l’impitoyable héros abat un jeune homme de 17 ans, lors d’une mission particulièrement sanglante. Soda a bien du mal à s’en remettre, d’autant plus que la victime était au service du gouvernement. Par sa faute, la sécurité de l’Etat est en péril et David Salomon (le vrai nom de Soda) doit remplacer le tueur au pied levé, afin d’identifier la provenance de colis piégés à l’anthrax. Avec ses dialogues enlevés et ses scènes rythmées, le scénariste du «Petit Spirou» dénonce la manipulation sécuritaire du système américain. Cet épisode est particulièrement noir mais on y apprend beaucoup de choses sur la vie intime de la plantureuse Linda, le caporal ressource de notre courageux et compétent lieutenant de police. Saluons aussi l’efficacité du dessin vigoureux et dynamique de Bruno Gazzotti (secondé efficacement par le jeune Olivier Labalue) qui illustre parfaitement ce polar mouvementé et toujours attachant !
“ Bouncer T.4 : La vengeance du manchot ” par François Boucq et Alexandro Jodorowsky
Editions Les Humanoïdes associés (12,60 Euros)
Le Bouncer, enfant d’une prostituée et d’un indien, est un manchot qui a appris à se faire respecter. Parachuté bourreau officiel par les notables de la ville, il lui est ordonné de pendre sa bien aimée, une fille de joie accusée d’un meurtre qu’elle n’a pas commis. Le Bouncer promet de la venger ! Dans cet album, il va découvrir que son père était, en fait, un grand chef indien et il va tomber de nouveau amoureux… Actions cinématographiques, bagarres sanglantes, décors somptueux, climat oppressant…, tout est là pour faire de ce western-tragédie un feuilleton BD à grand spectacle : et la sauce fonctionne parfaitement. Remplissant, sans état d’âme, leur série grand-guignolesque d’héroïsme vain, de douleur, de drames atroces et d’un vague espoir d’amour, Boucq et Jodorowsky redonnent du souffle au genre western : il était temps…
Gilles RATIER