Disparu il y a déjà sept ans, René Pétillon — bien connu pour ses dessins d’humour dans Le Canard enchaîné, mais aussi pour son inénarrable détective Jack Palmer dont l’enquête corse a notamment fait parler de lui, car adaptée au cinéma — (1) avait travaillé, depuis 2008, sur ce scénario quasiment achevé. Bien qu’il en ait également assuré partiellement le découpage et les crayonnés (donc, il ne restait pratiquement plus qu’à dessiner l’album), il avait abandonné cet ultime projet pour différentes raisons, dont la nécessité d’honorer d’autres entreprises en cours. C’est le célèbre Manu Larcenet (2), récemment auréolé de son adaptation de « La Route », qui a été approché pour s’approprier l’histoire, la terminer et la mettre en images : un très bon choix !
Lire la suite...Mourir au Paradis

Les événements dans les banlieues françaises nous montre à quel point la notion de concentration sociale peut être destructrice pour nos sociétés. Pierre Christin en convient, mais chez lui, contrepied malicieux de l’actualité, ce sont les ghettos pour riches qui sont sujets à réflexion.
Heaven’s Estate : le domaine du Paradis. Une de ces « gated city » américaines, des communautés fermées à destination des plus richissimes, gardées jour et nuit et où on ne rentre que parcimonieusement, sur invitation ou pour effectuer des services divers. Comme les livraisons, par exemple. Celles-ci sont le boulot des mexicains, qu’ici on appelle tous « Pancho » : c’est plus pratique ! Les familles vivent en vase clos, sans nouvelles « terrifiantes» de l’extérieur. Les enfants sont évidemment surprotégés mais laissés à l’abandon. Et ils s’ennuient ferme. Alors, désœuvré, sans référence sociale ni culturelle, ils dérapent. Et pas qu’un peu !
Alain Mounier, le dessinateur d’Exit et des Abîmes du temps, illustre avec sérieux et efficacité le réalisme sombre du récit (qu’on ne souhaite pas qualifier d’anticipation) d’un Pierre Christin en grande forme, qui a retrouvé (mais l’avait-il vraiment perdu ?) sa vison (trop) lucide de notre époque et sa verve revendicatrice politico-sociale des années Bilal.
Laurent Turpin
Dargaud – Long courrier – 13.5€