« Les Aventures de Gérard Crétin » est une bande dessinée en une page proposée dans le mensuel Mikado des éditions jeunesse Milan, entre 1989 et 1994, et c’est la première série de gags que l’immense Florence Cestac (1) a créée spécifiquement pour la presse ! Son antihéros a tendance à être vantard et gaffeur : il croit souvent savoir tout faire mieux que les autres et être le meilleur en tout… Mais il est quand même attachant, car terriblement naïf ! Ainsi, il enchaîne les situations hilarantes et embarrassantes, incarnant, avec une tendre absurdité, certains travers humains. Le trait de la reine du gros nez en BD y est déjà unique, même si elle juge avoir fait quelques progrès depuis. Mais comme le dit elle-même : « un petit coup de nostalgie, ça ne peut pas faire de mal ! »
Lire la suite...« Waluk » par Ana Mirallès et Emilio Ruiz

Un voyage au pays des ours polaires, mais pour combien de temps encore ?
Waluk, l’ourson, est seul. Sa mère est partie, l’a abandonné. Affamé et fatigué, il erre sur la banquise, se nourrit d’algues, de poissons morts ou d’œufs de canards qu’il fait fuir à grands renforts de grognements menaçants. C’est alors qu’il rencontre Esquimo, un vieil ours presqu’aveugle et efflanqué, qui le prend en affection et veut lui transmettre son savoir.
Les deux ours font désormais route ensemble et parcourent la banquise. Esquimo met Waluk en garde contre les humains, ceux « qui n’ont pas de peau, […] qui marchent sur deux pattes, […] qui ont des bâtons qui tuent de loin, […] qui sont méfiants et tricheurs. » Ensemble, ils s’aventurent pourtant sur les terres des hommes et Waluk comprend alors que son ami a vu juste. Même si la nourriture est plus facile à attraper chez ces étranges créatures, il ne faut pas s’en approcher, car ils ne respectent ni la nature ni la liberté …
Emilio Ruiz et Anna Mirallès signent là un très beau récit initiatique qui délivre un message écologique et humaniste. Les jeunes lecteurs s’identifieront aisément à l’ourson qui fait un rude apprentissage de la vie et qui tire partie des expériences vécues seul ou aux côtés de son ami. Il comprend aussi que, parfois, la solidarité et l’entraide sont des leviers essentiels pour résister aux humains et rester des êtres dignes. C’est ainsi qu’il grandit, Waluk, qu’il devient un ours très grand et très puissant, et qu’il accède au rang de mythe. On parle de lui sur la banquise comme le fils du grand Nanook, l’ours dieu.
Ce récit touchant, ponctué de petites notes d’humour qui nous renvoient aussi à l’enfance et à l’insouciance, est servi par les images d’Ana Mirallès, qui choisit un format à l’italienne plus propice à dessiner la banquise où l’on ne distingue pas toujours l’horizon. Elle explore une gamme de blancs, de gris et de bleus très subtils, et saisit à merveille les expressions de ses personnages. Elle montre la neige qui se ternit au contact des hommes, les terres mornes jonchées de détritus et des rebuts de notre civilisation. Cette dégradation des paysages est vue à travers les yeux du jeune Waluk, qui découvre, étonné, une route couverte d’asphaltes ou un train rempli de touristes. Mais Waluk apprend vite et choisit, sagement, de prendre le nord.
Catherine GENTILE
« Waluk » par Ana Mirallès et Emilio Ruiz
Éditions Delcourt (11,50 €) – ISBN 978 2 7560 2860 6