Il semblerait que l’éditeur Altercomics, ait tenu ses promesses de faire un effort conséquent sur la traduction en langue française et l’orthographe des textes de certains fumetti du célèbre catalogue de Sergio Bonelli, qu’ils ont commencé à publier depuis le mois d’août (1) : preuve en est la parution des n° 2 disponibles depuis le 8 novembre… Nous en sommes vraiment heureux, notamment pour l’excellente série policière « Julia », scénarisée par Giancarlo Berardi et illustrée pour cet épisode par le virtuose Corrado Roi : voilà qui devrait ravir les amateurs de bandes dessinées populaires italiennes en noir et blanc !
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 19 FEVRIER 2007
Dans notre sélection, tout est bon ! : “ Le cadavre et le sofa ” par Tony Sandoval, “ Makabi T.4 : Juke-box ” par Olivier Neuray et Luc Brunschwig, “ Myrkos T.3 : Le rebelle ” par Miguel et Jean-Charles Kraehn, “ Alex Varenne : itinéraire d’un libertin ” entretiens avec Luc Duthil et “ Basil & Victoria T.5 : Ravenstein ” par Edith et Yann.
Cliquez sur l’appareil photo pour découvrir les couvertures des ouvrages chroniqués.
“ Le cadavre et le sofa ” par Tony Sandoval
Editions Paquet (16,50 Euros)
Le nouveau label «Discover» des éditions Paquet découle d’une évidente volonté, de la part de l’éditeur, de réaliser de beaux livres, comme il a pu le faire, précédemment, avec sa collection «Blandice», laquelle a su s’attirer les bonnes grâces des critiques et d’un public exigeant : autant en terme d’objet, qu’au niveau du contenu graphique et de la narration ; cette dernière étant plus orientée vers l’intimisme. C’est aussi une nouvelle preuve de la remise en question de certains éditeurs qui rivalisent d’imagination pour créer différents espaces de création, recruter d’autres lectorats et ouvrir de nouveaux marchés… Ici, tous les albums sont des «one-shot» de 80 à 120 pages couleurs, format roman, avec coins arrondis et marque-page en tissu cousu dans la reliure, tentant de nous faire découvrir la production d’auteurs de tous horizons et abordant tous les genres. C’est le Mexicain Tony Sandoval («Vieille Amérique» avec Wander Antunes, également chez Paquet) qui ouvre le feu avec cette émouvante histoire d’un jeune garçon secoué par la disparition d’un de ses amis et qui va rencontrer une étrange et très belle fillette, à l’allure mystérieuse et au comportement provocateur. Ils partiront ensemble à la recherche de son compagnon de jeux et finiront par découvrir son corps, sans vie, au beau milieu de nulle part. Ils vont passer l’été à observer les états de décomposition de ce cadavre, sur un vieux sofa, alors que la peur des loups-garous, échappés des histoires des gens du village, est omniprésente… Le dessin, par moments assez proche de l’illustration des livres pour enfants, par d’autres, des mangas, ou encore de la BD alternative, joue donc sur différents styles, profitant des occasions données par le déroulement de l’histoire. La narration, quant à elle, ne manque pas d’humour, et butine, elle aussi, d’influence en influence, passant d’un style intimiste, assez subtil, à l’efficacité des ambiances propres à la littérature fantastique.
“ Makabi T.4 : Juke-box ” par Olivier Neuray et Luc Brunschwig
Editions Dupuis (9,80 Euros)
Le nouveau cycle de «Makabi», qui démarre avec ce 4ème tome, confirme l’intérêt que nous devons porter à ce thriller original. Nous y suivons, parallèlement à des enquêtes toujours passionnantes, le parcours individuel d’un homme d’une trentaine d’années, lequel voit la stabilité de sa vie fort perturbée. En effet, le cheminement personnel du héros, ainsi que son travail sur le terrain, semblent même plus important que le contexte policier lui-même. A l’origine simple comptable d’une agence locale du F.B.I, Lloyd Singer, alias Makabi, suit désormais une formation pour intégrer l’académie officielle, en tant qu’enquêteur. Sa première vraie mission consiste à faire parler la seule victime laissée en vie par un serial killer, et qui refuse désormais de se laisser approcher : il faut dire qu’il s’agit d’une reine de beauté, défigurée par ce tueur en série qui s’est spécialisé dans la dégradation physique méticuleuse de très belles jeunes femmes. Tout le côté «psychologie criminelle» est fort bien mis en scène, dans un puzzle complexe, ordonné par Luc Brunschwig et dessiné avec précision par Olivier Neuray. Voilà donc un polar original qui séduira même les plus blasés par ce genre de littérature !
“ Myrkos T.3 : Le rebelle ” par Miguel et Jean-Charles Kraehn
Editions Dargaud (13 Euros)
Nous vous parlions, il y a peu, d’un éventuel retour de la «grande aventure» en BD : et bien, voici un récit qui est, à l’heure actuelle, l’un des meilleurs ambassadeurs pour ce genre, tombé en désuétude ces derniers temps, mais qui devrait, de nouveau, s’imposer avec force dans les prochaines années. Entre fantastique et grande Histoire, Jean-Charles Kraehn propose un scénario classique, solidement charpenté et plein d’humour, en utilisant les bases antiques pour nous faire réfléchir sur le pouvoir du dessin : Myrkos, jeune et talentueux élève ornemaniste, découvre, sans le savoir, la perspective ; mais dans un monde où les femmes ont toujours été dessinées de profil (à la manière des peintres égyptiens) et où les Dieux sont représentés selon les lois en vigueur, sa virtuosité et son audace font figure de blasphème pour les tenants de l’Art officiel. Alors qu’il est condamné au supplice du Té, suspendu dans une cage en fer, la sœur de l’une de ses anciennes maîtresses (secrètement amoureuse de notre jeune éphèbe) tente de le sortir de sa prison, en utilisant une potion magique… Ces personnages nuancés, aux caractères entiers, évoluant dans un récit dépaysant et rempli de rebondissements, amusent, agacent, mais réussissent surtout à être vraiment attachants. Enfin, n’oublions pas de signaler que l’illustration, elle aussi traditionnelle et fort bien maîtrisée, du Brésilien Miguel de Lalor Imbiriba, compte aussi pour beaucoup dans le plaisir procuré par cette lecture !
“ Alex Varenne : itinéraire d’un libertin ” entretiens avec Luc Duthil
Editions PLG (30 Euros)
Alors qu’il se consacre désormais à la peinture (à l’exception de quelques histoires courtes sur la sexualité, pour le mensuel Union), Alex Varenne a pourtant marqué, de son trait noir et élégant, le monde de la bande dessinée francophone, avec son «Ardeur» : série phare des années 1980, scénarisée par son frère Daniel et publiée à partir de mai 1979, dans Charlie Mensuel. Le parcours étonnant de cet homme, qui s’est imposé, en quelques années, comme l’un des auteurs les plus talentueux et originaux du 9ème art érotique, est retracé dans ce beau livre de 240 pages, où Alex Varenne se confie, sans tabous, à Luc Duthil (journaliste et graphiste ayant collaboré à l’excellent fanzine Café Noir, entre 1987 et 1989). Richement et judicieusement illustrée, cette suite d’interviews aborde tous les problèmes de la création (en BD, mais aussi dans l’art en général) et l’artiste y dévoile tous ses penchants, lesquels font, de ce grand amoureux des femmes, une sorte de libertin moderne… Une somme, certes érudite, mais qui devrait intéresser tous les amateurs d’esthétisme, de narration graphique ou de sexe !
“ Basil & Victoria T.5 : Ravenstein ” par Edith et Yann
Editions Humanoïdes associés (12,90 Euros)
Cette série, créée il y a déjà 17 ans et qui a servi de base à un dessin animé «tout public» réalisé pour la télévision («Orson et Olivia»), s’offre une seconde vie, depuis l’an passé : les auteurs ont en effet décidé de poursuivre, après 10 ans d’absence, les aventures de ces deux orphelins miséreux (sorte de Poulbots «grands-bretons»), livrés à eux-mêmes, dans l’Angleterre Victorienne de la fin du XIXème siècle. C’est donc dans une atmosphère assez glauque, style «Dickens revisité», que Victoria (la jeune héroïne, pas la reine !) résout une intrigue policière tournant autour de la disparition des six corbeaux de la Tour de Londres, tout en cherchant le véritable amour…, chez les petits ramoneurs, terrorisés par une étrange créature rodant sur les toits : Ravenstein ! Initiations et autres quêtes enfantines sont donc au programme de ce récit plutôt noir et plutôt féroce, où l’humour cynique et tendre à la fois de Yann, ainsi que le pinceau rageur mais sensible d’Edith, font des merveilles !
Gilles RATIER