COMIC BOOK HEBDO n°5 (14/12/2007).

Cette semaine, X-23: TARGET X

 


 


Hé oui, cette fois-ci votre chronique se penche sur un seul et unique album. « Comic Book Hebdo » fluctue selon les semaines, avec un à trois albums chroniqués selon l’actualité et la lecture des ouvrages, ou encore selon des événements annexes, ce qui est le cas aujourd’hui. En effet, lundi dernier, des entités cosmiques ont débarqué chez moi et m’ont piégé avec une boule de force psychique, m’immobilisant jusqu’au moment de me téléporter vers leur lointaine galaxie. Après de nombreux combats menés aux côtés de mes ravisseurs  contre une race belliqueuse d’humano-sauriens qui fomentait une guerre mettant à mal l’équilibre cosmique universel, j’ai dû participer à la réinitialisation du continuum espace-temps en évitant d’imploser. C’était pas facile, mais bon an mal an j’ai réussi. Seulement, avec tout ça, je ne suis rentré chez moi que jeudi vers 18h00, alors… Depuis mes poignets me font très mal, m’empêchant d’écrire autant que je le voudrais. Mon médecin m’a prescrit de l’infra-kryptonite en dosettes individuelles de 3ml, donc je pense que d’ici la semaine prochaine je serai rétabli et vous aurez plus qu’une critique à vous mettre sous la dent.


Comment ça vous ne me croyez pas ? Bah vous ne manquez pas d’air, vous, alors…


 


 


 


-X-23 : TARGET X (Panini Comics, 100% Marvel).


Il y a certains albums qui vous attirent comme les bougies happent les phalènes en proie à l’ultime fascination. Eh bien j’en suis le premier étonné, mais c’est bien le cas pour celui-ci. Avant même de lire X-23, nous sommes beaucoup à avoir été séduits par les annonces présentées dans les pages des comics en kiosque où l’on voyait deux visuels de couvertures signés Mike Choi. Sachant qu’X-23 est une clone wolverinéenne, ces images de toute beauté amplifièrent l’impatience de découvrir cette œuvre terriblement excitante.


Une fois l’album en main, il est bien difficile de le refermer avant de l’avoir lu jusqu’à la dernière image, jusqu’au dernier mot. Et quand il est refermé, on ne peut qu’attendre follement un nouveau volume de cette œuvre.


 


La venue d’un nouveau personnage dans l’univers des super-héros – après des décennies de grand délire où presque tous les pouvoirs, toutes les outrances, toutes les incongruités  ont été osés et expérimentés – est toujours un exercice périlleux. Certains personnages, contre toute attente, ont connu des carrières incroyables évoluant toujours aujourd’hui, d’autres sur lesquels de grands espoirs s’étaient portés s’écrasèrent comme de vieilles serpillières en très peu de temps. D’autres encore ont ressurgi après des périodes d’oubli plus ou moins longues, repris par des auteurs qui ont su exploiter leurs richesses cachées pour leur redonner une chance (tel est le cas du travail qu’opère Grant Morrison avec les super-héros oubliés de l’univers DC dans Seven Soldiers of Victory). La difficulté est – au-delà de la réussite de la conception graphique du héros ou de l’héroïne, évidemment primordiale pour son succès – de créer  plus qu’un personnage : il faut créer l’incarnation d’une alchimie propre à séduire le lectorat de manière irrépressible, faisant résonner en chacun de nous une indéfinissable jouissance liée aux fantasmes de l’identification. Il faut aussi que le pouvoir du héros soit intéressant, très spécifique, que son quotidien et son caractère soient assez particuliers pour retenir l’attention.


À ce petit jeu, Marvel a toujours été gagnante grâce à la dimension éminemment humaine créée par Stan Lee et dont DC manque cruellement. Est-ce parce que j’ai biberonné à la Marvel que je me sens si peu excité en lisant les aventures des super-héros venus de DC ? Ne soyons pas injustes, DC Comics a fait d’énormes progrès et continue néanmoins de porter des symboles forts que revisitent de très grands auteurs. Mais à part ces coups d’éclat transcendés par le génie d’un Miller, d’un Sienkiewicz ou d’un Keith, il flotte dans l’atmosphère DC je ne sais quel sentiment de déclinaison à l’infini d’archétypes simples et d’esthétiques en circuit fermé. Ainsi, un Catman apparaîtra plus comme une copie couleur marron de Batman faisant quelque peu sourire qu’un personnage pouvant susciter des émotions intrinsèques à la profondeur de sa nature (à ce titre, la Panthère Noire ou la Chatte Noire ont chacun dans leur style un potentiel de séduction bien plus grand grâce à  cet esprit Marvel).


Vous me direz que je semble oublier les Spider-Woman, Miss Hulk et autres Miss Marvel… Eh bien non, mais ce qui pourrait paraître pour de simples déclinaisons sont en fait chez Marvel une réappropriation de l’univers des héros référents pour en tirer des personnalités, des histoires et des esthétiques nouvelles et très excitantes. Ainsi, Carole Danvers semble finalement loin de la suprême dimension cosmique qu’incarne Captain Marvel, Jennifer Walters ne perd pas autant ses moyens que Hulk, et Jessica Drew se démarque de Spider-Man par un costume très différent, entre autres…


 


Pourquoi je vous parle de tout ça alors que je devrais déjà en être à la conclusion d’une critique d’X-23 ? Le fait que je n’aie pris que des exemples féminins pour argumenter mon propos sur les déclinaisons et créations de personnages chez Marvel constitue un indice… Car si je vous dis « Snikt » vous me répondrez tout de suite « Wolverine ». Eh bien non, plus forcément. Maintenant il y a une « Snikt » girl. Elle s’appelle Laura Kinney, elle est jeune, jolie comme un cœur, et redoutablement dangereuse. Cet album revient sur une période de sa vie qui nous apprend beaucoup de choses sur cette furieuse nymphette.


 


Laura Kinney est une clone tirée de l’ADN modifiée de Wolverine lors du programme « Arme X ». Après 22 essais et quelques tragédies, des scientifiques réussirent enfin à donner la vie à ce pendant féminin de Logan : elle sera donc X-23. Dotée elle aussi d’une structure d’adamantium, X-23 a cependant un petit plus par rapport à Wolverine : si seulement deux griffes sortent de chacune de ses mains, elle a par contre une griffe à chaque pied, ce qui la rend deux fois plus dangereuse aux vues de sa dextérité athlétique. Et le gros plus, c’est qu’à la place d’être un costaud poilu et trapu, X-23 est une adolescente délicieuse et ravissante, qui ne manque pas de mettre en émoi avec une grande force émotionnelle, entre tendresse et douleur. Ceci est dû en grande partie aux dessins de Mike Choi, véritablement superbes, qui ont su donner à ce personnage tout en contraste une beauté et une vérité confondantes. On sent vraiment que Choi aime Laura Kinney, qu’il s’est entièrement impliqué dans la dimension humaine de ce personnage traversant des épisodes réellement terribles de son existence. Mais son existence même est terrible, puisqu’elle subit les effets d’une drogue la poussant irrémédiablement à tuer les cibles qu’on veut lui faire éliminer, ce qui a été le cas en ce qui concerne sa « mère ».


 


Il faut dire que le scénario, signé Craig Kyle et Chris Yost, est lui aussi très fort dans sa manière d’aborder l’histoire de cette adolescente subissant l’atroce réalité de son existence. Il y a réellement là un « théâtre de la cruauté » dont les soubresauts convulsifs et violents nous poussent à une certaine nausée de cœur tant la vie de cette jeune femme ne lui appartient pas, tant on la manipule pour donner la mort, tant il ne lui reste que les larmes pour respirer. C’est un grand mythe tragique qui s’échafaude dans le concept de cette œuvre, un concept puissant dont les racines se trouvent dans l’histoire de Wolverine. Wolverine est un personnage clé qu’on n’a cessé de revisiter depuis les années 80, chaque auteur apportant sa pierre à l’édifice – ou plutôt sa pièce au puzzle, puisque toute l’histoire de Wolverine repose sur cette fameuse expérience de l’Arme X ayant transformé le corps de Logan en machine à tuer en même temps qu’elle lui enlevait tout souvenir de sa vie passée. Une déshumanisation physique et mentale engendrant une éternelle quête de soi, une réappropriation de sa mémoire et de son intégrité existentielle. On voit que le sujet est riche en possibilités, presque infinies lorsqu’on lit encore aujourd’hui des séries comme Wolverine : Origines (l’un des auteurs qui a le mieux exprimé l’abomination du programme « Arme X » est Barry Windsor Smith dans la mini-série homonyme). Avec X-23, Kyle et Yost entreprennent une très intéressante reformulation du problème généré par ce genre d’expérience fascisante, à savoir le pouvoir de certains hommes à transformer des êtres en machines de mort lobotomisées. La logique de la guerre poussée à son paroxysme au niveau individuel. Un vrai grand sujet, quand on y réfléchit bien. Le fait qu’X-23 soit en jupons plutôt qu’en sueur rend la chose encore plus cruelle, car ce qui aurait pu déraper dans une mouvance très tendance de « lolita tueuse & rock n’roll » s’en tient avec intelligence à la tragédie antique tout autant que shakespearienne, où la mort et la violence sont affaires de folie, d’amour, de terreur et de drame inéluctable. De grandes questions morales, éthiques et philosophiques traversent le récit de manière plus ou moins sous-jacente. C’est vraiment intéressant et réalisé avec beaucoup de talent.


 


Bien sûr je ne vous révèlerai rien de l’histoire, passionnante et pleine de rebondissements. Sachez seulement que cet album constitue une approche essentielle pour comprendre qui est X-23. Ce personnage, apparu non pas dans les comics mais dans le dessin animé X-Men : Evolution, a réellement débarqué chez Marvel dans la mini-série NYX (publiée par Panini en 2006 dans la collection « Graphic Novel »), mais cette série était plus axée sur le personnage de Kiden Nixon, et Laura y apparaissait sans que l’histoire s’appesantie sur elle. Par la suite, elle eut droit à sa propre mini-série (X-23 : Innocence Perdue, publiée dans Wolverine 144 à 149) qui revenait sur son passé trouble. Target X, que vous pouvez lire dans cet album, est une nouvelle mini-série qui retrace ce qui s’est passé pour X-23 après son arrivée à New York.


 


C’est beau, c’est puissant, ça palpite et ça heurte, ça émeut et ça révolte : bien plus qu’une déclinaison de Wolverine, cette nouvelle super-héroïne est l’une des plus belles inventions de Marvel de ces dernières années. Les dessins de Mike Choi (un dessinateur très remarqué par son travail sur Witchblade chez Top Cow) sont particulièrement inspirés lorsqu’il s’agit de dessiner la belle, appuyés par des couleurs très réussies de Sonia Obach. Encore une fois, le dessin de couverture est d’une beauté assez hypnotisante. Si comme moi vous avez un faible pour les artistes qui savent dessiner les cheveux avec un talent de fou, alors rien que pour ça jetez-vous sur cet album. La présente édition reprend pour notre plus grand bonheur les divines couvertures originales de Choi, ainsi que quelques pages de croquis et recherches de ce dessinateur qu’on espère voir revenir bientôt sur ce personnage.


 


J’a-do-re !!!


Mais attention, ça griffe, ça mord !


 


 


 


Cecil McKinley.


 

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