Trimestriel initié par les éditions du Tiroir et animé par Alain De Kuyssche, L’Aventure était à l’origine un luxueux magazine renouant avec la bande dessinée traditionnelle franco-belge. Son créateur disparu en janvier dernier, ses compagnons de route — André Taymans, Christian Lallemand et Alain de Grauw — « continuent l’aventure », poursuivant la collection de hors-séries cartonnés, mais aussi lançant le trimestriel L’Aventure Preview. Sans oublier des collections d’albums et d’artbooks publiés sous le label des éditions du Tiroir avec le concours de la plateforme Ulule.
Lire la suite...PLUS DE LECTURES DU 18 FEVRIER 2008
Notre sélection de la semaine : “ Oh les filles ! T.1 ” par Emmanuel Lepage et Sophie Michel, “ Historieta : regards sur la bande dessinée argentine ”, et “ Tanatos T.2 : Le jour du chaos ” par Jean-Yves Delitte et Didier Convard.
Cliquez sur l’appareil photo pour découvrir les couvertures des albums chroniqués.
“ Oh les filles ! T.1 ” par Emmanuel Lepage et Sophie Michel
Editions Futuropolis (15 Euros)
Adoptant une construction des planches en petites cases, tout en réduisant le décor à une forme symbolique afin de ne représenter que le strict nécessaire, Emmanuel Lepage change, ici, totalement de technique d’illustration. Délaissant les images plus spectaculaires de ses splendides « Muchacho », « Névé » ou « La terre sans mal », il se rapproche plutôt des expérimentations qu’il avait réalisées sur son excellent et trop méconnu roman graphique en noir et blanc : « Alex Clément est mort » (scénario de Delphine Rieu). Son dessin n’en demeure pas moins époustouflant, le lecteur ressentant d’emblée la difficulté qu’il y a eue à simplifier. Surtout quand il s’agit de représenter, et de faire vivre par le crayon, trois jeunes filles à des âges différents : leurs destinées étant narrées sous la forme d’une suite de tranches vies, de leur naissance à la préadolescence (du moins en ce qui concerne ce premier tome). Nous voyons donc grandir ensemble ces fillettes fragiles qui vont, certainement, devenir des femmes fortes par le fait des aléas de la vie : l’une étant la fille unique d’un couple aisé, l’autre évoluant dans un milieu modeste, et la troisième étant de souche Maghrébine… Chapeau l’artiste ! Du côté du scénario, oublions quelques stéréotypes un peu trop caricaturaux et manichéens pour reconnaître que le cheminement, pas toujours tranquille, choisi par Sophie Michel (il s’agit de son premier travail BD) est vraiment original et touchant. Sans attendre la fin de ce diptyque émouvant, nous pouvons déjà dire que le coup d’essai est pratiquement un coup de maître…
“ Historieta : regards sur la bande dessinée argentine ”
Editions Vertige Graphic (22 Euros)
Nous avons déjà eu l’occasion de dire et d’écrire tout le bien que nous pensions de la remarquable exposition sur la bande dessinée argentine scénographiée par José Muñoz et Giusti Zuccato, qui fût l’une des incontestables réussites du précédent festival d’Angoulême : si vous ne l’avez pas encore vue, sachez qu’elle est toujours en place dans les locaux du CNBDI d’Angoulême, et ceci jusqu’au 31 août ! Pour prolonger le plaisir, les éditions Vertige Graphic en ont publié un catalogue (“ Historieta : regards sur la bande dessinée argentine ”) conçu également comme un complément à cette exposition, car pouvant être lu, avec profit, sans l’avoir nécessairement visitée. Ainsi certaines images ou auteurs absents sont ici intégrés afin de faire de cet ouvrage de 96 pages la référence sur cette production trop méconnue dans nos contrées : les revues argentines des années 1930 à 1970, mélanges détonnant d’illustrations humoristiques (Dante Quinterno et son « Patoruzù » en est l’un des plus beaux fleurons), de bandes dessinées d’aventures et d’histoires aux préoccupations plus sociales, avaient pourtant un tirage qui dépassait parfois les 300 000 exemplaires. La forte influence de la bande dessinée classique nord-américaine s’y confronte aux innovations de jeunes auteurs italiens immigrés (dont Hugo Pratt) et à l’affirmation de nouveaux talents argentins tels Francisco Solano López, Alberto Breccia (Uruguayen adopté), ou l’humaniste scénariste Héctor Oesterheld. On regrettera seulement que la plupart de ces oeuvrettes ne soient pas traduites en Europe, alors que leur réputation a bien souvent dépassé les frontières des pampas ou de Buenos Aires. D’ailleurs, cela fait quelque temps que Vertige Graphic annonce l’intégrale de la série culte de science-fiction « L’éternaute », due à Solano Lopez et Oesterheld entre 1957 et 1959 (bien avant la version réalisée par Alberto Breccia, qui fut éditée chez nous par les Humanos) : espérons que ce projet finira par voir le jour…
“ Tanatos T.2 : Le jour du chaos ” par Jean-Yves Delitte et Didier Convard
Editions Glénat (12,50 Euros)
A peine quatre mois après le premier tome, voici le deuxième opus de ce passionnant et palpitant «roman-feuilleton» policier, rempli de nombreux rebondissements mettant en scène évènements et personnages ayant marqué l’avant Première Guerre mondiale : et le tome 3 est déjà annoncé pour le mois de novembre ! Grande Histoire et divertissement se mêlent agréablement dans cette nouvelle série, vraiment prometteuse, due à l’imagination fertile du concepteur du «Triangle secret» et à la virtuosité du prolifique dessinateur de «Neptune» ou des «Brigades du Tigre» (dont le trait réaliste et truculent à la fois est ici fort bien mis en valeur par les couleurs lumineuses de Frédérique Avril)… L’archiduc François-Ferdinand vient d’être assassiné et l’Europe est au bord du chaos : la guerre semble inévitable, malgré les efforts de Jean Jaurès pour ramener la paix. Ce Jaurès gêne bon nombre de politiques et d’industriels dont les entreprises fructifieraient si le conflit éclate ; d’ailleurs, son assassinat est prévu et Tanatos, réincarnation de «Fantômas» et d’«Arsène Lupin» en un seul être malfaisant, a concocté un plan diabolique pour faire sombrer le monde dans le chaos. Mais c’est sans compter sur la ténacité de l’Inspecteur Bernin et du détective Victor de l’agence Fiat-Lux…
Gilles RATIER