Même quand on est adulte, on aime lire les albums jeunesse scénarisés par Loïc Clément. Le récit est toujours surprenant, avec de l’action ou des thématiques traitées toujours profondes et intéressantes… Et pour agréger actions, personnages attachants et émotions, le scénariste n’oublie jamais d’ajouter une bonne dose d’humour. On retrouve tous ces ingrédients dans « Les Larmes du yôkaï » : une enquête policière amusée et amusante dans un Japon médiéval revisité.
Lire la suite...Vive le Capitaine Kébec : Libre !
S’il y a un héros de bandes dessinées qui vit dans l’âme de chaque Québécois, même encore aujourd’hui, c’est certainement «Capitaine Kébec» : une parodie du mythe des super-héros américains due à Pierre Fournier, scénariste, dessinateur, journaliste et ardent promoteur de la BD québécoise.
Créé en 1972, dans un comic book de 22 planches du même nom, ce type ordinaire avec une grosse barbe, un vieux chandail, un casque d’aviateur et une serviette de bain en guise de cape, correspondait bien à l’idéologie de l’époque car, influencé par le mouvement « underground » de la bande dessinée américaine, il était en adéquation avec les mouvements hippies qui mettaient en avant la contre-culture et l’autodérision. Même si, chez nos cousins du Canada, il y avait eu d’autres héros populaires réalisés par d’authentiques auteurs du cru (des histoires en images d’Albéric Bourgeois, dès 1904, à l’« Onésime » d’Albert Chartier, en 1944), « Capitaine Kébec » est devenu rapidement une véritable figure mythique de la nouvelle bande dessinée québécoise (et surtout pour l’un des groupes parmi les plus actifs de l’époque : les éditions de l’Hydrocéphale Entêté, sous la houlette de Jacques Hurtubise, alias le dessinateur ZYX, créateur de la série humoristique « Le sombre vilain »), et ceci malgré sa courte existence : seulement deux aventures (dont la seconde a été publiée dans le magazine Titanic, en 1984) auxquelles il faut ajouter un « faux » épisode d’une planche dessinée par Fernand Choquette et parue dans L’Illustré (en 1974), où « Capitaine Kébec » est confronté au Capitaine Haddock. Malgré son succès immédiat et sa représentation dans de nombreuses publications, de par le monde, comme illustration à presque tous les articles consacrés au genre (encore tout récemment, il a fait la couverture de l’ouvrage de référence, hélas pratiquement introuvable en France, «Histoire de la bande dessinée au Québec » de Mira Falardeau chez VLB), on cherchera, en vain, la moindre trace de ses publications en Europe francophone, à l’exception d’une planche de « Gaston Lagaffe » (le gag n°811) où André Franquin le fit discrètement apparaître.
Heureusement, le lecteur français, belge ou suisse, pourra quand même avoir un aperçu du talent incisif de Pierre Fournier grâce à la réédition, aux éditions de la Pastèque (diffusées en France par Le Comptoir des Indépendants), de deux autres de ses créations, co-scénarisées avec le dessinateur Réal Godbout : il s’agit de l’intégrale des cinq albums de « Michel Risque » (caricature des aventuriers style « Bob Morane », ce brave type à la mâchoire carrée subit plus l’aventure qu’il ne la vit, dès 1975, particulièrement dans les pages du magazine Croc dirigé, lui aussi, par Jacques Hurtubise) et du premier tome de « Red Ketchup », l’agent déjanté du FBI introduit au hasard d’un épisode de « Michel Risque » (en 1982) : ce concurrent implacable et complètement fou ayant fini par éclipser leur première création commune, laquelle reprendra pourtant du service, le temps d’un épisode de douze pages totalement débridées, dans le magazine Safarir, en 1995. Bien entendu, La Pastèque prévoit également d’éditer l’intégralité des « Red Ketchup » publiés en couleurs dans Titanic et dans Croc, de 1983 à 1995, dont les trois albums co-édités avec Dargaud, de 1991 à 1994. A noter, qu’outre l’intérêt inventif et parodique du scénario, le dessin satirique marqué de fortes hachures, sorte de ligne claire plutôt crade, de Réal Godbout, est l’un des autres atouts de ses deux séries emblématiques du patrimoine bandes dessinées au Québec.
Après ces personnages hauts en couleurs, la BDQ (lisez : bande dessinée québécoise) n’en finit pas de procréer multipliant, en toute liberté, les expérimentations graphiques et narratives, souvent contestataires et engagées, tel celles de Pierre Dupras (actif dès 1969) ou celles de l’avant-gardiste Henriette Valium (alias Patrick Henley, publié dans Titanic) dont les œuvres sont demeurées volontairement confidentielles ; ils seront bientôt suivis par nombre d’auteurs complets : certains étant encore au catalogue des deux principaux éditeurs alternatifs actuels (La Pastèque et Mécanique Générale, diffusé en France par Le Seuil) : Luc Giard, Rémy Simard, Julie Doucet, Benoît Joly, Leif Tande, Michel Rabagliati, Pascal Girard, Jimmy Beaulieu, David Turgeon ou Guy Delisle ; ce dernier ayant fini par trouver une certaine reconnaissance et un début de succès en France, pays où il réside désormais. Et ces auteurs intimistes côtoient sans problème les autres représentants du 9ème art local, que ce soient les humoristes « grand public » que sont Serge Gaboury, André-Philippe Côté, Garnotte, Mario Malouin, Jean-Paul Eid, Raymond Parent, Paul Roux, Bruno Laporte, Yves Rodier, Caroline Merola et la française Eva Rollin… (sans oublier Marc Delafontaine, alias Delaf, et sa compagne Maryse Dubuc qui ont trouvé le succès avec la série « Les nombrils » chez Dupuis), ou des dessinateurs plus réalistes souvent employés par les plus gros éditeurs européens (comme Thierry Labrosse, Jacques Lamontagne, Michel Falardeau, Voro, François Miville-Deschênes, Djief, François Lapierre, Grégoire Bouchard…), ou encore par les responsables des marques leaders en comics de super-héros américains (Yanick Paquette, Niko Henrichon, Brandon Badeaux, Michel Lacombe, Serge Lapointe…) : notons que quelques-uns de ces illustrateurs sont au sommaire du n° hors-série (spécial Québec) du fanzine belge L’inédit, dirigé par Tony Larivière ; on peut obtenir gratuitement cette revue (tirée seulement à 2000 exemplaires et qui propose de nombreuses illustrations inédites) en visitant le site http://www.lagrandeourse@andenne.be.
Bien entendu, la bande dessinée européenne n’a pas raté l’occasion de célébrer le 400ème anniversaire de la ville de Québec. Nous vous avons déjà dit tout le bien que nous pensions de « Québec : un détroit dans le fleuve », le collectif des éditions Casterman (Voir le « Plus de lectures du 31 mars ») et nous vous avions annoncé la parution de « Champlain, je me souviens » aux éditions Sangam (Voir « En coulisses du 12 mai ») : voici donc l’occasion de revenir sur ce dernier album qui, pour une bande dessinée didactique, est particulièrement bien réalisé. Publiée dans le cadre de « Poitou-Charentes Québec 2008 », cette vie de Samuel de Champlain, fondateur de la ville de Québec en 1608, est très agréable à lire grâce aux dessins classiques et expressifs de Guy Michel (« Le sang du dragon » chez Soleil) et au scénario efficace de Philippe Girard, un auteur du cru que nous avions déjà repéré dans le collectif précédemment cité. Son travail plus marginal d’auteur complet (dessins et scénarios sous le pseudonyme de Phlppgrrd), chez Mécanique Générale ou La Pastèque, mérite également le détour : comme quoi, comme nous vous l’avons déjà fait remarquer, au Québec, les grandes figures du récit intimiste ne sont guère bégueules et prétentieuses, car il leur arrive très souvent de travailler sur des bandes dessinées plus «grand public» (c’est aussi le cas pour Jimmy Beaulieu, chantre de la scène alternative québécoise, qui n’hésite pas à donner un coup de main à Régis Loisel et Jean-Louis Tripp sur leur superbe « Magasin général ») : un exemple que devraient suivre leurs collègues auteurs ou éditeurs indépendants français, bien souvent trop extrémistes dans leurs propos ou leurs prises de position…
 Gilles RATIER
PS : A noter que cet article a été relu et commenté par la sommité en bandes dessinées québécoises qu’est Jacques Samson : nous en profitons pour le remercier vivement de sa sympathique et essentielle contribution.
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