Il semblerait que l’éditeur Altercomics, ait tenu ses promesses de faire un effort conséquent sur la traduction en langue française et l’orthographe des textes de certains fumetti du célèbre catalogue de Sergio Bonelli, qu’ils ont commencé à publier depuis le mois d’août (1) : preuve en est la parution des n° 2 disponibles depuis le 8 novembre… Nous en sommes vraiment heureux, notamment pour l’excellente série policière « Julia », scénarisée par Giancarlo Berardi et illustrée pour cet épisode par le virtuose Corrado Roi : voilà qui devrait ravir les amateurs de bandes dessinées populaires italiennes en noir et blanc !
Lire la suite...« Le Recul du fusil » : une uchronie sociale
Dans « Les Batailles », deuxième volume de sa trilogie, Jean Sébastien Bordas plonge son protagoniste Fernand Tormes dans la réalité des champs de bataille de la guerre d’Espagne. Un conflit, pourtant proche et réel, que Fernand paraît vivre par procuration, tant ses préoccupations semblent être autres.
« On m’a beaucoup dit du premier tome qu’il était pessimiste car mon personnage principal n’a pas l’air de croire en ce qu’il fait, nous dévoile Jean-Sébastien Bordas, et qu’il ne rentre pas à fond dans l’utopie révolutionnaire à laquelle il paraît adhérer. Mais il s’agit exactement de ce que je veux faire. J’avais envie d’un personnage contemporain, sorte de cliché de la génération actuelle, immiscé dans une autre époque, un trentenaire d’aujourd’hui confronté à une période de crise. »
À l’origine, Jean Sébastien Bordas imagine une histoire qui se situerait de nos jours et mettrait en scène comme acteurs principaux le fameux Fernand, un jeune paysan provincial et qui débarque à Paris, et son ami André, bourgeois déluré en rupture familiale, « mais ma vision du récit ne correspondait pas au moment où il se déroulait », souligne l’auteur. « J’ai donc utilisé le précepte de Gide, parlant de Céline : « Ce n’est pas la réalité que peint Céline ; c’est l’hallucination que la réalité provoque ! ». Et j’ai imaginé ces jeunes hommes dans l’histoire qu’avait vécu mon grand père, à savoir la guerre d’Espagne. Je trouvais ça très intéressant car aujourd’hui, les jeunes ne supportent plus l’idéologie de masse et les adhésions de ce type. En fait Fernand ne se révolte pas par rapport à une situation extérieure mais par rapport à lui-même. »
Au final, « Le Recul du fusil » se révèle comme un formidable parcours initiatique, qui se poursuivra dans le troisième et dernier volet du triptyque et où le héros se retrouvera dans une ville éloignée du conflit militaire mais en pleine guerre civile : « il ne regrette rien de ces décisions qui donnent un sens à sa vie mais en réalise progressivement les enjeux et les conséquences, souligne l’auteur. Il est progressivement de moins en moins dans le fantasme, ne peut plus nier la réalité, tout en conservant une attitude fataliste, comme le fameux Jacques de Diderot. »
Les situations dramatiques du récit ne sont d’ailleurs pas mis en exergue, le tout étant rehaussé par un graphisme contemporain au mouvement et à l’ironie permanents, plus influencé, selon les dire de l’auteur, par Dumontheuil que par Blain, n’en déplaise aux critiques : « Le fond existe et est grave, ce n’est pas la peine d’en rajouter, poursuit Jean-Sébastien Bordas. Il n’est pas utile de sur dramatiser les situations tragiques. Je préfère la dérision, que je trouve plus polie. »
Laurent TURPIN
« Le Recul du fusil » T2 (« Les Batailles ») par Jean-Sébastien Bordas
Éditions Quadrants (10,95 €) – ISBN : 978-2-302-02000-9