La parution du 29e tome de la série originelle créée par Jean Van Hamme et William Vance clôt une année faste pour le héros, lequel fête ses 40 ans. Il est né dans les pages de Spirou en 1984. Ce dixième épisode du second cycle signé Yves Sente et Youri Jigounov invite le lecteur à suivre le futur XIII, précisément en 1984, de Cuba à Moscou au temps de la guerre froide. Une fois encore, notre héros est rattrapé par son passé…
Lire la suite...COMIC BOOK HEBDO n°45 (11/10/2008).
Cette semaine, du beau, du bon, du costaud, avec HOUSE OF M et GHOST RIDER !
HOUSE OF M (Panini Comics, Marvel Deluxe)
Voici un album tout sauf superflu ! En effet, en 2005, la mini-série en huit épisodes House of M a ébranlé l’univers Marvel, redéfinissant le contexte surhumain de manière profonde et marquante. Celles et ceux qui auraient loupé cette saga incontournable pour bien appréhender le monde actuel des super-héros vont donc pouvoir accéder à cette œuvre très vite épuisée dans les kiosques et les librairies spécialisées et sur laquelle une belle spéculation commençait à se faire… Pour les autres, voici enfin l’occasion de voir les épisodes de ce « petit » monument rassemblés en un seul et même volume, prenant ainsi une autre dimension (quoi qu’on en dise, la conception d’un album a des conséquences directes sur la manière d’aborder l’œuvre, et donne à celle-ci un relief et une existence prononcés). L’ouvrage comprend toutes les couvertures originales et leurs variants, se concluant sur un dossier présentant une série de planches crayonnées d’Olivier Coipel, puisque House of M fut aussi pour ce dessinateur français l’occasion de percer dans le milieu des comics. Quant à l’auteur de ce succès éditorial, le toujours étonnant Brian Michael Bendis, il a signé là l’une de ses meilleures histoires, assurément ! Une idée culottée, puisqu’à l’issue de ce récit ne subsistent que 198 mutants sur notre bonne vieille planète d’homo sapiens…
« M », c’est bien sûr Magneto. Et tout le concept de House of M tourne autour d’un personnage qui a pris avec le temps une importance incroyable au sein de la communauté surhumaine par son instabilité psychique plus que dangereuse pour le reste du monde lorsque l’on considère l’étendue de sa puissance et de son pouvoir sur la réalité des choses : j’ai nommé la merveilleuse, la sublime, la miam miam Sorcière Rouge (ah, Wanda…). Oui, la Sorcière Rouge, Wanda Maximoff, sœur de Pietro (Vif-Argent) et Lorna (Polaris), fille de Magneto. Il faut dire que Wanda avait récemment déjà bien pété les plombs, détruisant le QG des Vengeurs et faisant des victimes dans ses propres rangs (c’était déjà sous la plume de Bendis : Hé, Brian ! Tu vas la laisser un peu tranquille, non, notre jolie sorcière ?). Ici, la voici à nouveau en difficulté avec elle-même pour gérer son désir d’enfants qu’elle ne peut physiquement assouvir. C’est donc une terrible meurtrissure et le refuge psychique dans lequel s’est enfermée Wanda qui constitue l’élément déclencheur de House of M, celle-ci refusant la réalité et décidant alors de changer celle-ci en sa réalité. Une réalité où elle aurait deux enfants, où les idées de son père feraient loi, un monde où l’homo superior serait enfin considéré justement, pouvant vivre normalement, devenant même la norme. Et comme Wanda est une belle personne (mais aussi évidemment parce que cela limite les risques et fait passer la pilule en douceur), la réalité qu’elle décide d’instaurer fait se réaliser les vœux les plus chers de chacun des mutants vivant sur Terre. Le hic, c’est que Wolverine, lui, a toujours eu comme vœu le plus cher de se souvenir enfin de son passé. Dans la réalité de Wanda, celui-ci recouvre bel et bien la mémoire, et devient donc par conséquent le seul à pouvoir se rendre compte que le présent dans lequel baignent tous les mutants est tout sauf la réalité. Logan parviendra-t-il à renverser la vapeur en ouvrant les yeux aux autres super-héros ? Car sur l’île de Génosha, Magneto et ses enfants (mais aussi ses deux petits-enfants fantasmés) trônent en tant que « House of M », seul rempart contre la réalité, frôlant le fascisme du paradis forcé et illusoire, et il faut absolument sortir de cela (ce qui constitue l’une des réflexions majeures qui ressortent de l’œuvre : quelle réalité est bonne à vivre ?).
Le seul reproche que l’on pourrait faire à Bendis sur House of M, c’est que c’est vraiment trop court, car même si les répercussions de cet événement ont été par la suite abordées dans différentes séries (Decimation : The Day after, The 198, ou Generation M, par exemple), le concept de base en lui-même aurait mérité un développement plus ample permettant de s’attarder sur l’aventure psychique et existentielle de Wanda – en tout premier lieu – mais aussi des autres super-héros, creusant l’entité emblématique de chacun d’eux afin d’explorer profondément leur potentiel fantasmatique. Mais bon, c’est un reproche plutôt positif, cela veut dire que l’idée de Bendis est carrément jouissive, excitante, riche et complexe. Bien sûr, Olivier Coipel s’en est très bien sorti, réussissant parfaitement son « examen de passage », mais ne soyons pas chauvins (bah oui, c’est vraiment nul, cette fierté nationaliste), et gardons nos « Ho ! », « Waouh ! », « Halala mais dis, hé ! » et autres « Omigosh ! » pour l’exceptionnel talent de l’artiste croate Esad Ribic dont vous avez récemment pu admirer le génie artistique dans Silver Surfer : Requiem. Ribic peint ses images avec maestria, avec une connaissance chromatique et un sens des lumières uniques. Chacune de ses créations est un émerveillement pour les yeux, et cet artiste encore jeune est bien l’un des très grands talents ayant récemment rejoint l’univers des comics. Nous ne pouvons que souhaiter (pour lui et pour nos yeux) qu’il fasse une grande et brillante carrière, car il y a fort à parier que cet artiste nous offrira encore bien des chefs-d’œuvre à admirer…
House of M est une œuvre vraiment incontournable et passionnante dont je vous conseille plus que vivement la lecture.
GHOST RIDER vol.5 : LA VALLÉE DES LARMES (Panini Comics, 100% Marvel)
Clayton Crain est un génie. Achetez cet album. Achetez-le et dévorez-le, relisez-le, admirez sans fin le talent de cet artiste canadien fabuleux dont chaque image peut être scrutée pendant des heures sans jamais perdre de sa magie ni de sa richesse. Oui, chaque album dessiné par Crain est une rareté en terme de qualité graphique, un trésor pour les yeux de l’esthète qui sommeille en chacun de nous (bah réveillez-vous, les gars !). C’est l’ineffable Irlandais Garth Ennis qui signe le scénario de La Vallée des larmes, les deux hommes ayant déjà travaillé ensemble sur le personnage de Ghost Rider avec Enfer et Damnation (2005-2006, paru en 2007 chez Panini dans la même collection 100% Marvel), relançant alors l’intérêt du public pour ce héros bien spécial – il faut dire que c’était assez magnifique ! Je vous parlais ci-dessus d’Esad Ribic (qui lui aussi peint plus qu’il ne dessine), ce qui me permet de mettre à nouveau l’accent sur ces artistes peintres de plus en plus présents dans le monde des comics, apportant un réel souffle nouveau par leur technique ébouriffante et l’originalité visuelle de leurs images-tableaux. Les successeurs d’Alex Ross & co seraient-ils plus doués que leurs aînés ? On ne peut disserter de cela de manière si basique, car Ross tend vers l’hyperréalisme alors que Crain, Ribic, Frazen Irving ou encore Simone Bianchi et Gabriele Dell’Otto ne recherchent pas l’effet photographique comme but en soi : ils creusent plutôt un réalisme fantastique ne refusant pas les ellipses esthétiques ni l’exagération et l’audace qui cassent ce réalisme pour mieux fantasmer encore. Mais reprenons les choses dans l’ordre.
L’idée de départ de Garth Ennis est assez originale (mais peu étonnante de la part de Preacher) : réinterpréter le personnage de Ghost Rider en le plongeant dans un contexte de western se situant juste après la guerre de Sécession. Nous voici donc au XIXe siècle, au lendemain des tueries de cette guerre civile, sur fond de cow-boys et d’esclavage. Travis Parham, lieutenant confédéré grièvement blessé au champ d’honneur, est sauvé par Caleb, un Noir ayant racheté son esclavage. Après deux années passées dans la ferme de Caleb et de sa famille à travailler la terre, Parham s’absente pendant deux autres années avant de revenir sur les lieux de sa convalescence. Mais à la place de la famille qui l’avait recueilli, il trouve de sombres personnages hirsutes et belliqueux qui ont participé au massacre de Caleb et des siens sous les ordres d’un certain Reagan, soldat renégat accompagné de ses sbires, des hommes violents sans aucune moralité. Dès lors, Parham n’aura de cesse de pourchasser Reagan et ses ignobles compagnons afin de venger la mémoire et l’honneur de son sauveur. Mais, au fur et à mesure de sa traque, Parham rencontre sur son chemin un étrange cavalier fantôme à la sinistre capuche, traînant des chaînes dans son sillage et jetant des flammes, chevauchant une monture noire et incandescente comme l’enfer, un cheval hybride entre chair et métal oxydé. Un vrai cauchemar… mais un cauchemar qui semble avoir le même but que lui : mettre hors d’état de nuire Reagan et sa bande de salopards. Qui est ce cavalier obscur ? Est-il vraiment un fantôme ? Que recherche-t-il exactement ? Les pistes et les rencontres vont se succéder en montant d’un cran dans l’horreur, jusqu’à devenir un western crépusculaire et fantastique d’une très belle intensité.
L’album entier, l’histoire entière, les personnages, les décors, l’intrigue, absolument tout est transcendé par le style insurpassable de Crain. Franchement, ses peintures sont tellement géniales qu’on a du mal à s’en remettre ! Comme moi vous avez déjà pu admirer le travail de Crain dans la mini-série Venom vs Carnage écrite par Peter Milligan (sorti en France en avril 2005 dans Spider-Man Hors Série #18), par ses couvertures de Friendly Neighborhood Spider-Man, ou bien encore dans la mini-série Enfer et Damnation dont je vous ai parlé plus haut. Mais alors là, vraiment, il y a de grands morceaux de bravoure graphique (les couvertures originales sont magnifiques). Chaque case est un véritable tableau, un bijou, chaque coup de pinceau une beauté absolue. En pareil cas, que dire, mais que dire, que diable !? Les couleurs sont sublimes, le sens du contraste époustouflant, le souci du détail ou de l’ellipse incroyable, le rendu des atmosphère fantastique, le tout dans un velouté, une profondeur, une expression absolument dingues. Du très grand art. Oui, du grand art, pour réussir à créer de telles visions; c’en est presque miraculeux, d’atteindre un tel degré de trouble, de fascination, de… génie ? Les peintures du cheval de Ghost Rider, par exemple, sont à couper le souffle, à regarder à la loupe.
Ça va, j’ai été assez convaincant ?
Cecil McKinley