Avec « Le Tombeau des chasseurs », le talentueux Victor Lepointe évoque la tragédie collective d’une bataille vosgienne en 1915 et, plus encore — par le regard de l’un d’eux, Victor Granet —, scrute l’intimité des sentiments de ces chasseurs alpins sacrifiés. Plongée dans la si mal nommée Der des ders…
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Notre sélection de la semaine : ? Saint-Germain T.1 : Le Comte des lumières ? par Jean-François Bergeron et Thierry Gloris, ? Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps ? par Florence Cestac et Jean Teulé, et ? Ceci est mon corps T.1 : Lumière crue ? par Sébastien Goethals et Damien Marie.
? Saint-Germain T.1 : Le Comte des lumières ? par Jean-François Bergeron et Thierry Gloris – Editions Glénat (13 Euros)
Pour fêter ses 40 ans, le groupe Glénat multiplie les intégrales (dont certaines, de prestige, sont particulièrement bien réalisées) et va proposer, tout au long de l’année, 40 découvertes (nouvelles séries ou « one-shot » réalisés par de jeunes auteurs) : ces dernières étant dotées du logo « 40 ans découvertes » sur une jaquette spéciale, réalisée à l’occasion de cette première édition. Manifestement, dans le genre BD d’aventures, la série historico-fantastique « Saint-Germain » est une des réussites à mettre au crédit de ce lancement en fanfare. Sous le masque de pie de l’habile cambrioleur avide de bijoux que l’on surnomme « Le Babillard », se cache un gentilhomme aventurier, aussi séducteur que fin bretteur. Or donc, le roi Louis XV lui confie une mission particulière : débarrasser le maréchal De Saxe d’une affection qui le transforme en une montagne de chair et qui l’empêche de mener efficacement ses hommes au combat. Entre merveilleux et véracité historique, le scénariste Thierry Gloris (dont le travail était déjà très convainquant sur son « Codex Angélique ») devient, tels d’énigmatiques personnages qu’il met en scène dans cette série truculente et mystérieuse à la fois, un véritable maître marionnettiste. Quant au dessin et aux couleurs qu’on croirait réalisés pour un dessin animé ou un jeu vidéo, ils conviennent bien à l’atmosphère jouissive de cette curieuse histoire : ils sont dus au talent du québécois Jean-François Bergeron (qui se dissimule parfois sous le pseudonyme de Djief, pour quelques séries un peu plus convenues chez Soleil).
? Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps ? par Florence Cestac et Jean Teulé – Editions Dargaud (18 Euros)
Bien sûr, c’est le bouquin dont tous les médias parlent… Mais cela ne va pas nous empêcher, nous aussi, de le mettre en avant : car c’est une bonne bande dessinée et un bon livre tout court ! Les talents d’illustratrice « gros nez » de Florence Cestac conjugués à ceux de conteur sensible de Jean Teulé (qui, pour l’occasion, revient à ses premières amours) débouchent sur l’émouvante et sincère biographie d’une étoile filante du 9ème art : Charlie Schlingo. La lente autodestruction de ce garçon talentueux mais écorché vif car confronté très tôt à la souffrance physique (il naît handicapé par la poliomyélite) et à la méchanceté ou la bêtise de certains humains (ses petits camarades de classes le massacraient et ses parents le planquaient sous la table quand ils recevaient du « beau » monde) est parfaitement mise en scène. Cependant, heureusement que le dessin humoristique et décalé de Florence Cestac, qui s’affirme ici comme une virtuose du noir et blanc, arrive à nous faire passer la pilule car le destin pathétique de Schlingo est décrit sans fard et sans détours : « on est sans arrêt au bord du précipice, mais on ne tombe jamais dedans » dixit Florence Cestac. C’est un hommage vibrant au créateur d’« Onulf le marin », de « Josette de Rechange », ou de « Patron, une cuite s’il vous plaît ! », mort prématurément à l’âge de 49 ans, en 2005 : alors que ce dernier n’a jamais réussi à percer, hormis auprès d’une poignée de fanatiques qui idolâtrent toujours son œuvre iconoclaste. D’ailleurs, il disait souvent lui-même : « Qu’est-ce que c’est con, ce que je fais ! »… En tout cas, cette suite d’anecdotes tragi-comiques sur un homme au culot peu commun (surtout avec les filles qu’il draguait), aussi prompt à boire un coup qu’à cogner sur le premier venu, nous donne envie de relire ses histoires débiles : Cestac et Teulé, outre le fait d’avoir réalisé une bande dessinée marquante, ont toujours contribué à ça !
? Ceci est mon corps T.1 : Lumière crue ? par Sébastien Goethals et Damien Marie – Editions Grand Angle (12,90 Euros)
Décidemment, après « La Cuisine du diable » dessiné par Karl T. chez Vents d’ouest et « Welcolme to Hope » avec Vanders chez Bamboo, Damien Marie s’impose comme un scénariste avec lequel la bande dessinée d’aventures va devoir compter : cette nouvelle série d’anticipation, fort bien mis en images de façon réaliste par Sébastien Goethals (« Tower » avec Ange chez Vents d’Ouest ou « Angeline » avec Adeline Blondieau et Eric Summer chez Soleil), et dont le deuxième tome est déjà annoncé pour février, en est la preuve ! A Los Angeles, dans un futur proche, de jeunes oisifs décadents et pourris de fric empruntent régulièrement le corps des autres, de la même manière qu’on loue une voiture, pour donner un peu de sel à leur vie pathétique de débauche et de plaisirs artificiels. Pendant ce temps-là, dans la vieille ville, une population de plus en plus miséreuse tente de survivre dans la violence des ghettos… Comme le récit est très bien maîtrisé et que les dialogues pertinents fusent de toutes parts, on s’attache tout de suite aux différents personnages et particulièrement à celui qui le narrateur de sa propre déchéance… Enfin, il faut souligner l’excellent travail du coloriste Cyril St Blancat qui fait baigner le tout dans des couleurs lumineuses et qui participe amplement, du même coup, à l’efficacité de la narration…
Gilles RATIER
Quand on a connu (un peu) Charlie Schlingo à Montmartre avec les copains, Max, Mezzo, Alegria, Rosse et les autres, on ne peut pas adhérer à ce qui ressort de ce bouquin, le pathétique et la loose… C’est la reconstitution d’une vie à partir de fragments (avec en plus quelques erreurs factuelles) d’un point de vue volontairement dramatique, littéraire et « extérieur ». Quelqu’un qui s’esbaudit de la vie d’un être mais qui n’est pas « frère ». Une mise à distance. Et c’est ça qui me gêne dans cet ouvrage. L’enfer est pavé de bonne intentions…