Avec « Le Tombeau des chasseurs », le talentueux Victor Lepointe évoque la tragédie collective d’une bataille vosgienne en 1915 et, plus encore — par le regard de l’un d’eux, Victor Granet —, scrute l’intimité des sentiments de ces chasseurs alpins sacrifiés. Plongée dans la si mal nommée Der des ders…
Lire la suite...HOMMAGE Á VASCO GRANJA
Notre ami Carlos Pessoa, journaliste portugais au quotidien Publico (relayé ensuite par l’omniprésent esthète et humoriste Yves Frémion), vient de nous informer du décès, le 8 mai dernier, à l’âge de 83 ans, de l’un des grands chroniqueurs et historiens de la bande dessinée : Vasco Granja.
Également éditeur de bandes dessinées et de films d’animation au Portugal, cet autodidacte était né à Campo de Ourique (Lisbonne), le 10 Juillet 1925.
Dès le début des années 1950, il s’est passionné pour le cinéma et s’est fortement impliqué dans le développement de ciné-clubs militants : une activité qui lui valu d’être souvent interpellé et même arrêté par la police politique. Auteur, en 1958, des premiers articles sur le cinéma d’animation, notamment à la suite de la découverte des films expérimentaux du Canadien Norman McLaren, son nom reste pourtant principalement associé à la diffusion de la bande dessinée au Portugal ; il fût même le premier à utiliser ce mot dans un article publié par le Diario Popular, le 19 Novembre 1966 ! Par la suite, il intègrera l’équipe internationale de Phénix, la revue de critiques et d’Histoire du 9ème art (dont il s’inspirera pour créer Quadrinhos, l’un des premiers fanzines portugais), participera régulièrement au salon de Lucques en Italie, écrira et traduira de nombreux articles sur la bande dessinée et fondera la première bibliothèque spécialisée du genre, à Lisbonne, en 1978. En 1974 et en 1975, il sera aussi l’un des membres du jury du Salon International de la Bande Dessinée d’Angoulême et restera le principal correspondant portugais de l’équipe fondatrice. Vasco Granja fût également le producteur d’un programme régulier de films d’animation (plus de 1000 émissions) diffusé sur la RTP (la Radio Télévision Portugaise), avant de prendre sa retraite en 1990.
Peu connu dans notre pays, Vasco Granja était pourtant un personnage mythique pour les amateurs de bandes dessinées dans son pays d’origine. La preuve, les éditions ASA (l’un des plus importants éditeurs de bandes dessinées du Portugal) lui avait même consacré un ouvrage : « Vasco Granja : uma vida… 1000 imagens », en 2003. Coordonné par Jorge Magalhães et Maria José Pereira, ce bel ouvrage (où il était longuement interviewé) revenait sur son intense activité culturelle et reproduisait une multitude d’hommages de la part des plus grands, lesquels s’étaient fendus, pour l’occasion, d’un dessin (Will Eisner, Hugo Pratt, Edgar-P. Jacobs, Alfred Andriola, Bob Brown, André Chéret, Victor De la Fuente, Tibet…) ou même de plusieurs planches inédites le mettant en scène ; du moins en ce qui concerne les auteurs autochtones tels Carlos Roque, José Ruy, José Carlos Fernandes, José Garcés, Augusto Trigo, Catherine Labey, José Pires, Pedro Massano, Luis Diferr, João Amaral, Irene Trigo, Estrompa, Artur Correia, Rui Lacas…
La disparition de Vasco Granja arrive juste après celles d’autres grands promoteurs du 9ème art qui ont fait partie de cette époque où les premiers commentateurs du dessin narratif commençaient à s’exprimer : comme Claude Moliterni, Francis Lacassin, François Caradec François Solo, Jacques Fiérain… Et, malheureusement, il faut bien se rendre à l’évidence que c’est tout un pan de la connaissance bédéphile qui est en train de disparaître car ils sont peu nombreux, aujourd’hui, ceux qui tentent de perpétuer leur immense savoir…
Gilles RATIER