Même quand on est adulte, on aime lire les albums jeunesse scénarisés par Loïc Clément. Le récit est toujours surprenant, avec de l’action ou des thématiques traitées toujours profondes et intéressantes… Et pour agréger actions, personnages attachants et émotions, le scénariste n’oublie jamais d’ajouter une bonne dose d’humour. On retrouve tous ces ingrédients dans « Les Larmes du yôkaï » : une enquête policière amusée et amusante dans un Japon médiéval revisité.
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Notre sélection de la semaine : ? Majipoor T.1 : Le Château de Lord Valentin ? par David Ratte et Olivier Jouvray, ? Saint-Germain, puis rouler vers l’ouest ! ? par Bruno Le Floc’h et ? Manson T.2 : L’ombre de Californie? par Paolo Bisi et Cédric Rassat.
? Majipoor T.1 : Le Château de Lord Valentin ? par David Ratte et Olivier Jouvray – Editions Soleil (12,90 Euros)
Voilà une preuve supplémentaire pour confirmer le fait que l’on peut réaliser une bonne bande dessinée en adaptant une œuvre littéraire déjà connue ! Pas facile, pourtant, de s’attaquer à un tel monument de la science-fiction : « Le Château de Lord Valentin » de Robert Silverberg, premier volume du cycle dit de « Majipoor ». Cette quête identitaire, sur fond de reconquête du pouvoir dans un monde merveilleux, est un conte fantastique d’une richesse assez exceptionnelle : sur la planète géante de Majipoor, Valentin est le Coronal désigné et il doit exercer le pouvoir suprême à la mort du précédent Pontife. Victime d’un complot, le jeune adolescent se retrouve amnésique, errant sur les routes. Devenu jongleur d’occasion au sein d’une troupe de saltimbanques, il va emprunter une longue route qui va le ramener à son château… Pour une première incursion, dans l’univers grouillant de l’heroic-fantasy, de la part d’Olivier Jouvray (à l’adaptation et aux dialogues fort bien mis en bulles avec un humour décalé pas si éloigné de celui que l’on trouve dans son « Lincoln ») et de David Ratte (qui s’exerce ici à un dessin plus réaliste que sur ses « Toxic Planet » ou même sur son « Voyage des pères », tout en restant simple et, lui aussi, légèrement décalé par rapport à cette intrigue prenante), c’est plutôt réussi ! En tout cas, cela sort complètement du lot : de cette multitude d’albums plus ou moins bien inspirés (plutôt moins que plus, d’ailleurs) par leurs emprunts à la science-fiction et à la fantasy…
? Saint-Germain, puis rouler vers l’ouest ! ? par Bruno Le Floc’h – Editions Dargaud (15,50 Euros)
Un saxophoniste de jazz, dans le Paris des années cinquante, se produit dans les clubs de Saint-Germain-des-Près. Sa vie de débauche et d’adolescent prolongé a fini par lasser sa compagne : cette dernière disparaît brutalement, ne lui laissant qu’un numéro de téléphone qui ne répond jamais et le souvenir d’une hypothétique maison de famille en Bretagne. Notre drogué de jazz et de soirées sans fin, encore embrumé par les vapeurs d’alcool et par la fatigue, taille alors la route pour Dinard, dans une vieille 403 décapotable aux sièges en cuir rouge, afin de retrouver sa belle et reconquérir son coeur. Au gré d’une quête qui le mènera jusqu’à la côte d’Émeraude, le musicien, toujours accompagné de son saxo et d’une bouteille de whisky, va rencontrer des personnages étranges et mystérieux qui lui permettront de revenir à l’essentiel. Ce « road movie » romantique et mélancolique, publié dans l’intéressante collection « Long courrier » des éditions Dargaud, est un bel hommage à la « note bleue » déjà développée en bandes dessinée par Loustal et Paringaux. D’ailleurs, si on pense beaucoup à Hugo Pratt et à ses grandes vignettes dépouillées mais baignées de lumière qui réussissent à créer une véritable ambiance, il y a aussi un peu de Loustal (ou plutôt de Edward Hopper, peintre américain qui a fortement influencé ce dessinateur) dans l’élégant dessin de Bruno Le Floc’h, story-boarder reconnu qui s’est déjà fait remarquer dans le monde du 9ème art avec quelques petits romans graphiques intéressants comme le superbe « Trois éclats blancs » (chez Delcourt) : Prix René Goscinny, en 2004.
? Manson T.2 : L’ombre de Californie? par Paolo Bisi et Cédric Rassat – Editions Glénat (9,40 Euros)
Le premier tome de cette adaptation en bandes dessinées de la scandaleuse affaire Sharon Tate (actrice dont le plus grand titre de gloire était d’avoir été la compagne du réalisateur Roman Polanski, à la fin des années soixante, et que l’on a retrouvée assassinée au milieu d’autres cadavres dans un somptueux appartement à Los Angeles) nous avait déjà convaincus et ce deuxième opus confirme tout le talent des auteurs ! Particulièrement celui de Cédric Rassat. Il fait partie de cette nouvelle génération de scénaristes qui a très bien su s’inspirer des téléfilms policiers américains actuels tout en insufflant une touche personnelle aux intrigues qu’elle développe : c’est le cas, par exemple, de gens comme Joël Callède, Thierry Gloris, Alcante, Christophe Bec, Damien Marie, Pierre-Paul Verelst ou encore le jeune et prometteur Dobbs*. Ainsi, Cédric Rassat, auteur de deux autres séries policières publiées également chez Glénat (« La frontière » et « William Panama ») traite son sujet avec retenue, se concentrant particulièrement sur les psychologies des différents protagonistes, et réussit à nous tenir en haleine en exposant l’horreur des errements psychopathes du plus tristement célèbre des gourous : lequel n’hésitait pas à se prétendre la réincarnation du Christ auprès de jeunes idéalistes sous produits stupéfiants ou de riches notables en quête de spiritualité. Une contre-enquête passionnante, portée par un graphisme réaliste et détaillé dû à l’un de ces talentueux dessinateurs italiens qui pondent des pages au kilomètre pour les publications transalpines de Bonelli (Paolo Bisi ayant, quant à lui, surtout travaillé sur la série « Mister No ») !
Gilles RATIER
* Ce dernier vient de signer deux scénarios dans le même genre et qui méritent également le détour : « Ed Gein » dessiné par Alessandro Nespolino chez Soleil et « Welcolme to Paradise » dessiné par Guglie (pseudonyme de Simone Guglielmini) chez Carabas.